Après un mois d’auditions au tribunal criminel d’Alger, l’affaire Sonatrach 1 a été mise, hier, en délibéré. Le sort des 18 accusés sera tranché par les réponses que devra apporter le tribunal à une centaine de questions et sur lesquelles reposera le verdict qui doit être connu mardi prochain. Baisser de rideau, hier en début d’après-midi, sur l’affaire Sonatrach 1, mise en délibéré par le tribunal criminel d’Alger. Ce dernier doit répondre à une centaine de questions pour établir la culpabilité ou non de chacun des accusés, dans chacun des faits qui leur sont reprochés, avant de rendre son verdict mardi prochain. L’ambiance de cette audience a été très lourde. Appelés à la barre, les 18 accusés ont tous exprimé leur «dernier mot». D’abord Mohamed Réda Djaafer Al Smaïl, récitant un verset coranique, s’en «remet à Dieu», clame son «inocence» et exprime sa «confiance» en la justice. Le juge l’interroge sur les objets confisqués, il répond : «Une maison à Paris, une autre achetée en 2009 à Birkhadem, les bureaux de Contel achetés en 2008 à Bouzaréah et en 2007 à Ben Aknoun, ainsi que des comptes au CPA et à BNP Paribas.» Très succinct, Mustapha Hassani, qui n’a aucun bien de saisi à part son passeport, déclare : «Je n’ai fait que mon travail en toute honnêteté.» Mustapha Cheikh tente de revenir sur les faits, mais le juge lui rappelle la règle. «Vous avez droit au dernier mot», lui lance le juge avant que l’accusé ne revienne à la charge et que le président l’interrompt une seconde fois, poussant Cheikh à lâcher : «Cette affaire nous fait très mal.» Lui aussi n’a aucun bien de confisqué, à part son passeport. Il en est de même pour Belkacem Boumedienne, qui évoque un long verset coranique avant de souhaiter : «Inch’Allah, le tribunal sera clément envers nous.» Il continue : «En tant qu’ex-vice-président de Sonatrach, jamais je n’aurais pensé qu’un jour je serais jugé. C’est le message que je laisserai à mes enfants, quelle que soit la décision du tribunal. J’ai confiance en la justice.» Réda Meziane demande l’acquittement en disant : «J’ai été sincère dans tous mes propos et le contenu des commissions rogatoires est là. Je n’ai rien caché.» Ses biens confisqués par le juge se résument à une villa achetée en 2007 à Dély Ibrahim, une autre la même année et une voiture Audi Q5 appartenant à son épouse. Le juge : «Est-ce celle achetée par Saipem au prix de 4 millions de dinars ?» Réda Meziane confirme, avant de céder la place à son frère Fawzi qui, d’emblée, lance : «Je n’ai aucun lien avec cette affaire. Je suis innocent.» Lui aussi évoque la saisie par la justice de sa maison achetée en 2008 à Bouzaréah, une BMW et son passeport. El Hachemi Meghaoui déclare : «J’ai travaillé avec honnêteté aussi bien dans le secteur public que dans le privé. Six ans en prison avec mon fils, c’est trop.» Lorsqu’il parle de ses comptes gelés, le président l’interroge : «Comment se fait-il que pendant que vous étiez en prison, il y a eu des mouvements entre votre compte et celui de votre fils ?» Meghaoui : «C’est un compte conjoint. Mon épouse était malade et avait besoin d’argent pour se soigner.» Les comptes, bloqués par le juge d’instruction, sont domiciliés à BNP et recevaient ses dividendes au holding et son salaire. Son fils Yazid se limite à deux phrases : «Je suis innocent. Je demande la réhabilitation.» Pour ce qui est des saisies, il les résume à deux comptes en France et trois autres en Algérie, ainsi que son passeport. Benamar Zenasni impressionne le juge : «Vous êtes le seul qui souriez et à être optimiste.» Zenasni, avec un large sourire, répond : «Je suis loin de toute cette affaire et je n’ai rien fait.» Confiant, Abdelwahab Abdelaziz déclare : «J’ai servi mon pays et ma société en toute sincérité. Je suis innocent.» Puis vint le tour de Mohamed Senhadji : «J’ai fait mon travail dans mon intérêt.» Un