I'nsaisissable et déroutant. Le Dr Saïd Sadi est là où il est le moins attendu : à savoir dans le développement local. Alors que son parti, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), dont il n’est plus président depuis deux années, tenait son conseil national au Club El Moudjahid (Alger-centre), «Etviv», le prodige de la mouvance démocratique réapparaît hier à la côte ouest d’Alger, à Aïn Benian, plus exactement, où il a officiellement lancé sa fondation (association) Afud (force en tamazight). Futur incubateur dédié à l’analyse, la formation, l’unification et le développement solidaire, Afud ambitionne, selon Saïd Sadi — élu président de cette fondation aux termes de l’assemblée constitutive — «d’aider les porteurs de projets qui peinent à trouver assistance pour mener leurs initiatives». «Instance nationale» qui rassemble des militants issus de 17 wilayas (investis dans la PMI, la communication, le tourisme solidaire, la mise en valeur des produits du terroir, dans la protection de l’environnement, récupération des eaux de pluie, dans l’organisation des manifestations culturelles et de proximité, etc.), Afud aura comme point d’ancrage la Kabylie. «Pour des raisons à la fois historiques, sociologiques et culturelles, dira Sadi, cette dynamique (…) peut connaître l’essor le plus visible et le plus rapide en Kabylie.» «Mais outre les populations de cette région, il faut faire en sorte à ce que cette culture d’autoprise en charge des besoins fasse émulation partout où nous pourrons trouver des relais et les leviers pouvant permettre de déclencher des chantiers structurants pour le développement local», a précisé Saïd Sadi. Pourquoi cette fondation ? Dans son speech, assurément l’un des plus softs qu’il a eu à prononcer durant sa carrière, le Dr Sadi invoquera trois raisons essentielles. La première tient, à ses dires, à l’«embolie qui frappe aujourd’hui une bonne partie des circuits décisionnaires du pays» et «rien ne permet de dire quand et comment ces obstructions structurelles seront levées». M. Sadi estime qu’il est «urgent» de libérer les énergies (…) pour mieux promouvoir les patrimoines matériel et immatériel de l’Algérie. Deuxième raison invoquée : «L’affaissement de nos recettes financières avec ses corollaires comme l’effondrement du pouvoir d’achat, l’explosion du chômage, le délabrement des biens collectifs et la dégradation de notre environnement.» Saïd Sadi considère qu’il est désormais vital que l’Algérien apprenne à rentabiliser le moindre potentiel de développement et transmettre des savoirs-faire économiques, construire des pratiques sociales solidaires et redécouvrir des normes culturelles adaptées pour réduire la facture de ses besoins et améliorer son cadre de vie. Raison dernière : «La crise morale qui affecte la qualité des échanges sociaux et politique souillant le débat public réduit, dans trop de situations, à des invectives, des polémiques qui, hélas, parasitent les activités des militants les plus vertueux.» Pour l’ancien «leader maximo» du RCD, trêve de discours creux et de politique politicienne. Place désormais aux actes. «Produire et construire, déclare-t-il, est aujourd’hui une offre politique concrète qui ressuscite l’espoir, qui peut recrédibiliser l’action publique et, dans la foulée, contribuer à atténuer les emportements démagogiques des agitateurs qui polluent la scène algérienne.» Le néo-mécène du développement local invite ainsi ses compatriotes à «s’engager dans des contrats innovants (…) qui entrent en résonance avec notre histoire». «Une phase se tourne sous nos yeux dans l’histoire de l’Algérie indépendante, conclut Saïd Sadi. (…) C’est l’occasion de lancer des initiatives qui sont autant de messages qui peuvent mobiliser à bon escient nos ressources humaines et naturelles afin d’atténuer les effets d’une récession d’autant plus redoutables qu’elle a été mal anticipée.» Comme Gramsci, le Dr Sadi veut allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté. «La réforme qui n’est pas venue du sommet, à quelque chose malheur est bon, lancée par le citoyen elle peut, à terme, sensibiliser et impliquer les institutions», professe le fondateur de la fondation Afud.
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