Dans une chaîne humaine, chaque marcheur brandira un livre, ce qui donnera à la manifestation l’aspect noble d’un «Salon» ambulant du livre, un livre pacifique et frondeur. Jamais un Café littéraire n’a suscité autant d’intérêt que celui, présentement, d’Aokas pour ce qu’il subit comme oppression et abus et pour l’exceptionnel élan de solidarité dont il fait l’objet. Cela se matérialisera aujourd’hui par la présence d’un beau et grand monde attendu dans la ville pour battre le pavé chaud à l’appel du comité citoyen qui prend le relais de l’association locale, Azday adelsan n Weqqas, pour l’organisation des Cafés littéraires, dont le dernier en date, le 22 juillet, a été réprimé avec un excès de violence. Cette fois-ci, la marche sera celle du livre puisqu’elle est associée au slogan poétique «Adlis g fus, afus g fus» (Un livre à la main, la main dans la main). Dans une chaîne humaine, chaque marcheur brandira un livre, ce qui donnera à la manifestation l’aspect noble d’un «Salon» ambulant du livre, un livre pacifique et frondeur. L’écrivain Rachid Oulebsir engage sa maison d’édition pour offrir un livre à chaque marcheur. L’action a cela de particulier qu’elle dévie et défie les sentiers de l’ignorance pour défendre la culture. Et c’est ce qui a suscité un grand élan de solidarité, dont celui engageant des hommes et des femmes de culture que le Café littéraire d’Aokas avait reçus ou défendu la cause, comme Kamel Daoud. «Je viens à Aokas» Fraîchement primé du Prix du livre et des droits de l’homme de la ville de Nancy pour Mes indépendances, chroniques 2010-2016, Kamel Daoud s’est engagé, selon un site électronique, à être cet été à Aokas dans un geste de solidarité, comme il l’aurait écrit sur sa page Facebook : «Je viens à Aokas dès que je rentre au pays. Il s’y joue notre avenir de dire, écrire et parler.» Les messages de soutien sont nombreux, ils émanent de la députée écologiste européenne, Malika Benarab-Attou, originaire de Toudja, du jeune romancier Anouar Rahmani, de Fodil Boumala, du Café littéraire de Béjaïa, de celui de Bouzeguene et de Batna, du président du RCD, Mohcine Belabbas, qui a alerté que «le gouvernement joue avec le feu en persistant dans le refus d’autoriser les activités du Café littéraire d’Aokas». A Oran, en écho à l’action aokasienne d’aujourd’hui, un appel est lancé pour un rassemblement ce matin devant le Théâtre régional en brandissant des livres. L’écho vient aussi d’outre-mer. Au Canada, le Carrefour littéraire de Montréal prend part à un rassemblement de protestation prévu pour la matinée d’aujourd’hui devant le consulat d’Algérie à Montréal. Tout ce mouvement contestataire accompagne la marche d’Aokas qui démarrera de la place publique Katia Bengana vers le centre culturel Rahmani Slimane où le chroniquer et écrivain Chawki Amari animera un Café littéraire autour de la littérature et de son apport dans l’engagement politique. En plus d’être une destination touristique, Aokas s’impose désormais comme destination culturelle qui force les obstacles bureaucratiques et politiques. Le Café littéraire d’aujourd’hui sera-t-il toléré ? C’est là la grande interrogation du moment. La tendance à l’apaisement qu’ont affichée les autorités mardi dernier, lors de la rencontre entre représentants du wali et ceux de l’association Azday, a laissé croire à un retour des pouvoirs publics à de meilleurs sentiments. «L’administration n’est pas infaillible. Faites table rase de ce qui est passé, jugez-nous désormais sur nos prochains actes», avait dit le délégué à la sécurité aux représentants de l’association d’Aokas, invités à faire «attention aux sécessionnistes» qui empêchent les autorités de dormir. Sur le terrain, aucun signe d’apaisement. Trois citoyens d’Aokas, présents à la marche réprimée du 22 juillet, viennent d’être convoqués par la sûreté de la daïra. Cette convocation sème le doute sur les intentions réelles des autorités. Selon des membres de Azday, des représentants de celle-ci et de la société civile d’Aokas ont pu avoir une audience avec le wali qu’ils ont interpellé sur ces convocations policières agaçantes. Le doute La même source affirme que le wali a instruit la sûreté de daïra d’Aokas d’annuler les poursuites engagées. Les intentions des autorités se confirmeront aujourd’hui avec la marche que le comité citoyen organise sans introduire de demande d’autorisation. C’est la décision qui a été prise en assemblée générale. L’administration fermera-t-elle les yeux dans un signe d’apaisement ou réquisitionnera-t-elle encore une fois les CRS au risque d’envenimer davantage la situation ? En tout cas, à Aokas, des jeunes bénévoles ont nettoyé mardi dernier les alentours du centre culturel des débris et pierres, stigmates de la dernière émeute. Le signe est celui d’un nouveau départ espéré dans la paix. Chawki Amari sera en tout cas reçu dans un centre culturel, probablement sans chaise, et certainement avec ses vitres cassées, témoins de la furie des CRS. La rencontre, si elle se tient, se fera en présence des députés qui ne devront pas se laisser avoir cette fois-ci en ne quittant pas la salle pour répondre à l’invitation de la cheffe de la daïra et laisser libre voie à l’assaut des CRS. Sur quels nouveaux actes devrait-on juger désormais les autorités ? Aokas nous le dira.
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