Seghir Mostefaï nous a quittés le jeudi 21 janvier 2016. D’une famille de nationalistes et de patriotes, son oncle est Chawki Mostefaï, jeune il s’était engagé dans le Mouvement national et avait rejoint, durant la guerre de Libération nationale, le FLN. Il a été membre de la délégation du GPRA qui a négocié les Accords d’Evian. Mais il était particulièrement connu en tant que premier gouverneur de la Banque centrale d’Algérie (BCA). En effet, à l’été 1962, l’ancienne Banque de l’Algérie, qui avait le privilège de l’émission monétaire dans le pays depuis 1851, avait annoncé aux autorités de l’époque, qu’elle cesserait toutes ses activités à la fin de décembre de la même année. Seghir Mostefaï avait été désigné alors pour mettre en place le nouvel institut d’émission algérien, dans un délai très court de trois mois environ. Il lui fallait durant ce laps de temps négocier avec la Banque de l’Algérie les conditions de reprise en défendant les intérêts du pays, suivre et contrôler ses opérations, recruter les éléments algériens pour faire fonctionner les services centraux et les agences du nouvel établissement alors que leur présence était très rare dans ce secteur. La Banque de l’Algérie n’avait qu’un seul cadre algérien, le défunt Bouasria Belghoula, qui avait été nommé d’ailleurs directeur général de la BCA. Il devait en même temps préparer les statuts de la banque qui avaient été adoptés en décembre 1962. Et c’est le 2 janvier 1963 que la Banque centrale d’Algérie ouvrait ses portes avec en tant que gouverneur à sa tête Seghir Mostefaï, assisté d’une poignée de jeunes diplômés universitaires et d’un nombre réduit d’employés. Il a exercé ses fonctions pendant presque vingt ans, avec rigueur, compétence, dévouement et de manière désintéressée. Nous ne rendrons pas suffisamment hommage aux hommes et aux femmes, qui, comme Seghir Mostefaï, s’étaient attachés avec des moyens limités et dans des conditions extrêmement difficiles, à un moment où le pays risquait de sombrer dans l’anarchie et même dans la guerre civile, à la suite des dissensions entre ses dirigeants, de mettre en place les institutions qui allaient permettre à l’Etat algérien, qui venait d’être restauré, de disposer de tous les attributs de souveraineté et de pouvoir les exercer. Malgré la limitation graduelle des prérogatives de la Banque centrale, qu’il a essayé d’empêcher en vain, il a continué à œuvrer pour qu’elle puisse fournir à l’économie nationale, tout en assurant la stabilité de la monnaie sur le plan interne et externe, les ressources nécessaires à son fonctionnement et à son développement. Développement qui a commencé effectivement à se réaliser durant les années 1970, grâce, il faut le dire, à une politique rigoureuse pratiquée dans le cadre d’une vision et d’une stratégie claires et efficaces. Il devait en même temps, durant le temps où il assumait ses fonctions, représenter l’Algérie au niveau des institutions financières internationales où il était estimé et considéré pour sa clairvoyance, la justesse de ses points de vue et sa volonté de préserver et défendre les intérêts des pays en voie de développement. Il a assuré cette tâche d’une manière digne et appréciée. Seghir Mostefaï est parti avec la satisfaction d’avoir vu l’Algérie libérée du joug colonial mais avec le regret sans doute de constater que les objectifs pour lesquels tant d’hommes et de femmes de valeur ont sacrifié leur vie et pour la concrétisation desquels il a œuvré avec tant d’autres, n’ont pas été tous réalisés. Les ambitions et les rêves, que ceux et celles de sa génération nourrissaient pour leur pays, restent en grande partie dans l’attente d’être pris sérieusement en charge et de se traduire en accomplissements.
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