lapsus qui fait réagir le juge : «Vous voulez dire dans l’intérêt de la société, parce que tel que vous le dites, on comprend autre chose.» Eclats de rire dans la salle. L’accusé : «Je voulais dire dans l’intérêt de l’entreprise. Excusez-moi, j’ai juste un problème de langue.» Mouloud Aït Al Hocine demande «l’application de la loi» ; le président lui répond : «Attention, elle a deux sens cette application…» Il passe à Chawki Rahal qui, visiblement éprouvé par le long procès, ne trouve pas son dernier mot, mais finit par lâcher : «C’est la première fois que je me retrouve au tribunal.» Le juge : «Inch’Allah, ça sera la dernière.» L’accusé : «Inch’Allah, parce que je suis iπnnocent.» Il cède sa place à Nouria Meliani, qui déclare : «Sonatrach n’est qu’un client pour moi. Je n’ai fait que mon travail. J’ai été touchée dans mon honneur pour un fait que je n’ai pas commis.» Le juge : «Cela arrive. Même les prophètes ont subi des épreuves difficiles.» L’accusée : «Les prophètes sont des hommes. Moi, je suis une femme.» Cette réplique fait réagir le juge : «Avant, on pouvait faire cette différence. Aujourd’hui, il n’y a pas de distinction entre les hommes et les femmes. Ils sont égaux devant la loi.» Et d’appeler Mohamed Meziane, qui d’emblée déclare : «J’ai travaillé durant 43 ans dans le secteur des hydrocarbures et 33 ans comme cadre dirigeant. Jamais je n’ai commis d’erreur. Jamais je n’ai trahi ma société ni mon pays. Je demande l’acquittement.» Pour les objets saisis, Meziane avance une villa à Birkhadem achetée en 2008, l’appartement de son épouse acheté en 2009, à Paris, au nom de celle-ci, ainsi que ses deux passeports, diplomatique et ordinaire. Le représentant de Saipem, Gallipouli, exprime en italien sa «confiance» en la justice algérienne et tente de revenir sur certains faits, avant que le juge ne l’arrête : «Comprano, comprano !» suscitant une hilarité assourdissante dans la salle. Gallipouli affirme que Saipem a fait l’objet du gel de ses comptes à Citibank et à BNP. Thomas, représentant de Funkwerk Contel, commence par dire que ces «dernières semaines ont laissé des traces», avant de demander, au nom du groupement, la relaxe et la levée du gel de ses comptes, domiciliés à BNP et à Natixis afin «de payer les dettes vis-à-vis des impôts et de la caisse sociale». Représentée par Abderrahmane Fertas, la société Contel clame elle aussi l’acquittement et la récupération de ses deux sièges à Ben Aknoun et à Bouzaréah, acquis entre 2007 et 2008, ainsi qu’un véhicule, type Peugeot 407 et ses comptes domiciliés à BNP et Natixis. Représentée par maître Allegue, la société Funkwerk Plettac se déclare innocente tout en remerciant «la justice d’avoir pris tout le temps pour cette affaire». Le juge procède à une longue lecture des enquêtes psychiatriques et sociales sur les accusés avant d’annoncer que le tribunal a décidé d’ajouter des questions subsidiaires au sujet des accusés Mohamed Senhadji, Mustapha Hassani et Mustapha Cheikh, pour déterminer si ces derniers sont reconnus coupables de complicité de signature de contrats, comme cela est le cas dans l’arrêt de renvoi, ou de signature de contrats, puisque ces derniers portent leurs griffes. D’autres questions subsidiaires sont également prévues en ce qui concerne Mohamed Meziane et Belkacem Boumedienne. Il s’agit pour le tribunal de s’assurer de la culpabilité ou non des accusés, dans les faits de signature de contrat comme il est retenu contre eux, ou de complicité de signature. Des questions dont les réponses pourraient changer la donne aussi bien pour les trois premiers accusés que pour les deux derniers. Avant de lever l’audience, le juge annonce que le verdict de cette affaire sera annoncé mardi prochain, avant de rendre hommage aux avocats qui ont apporté, selon lui, leur aide au tribunal.
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