De nombreuses études sont actuellement en cours où des centaines de malades sont pris en charge sans l’avis de ce Conseil. Le drame survenu à l’hôpital de Rennes en France, où un patient est décédé et quatre autres pourraient avoir des séquelles suite à un essai clinique en phase 1, a suscité de vives réactions et surtout des inquiétudes à travers le monde sur le déroulement de ce type d’études. Pourtant, elles répondent à des conditions strictes, voire un cadre législatif rigoureux assurant la protection des patients. Qu’en est-il en Algérie où la recherche clinique est à ses premiers balbutiements ? Une autorisation du comité d’éthique de l’hôpital et une autre du ministère de la Santé permettent d’effectuer ce type d’études sur des patients réels. Le Conseil national de l’éthique des sciences de la santé n’est saisi que pour les essais sans finalité thérapeutique. Une aberration, selon les spécialiste qui évoquent le risque de conflits d’intérêts des comités d’éthique locaux. «Aucun dossier portant sur ces études n’a été soumis à notre approbation. On ne sait pas réellement ce qui se fait et qui évalue ces études. Nous ne doutons pas des comités d’éthique pour les essais cliniques au niveau des hôpitaux représentés par des professeurs en médecine et autres, mais il n’est pas normal que l’instance nationale représentant l’éthique et dont l’installation a été faite en avril 2015 ne soit pas consultée pour ces dossiers qui sont en cours», estime un membre de ce comité. C’est ce que la majorité des membres dénoncent et d’ailleurs ils comptent saisir le ministre de la Santé. «Nous avons appris que des autorisations de réalisation d’étude clinique au profit de CRO et de laboratoires ont été délivrées par la direction de la pharmacie et des équipements de santé en juillet 2015, sans nous en informer. Pourtant ce Conseil a pour mission l’élaboration de textes relatifs aux domaines de la greffe et de la transplantation d’organes, des essais cliniques, de la procréation médicalement assistée (PMA) ainsi que de la recherche scientifique. Comment peut-on outrepasser une telle institution ?» s’interroge un professeur en médecine que nous avons sollicité. Ces essais cliniques apportent certes un bénéfice aux patients mais en parallèle ce sont surtout les laboratoires qui en tirent profit, puisque les études interventionnelles et observationnelles ont déjà été faites ailleurs. C’est plutôt du marketing et de la promotion des produits qui sont faits, puisque les médicaments ont déjà leur autorisation de mise sur le marché avant d’arriver en Algérie, explique un spécialiste en la matière. «Une étude observationnelle nécessite quand même un budget mais pas aussi important que l’étude interventionnelle. Le coût avoisine dans certains cas les 2 milliards de centimes pour une seule étude», ajoute notre source. Outre les laboratoires pharmaceutiques dotés de département recherche clinique, seulement deux centres privés dénommés Contract Research Organisation (CRO), à savoir Clinica Group et Ariane, sont autorisés à effectuer ces essais aux profits des laboratoires pharmaceutiques conformément aux dispositions de l’arrêté n°387 du 31 juillet 2006 relatif aux essais cliniques qui définit les conditions dans lesquelles s’effectuent les essais cliniques sur l’être humain. Ces CRO mènent en étroite collaboration avec des investigateurs (les médecins) ce type d’études mais généralement limité à des études observationnelles et rarement interventionnelles. Donc seulement la phase III est effectuée sur des médicaments déjà enregistrés ayant des autorisations de mise sur le marché (AMM) et sur des patients réellement malades après la signature d’un document portant le consentement éclairé. Cette phase III compare en fait le traitement à un placebo ou à un traitement de référence. Comme il est aussi prévu de rechercher des effets secondaires supplémentaires à ce qui a déjà été observé. Qui donc autorise ces promoteurs à recruter des patients pour ce type de recherche ? Pour débuter la recherche, un avis favorable doit être obtenu auprès des comités d’éthique installés au niveau de hôpitaux et une autorisation de la direction de la pharmacie au ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, selon le même arrêté. Ce qui semble insuffisant pour assurer une protection des patients des conflits d’intérêt de ces comités, selon certains spécialistes. Sur huit comités d’éthique pour les essais cliniques existant, seulement trois sont fonctionnels, à savoir le CAC de Blida, le CHU de Beni Messous et l’hôpital de Bologhine. Les CRO soumettent donc leurs projets d’étude au comité d’éthique de leur choix et parfois c’est selon les affinités qu’ont les responsables de ces CRO avec les membres de ces comités. Ce qui risque de fausser les critères exigés pour la réalisation de ces études, à savoir la transparence, la sécurité et la qualité et n’échappe pas effectivement au conflit d’intérêt contrairement aux principes de l’éthique et de la déontologie. Un problème auquel les pays ayant une longue expérience en la matière n’ont pas échappé malgré la rigueur des textes de loi, tels que la France où les essais cliniques sont d’abord autorisés par le Comité de protection des personnes (CPP) et par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Les dispositions réglementaires algériennes méritent ainsi d’être revues puisque l’Agence nationale du médicament existe enfin pour mettre fin à tous ces dysfonctionnements. Pour de plus amples informations à ce sujet, toutes nos tentatives de joindre la direction de la pharmacie sont restées vaines.
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