mercredi 2 août 2017

«La prise en charge dans nos foyers spécialisés se résume à nourrir et à offrir un matelas à l’enfant»

- Quelles sont les conditions d’accueil dans les établissements pour enfants assistés ? Combien y en a-t-il sur le territoire national ? Quel est leur budget ? Qui sont leurs pensionnaires ? Hormis les profils humains et les compétences du personnel qu’impose la population vulnérable, les conditions d’accueil en institution ne sont et ne seront jamais agréables, d’où mon éternel plaidoyer pour les placements en kafala dès la naissance de l’enfant. Alors ajouté à cette atmosphère froide, qu’est la machine institutionnelle, l’absence de rigueur et d’intégrité... Le nombre d’établissements sur le territoire national doit être, si mes souvenirs sont bons, une cinquantaine. Les budgets attribués par l’Etat sont corrects, s’ils étaient réellement consacrés à la prise en charge de l’enfant. On assiste à une prolifération, ces dernières années, de manquements extrêmement graves dans la gestion des budgets alloués. L’Etat doit déclarer une guerre impitoyable à tous ceux qui osent toucher ou détourner le moindre bien de l’orphelin en institutions ou ailleurs ! Quant aux pensionnaires des établissements pour enfants assistés, je me suis toujours indigné et j’ai dénoncé l’inconscience du bricolage qui sévit dans les placements, on ne mélange pas les différentes catégories de populations, à chaque handicap, une solution. Aujourd’hui, on retrouve des enfants normaux, handicapés et issus de la délinquance juvénile dans le même établissement. - Quelles sont les lacunes observées dans la prise en charge de ces enfants ? Lors de mes différentes visites dans les FEA (Foyers pour enfants assistés), mon étonnement amer a été celui de constater que les éducateurs (spécialisés) n’étaient pas du tout formés ou ne faisaient pas leur devoir. En fait, l’éducateur se borne à la surveillance des lieux et du groupe d’enfants et malheureusement ce sont très souvent les aînés du groupe qui, par solidarité, imposent l’entraide. Beaucoup de ces enfants devenus adultes ne bénéficient pas d’insertion dans la société comme il se doit. La prise en charge dans nos foyers spécialisés se résume à nourrir et à offrir un matelas à l’enfant.   - Il y a des scandales sporadiques dans ces centres. Il y a eu notamment l’affaire du directeur pédophile du foyer pour enfants assistés de Békaria à Tébessa en 2011. Que peut faire l’Etat pour éviter ces drames ? Pour éradiquer totalement ou un grand nombre de ces drames, l’Etat se doit de mettre en valeur la kafala en famille, de la réorganiser pour en faire un recueil définitif pour l’enfant dès sa naissance. Il n’est pas sorcier de mettre un terme aux naissances sous X et de les remplacer par un nouveau concept en harmonie avec notre culture cultuelle. L’idéal serait de mettre en place un conseil de famille national pour la gestion et le placement immédiat de ces victimes en famille d’accueil, afin de désinstitutionnaliser la prise en charge. Pour revenir à votre question, l’Etat en sa qualité de tuteur légal de cette population se doit de prendre au sérieux ce dossier, d’autant plus qu’il s’est imposé dernièrement la constitutionnalisation de la prise en charge totale des enfants abandonnés. A maintes reprises, nous avons revendiqué la création d’une institution à part entière pour la gestion de ce secteur sensible et nous avons également démontré l’incapacité de la Solidarité nationale devant nombre de situations dramatiques. Le crime de Tébessa est dû, à mon sens, à la négligence inconsciente des hauts responsables de ce secteur. La personne assurant la direction du FEA de Békaria a été non seulement malade pour avoir commis ce que l’on sait, en plus d’être installé par intérim depuis plus de deux années. Est-il responsable de confier des êtres humains à des personnes sans pour autant trier sur le volet les profils et de surcroît procéder à des enquêtes de moralité ? -  Y a-t-il eu une prise en charge psychologique des victimes de ces actes ? Pour qu’il y ait une prise en charge immédiate, il faut qu’il y ait dénonciation, et comme ces actes ignobles d’un autre âge sont très souvent étouffés, la victime préfère se taire dans une torturante souffrance. Et bien malheureusement chez nous, et je pense que c’est culturel, nous négligeons l’accompagnement psychothérapeutique de ce genre de victimes. Combien de jeunes femmes adultes n’osent même pas déposer plainte de peur de se retrouver écrasées par le poids de la société et des proches. Alors je vous laisse imaginer l’attitude de l’enfant tétanisé par le criminel ?

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