mardi 2 février 2016

L’exil, les 26 milliards et les mauvais souvenirs

Après 25 ans d’exil volontaire à Londres, Abdelhamid Brahimi, connu sous le sobriquet de «Abdelhamid la science» est rentré dimanche au pays. La nouvelle génération ne connaît rien de lui. Mais celle des années 1980 en sait quelque chose. Abdelhamid Brahimi était ministre du Plan sous le président Chadli Bendjedid avant que celui-ci le nomme Premier ministre de 1984 à novembre 1988. Il a quitté ses fonctions après la révolte du 5 Octobre 1988 qui a ramené le pluralisme politique dans le pays et partira d’Algérie quatre années plus tard, c’est-à-dire en 1992, après l’arrêt du processus électoral. Mais auparavant, l’ancien ministre du Plan avait lâché une bombe sur le détournement de «26 milliards de dollars sur une période 20 ans». C’était dans les discussions de tous les Algériens qui venaient de subir, après l’effondrement des prix du pétrole en 1986, le chômage, la misère, les licenciements, les pénuries et la montée de l’islamisme politique. Coïncidence de l’histoire, Abdelhamid Brahimi revient au moment où le pays retombe dans les mêmes travers dus à une gouvernance qui laisse à désirer des affaires publiques : crise financière après la chute brutale des prix des hydrocarbures. Dans une récente interview accordée au journal à El Khabar, l’ancien Premier ministre de Chadli parlait de «réconciliation nationale qui est, aujourd’hui et demain, la clé de l’Algérie…» Et  c’est visiblement l’une des raisons qui le fait revenir car, avait-il expliqué, «il est temps de mettre nos conflits de côté et de mettre la main dans la main pour faire sortir l’Algérie de son malheur et de son sous-développement». Paradoxe de la vie et de la politique, 30 ans après avoir échoué à donner des solutions à une économie détruite par les politiques de restructuration qu’il avait menées à l’époque, «Abdelhamid la science» entend bien apporter sa contribution et soulager l’Algérie de ses malheurs. L’économiste et docteur en sciences Mourad Ouchichi est de ceux qui pensent qu’«après la mort de Boumediène, les collaborateurs de Chadli Bendjedid, notamment Abdelhamid Brahimi, affirmaient que l’échec des entreprises publiques était dû à leur taille. Selon eux, elles étaient trop grandes pour être bien gérées. On a procédé alors à leur morcellement.» Ce n’est un secret pour personne que les réformes imposées par le pouvoir de Chadli avaient cassé les ressorts de l’économie nationale, mis en péril sa souveraineté en jetant le pays d’abord dans les bras du Fonds monétaire international puis dans ceux de la violence politique qui l’avait plongé dans une décennie de sang et de larmes.Abdelhamid Brahimi ne s’est pas uniquement exilé à Londres, mais a mené une guerre contre ceux qui ont sacrifié leur vie pour que l’Algérie reste debout. La réconciliation c’est bien beau dans l’absolu, dans un contexte politique apaisé, mais ne pas avoir la mémoire courte, c’est encore mieux. 

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