L’enfant de Aïn Bessem disparu n’a toujours pas été retrouvé. A Illizi et Annaba, des familles ont été endeuillées ces derniers jours par la disparition de leurs enfants et les violences qu’ils ont subies. Point, aujourd’hui, sur le projet «Alerte enlèvement et disparition» qui est en phase de finalisation au ministère de la Justice. El Watan Week-end détaille le projet et relève certaines failles dans la prévention de l’enfance. «Lundi, en compagnie d’amis et de proches, nous sommes partis chercher du côté de Sidi Rached à Tipasa. Quelqu’un croyait avoir vu mon fils. Une fois sur place, c’est vrai que la ressemblance était frappante, mais ce n’était pas mon fils. Mardi, nous sommes ensuite allés à Boumerdès suite à l’appel d’une personne, mais nous n’avons rien trouvé. Je n’ai toujours pas de nouvelles de Badreddine depuis maintenant 29 jours.» Mohamed de Aïn Bessem est un père triste, inquiet, en pleurs mais surtout désemparé. Son fils de 13 ans a disparu depuis maintenant près d’un mois. Il a «l’impression» que les services de sécurité, à savoir les gendarmes, ne «bougent pas». «Ils viennent régulièrement pour poser des questions et repartent. Sans plus.» Même si la procédure a probablement un sens pour les gendarmes, Mohamed n’y croit plus. De toutes les manières, il n’est pas trop assuré, dit-il. Sur le terrain, il est seul, si ce n’est quelques amis et voisins qui l’accompagnent à la recherche de son enfant. Pour lui, c’est un drame que les «autorités n’arrivent pas à comprendre». A Annaba, le 14 mai dernier, un enfant de 7 ans enlevé pendant quelques heures a été retrouvé traumatisé après un viol collectif. Il y a deux mois, une jeune fille de 16 ans a aussi été kidnappée et violée par un groupe, puis remise à une autre bande, pour être finalement retrouvée à Alger après avoir été enlevée à Tipasa. Depuis déjà trois ans, le projet «Alerte enlèvement et disparition» a été lancé par plusieurs intervenants. On apprend au ministère de la Justice que ce projet est «presque finalisé». Selon le schéma, la première étape commencera par les services de sécurité alertés via leur numéro vert et le site internet des gendarmes, et ce, dans le cadre de la pré-plainte. Puis, c’est le procureur, toujours selon le même schéma, qui est informé, ensuite vient l’étape de rassembler les renseignements et mettre en place un plan de recherche et l’installation de la cellule de crise, ratissage de la zone et mise en place des barrages de police et de gendarmes. Toutes ces étapes sont validées par tous le secteurs concernés, apprend-on auprès du ministère de la Justice. Entre-temps, les spécialistes repèrent les failles qui font que les enfants disparaissent encore pour être violentés et parfois tués. Coordination Premièrement, mieux s’orienter sur les vraies solutions. L’Algérie s’oriente dans la mauvaise direction. Pour Abderrahmane Arrar, président de l’association Nada, c’est une autre solution qu’il faut adopter maintenant. «L’urgence est de traiter les causes des enlèvements et des dépassements sur les enfants : les déliquescences et la violence au sein de la société. Aujourd’hui, nous sommes en train de traiter les conséquences de la violence, c’est-à-dire les enlèvement et les viols.» Mostapha Khiati, de la Forem, évoque en effet un malaise social. «Il faut, dit-il, réfléchir à la sécurisation de la population. Celle-ci doit être sécurisée en adhérant aux mesures déployées par les services de sécurité.» Deuxièmement, lancer le plan Alerte enlèvement. M. Arrar évoque l’urgence de cette solution en réflexion depuis quelques années déjà, mais toujours en stand-by et Khiati explique : «Il apparaît utile de mettre en place rapidement un plan alerte enlèvement, lequel a montré son efficacité ailleurs même s’il est relativement contraignant.» L’avocat Belkessem Naït Salah veut que ce plan Alerte soit élargi aux enfants violentés. Dans le même sillage, le président de la Forem attribue un rôle important aux médias. «Les médias pourraient également jouer un rôle important, surtout en évitant de choquer la population et d’augmenter son angoisse en traitant convenablement le sujet. Pour faciliter le travail des médias, les services de sécurité devraient à chaque enlèvement ou problème à impact social créer une cellule de crise qui serait en contact permanent avec les médias pour justement éviter les dérapages.» Troisièmement, le travail doit être impérativement complémentaire entre les différents intervenants. Il faut simplement une action multidisciplinaire. Il y a désormais lieu de coordonner les efforts. «Chaque acteur doit jouer son rôle, c’est pour cela que la communication entre tous les acteurs est indispensable», explique encore M. Khitai. Belkessem Naït Salah soulève la problématique du «manque de coordination». C’est là que la faille existe pour lui. «La coopération entre les différents intervenants en cas d’enlèvement ou disparition d’enfant est inexistante aujourd’hui», affirme-t-il avant d’expliquer que la solution est surtout de se mettre à plat pour réévaluer la méthode d’intervention. L’avocat est convaincu qu’il ne s’agit pas seulement du travail des services de sécurité, mais surtout c’est aux sociologues, psychologues et psychiatres que la grande mission est attribuée. Ambiguïté Quatrièmement : combler le vide juridique. Le même avocat évoque cette faille et Abderrahmane Arrar «se désole sur le fait que les textes d’application de la loi tant attendue, adoptée en juillet 2015, n’ont toujours pas vu le jour». Il faut, selon Naït Salah, «revenir aux journées d’études pour sensibiliser les différents intervenants». Selon Salah Debouz, avocat, les dispositions légales existantes ne fonctionnent pas. «C’est la faute du gouvernement qui ne trace pas d’objectif. Pas de vision. Sa politique est seulement adoptée pour qu’il s’en lave les mains et dise : ‘‘Nous avons élaboré des lois’’, vis-à-vis des institutions internationales. Rien n’est fait concrètement pour l’intérêt de la société. Le gouvernement travaille au service minimum», explique-t-il encore. Il part loin dans son analyse pour expliquer que même les lois élaborées sont faites sans aucune consultation. Pour M. Debouz, il ne s’agit pas seulement d’une «faille que nous pouvons réparer, mais c’est toute la machine qui est en panne et la réparation d’un détail ne suffira pas». Cinquièmement, responsabiliser chacun des intervenants. La méthode est simple, selon le même avocat, «il y a lieu de prendre des dispositions juridiques plus sévères, mais aussi de définir les missions de chacun et de limiter les responsabilités de chaque intervenant». Naït Salah exprime, dans le même contexte, sa colère par rapport à l’ambiguïté existant dans les textes juridiques. Même avis pour M. Arrar : «Le travail des services de sécurité vient après l’acte d’enlèvement ou de violence, mais c’est surtout un travail de sensibilisation et de prévention dans lequel il faut s’investir.» Sixièmement, spécialiser les services de sécurité dans les recherches d’enfants disparus. Précision de Belkessem Naït Salah : «Il faut une unité spéciale et spécialisée dans la recherche des enfants disparus, seule censée intervenir en cas d’alerte.» «Elle sera, explique encore le même avocat, la seule institution habilitée à intervenir immédiatement. Car dans ces cas de disparition, le temps est très important.» De leur côté, la DGSN et la Gendarmerie nationale n’ont pas voulu communiquer sur cette question. Contactées depuis le début de la semaine, les deux institutions préfèrent garder le silence pour l’instant.
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