Sa récente tribune dans le journal Le Monde, «Gare au terrorisme à bas coût !», publiée au lendemain du massacre de Nice, a suscité de vives critiques. Dans son texte, le romancier à succès Boualem Sansal s’est autorisé un parallèle pour le moins inopportun. Pour expliquer la stratégie des terroristes et la riposte à lui opposer, l’auteur du roman anticipationniste, 2084, la fin du monde, est allé chercher un exemple dans la tactique de guérilla urbaine qu’était la Bataille d’Alger pour suggérer au gouvernement français la méthode dure utilisée par les généraux tortionnaires contre les vaillants combattants pour la libération nationale. Il reprend insidieusement une sémantique que même les militaires français ont fini par abandonner depuis fort longtemps : comparer les compagnons de Larbi Ben M’hidi aux faux dévots et autres ayatollahs de la mort est une démarche aussi hasardeuse que malheureuse. Elle ne peut que provoquer une légitime indignation. Et s’il avait convoqué, à la place de la Bataille d’Alger, la résistance du Français Jean Moulin contre l’occupant nazi, Sansal aurait subi des attaques plus violentes. Il ne s’agit pas là de sacraliser la lutte de libération nationale ou de l’ériger en dogme, mais tenter de mettre au même niveau le terrorisme et une légitime résistance pour briser les chaînes du colonialisme, c’est donner raison a posteriori à l’occupation coloniale. Sollicité par El Watan pour s’exprimer après les critiques suscitées par sa tribune, Boualem Sansal ne répond pas sur le fond (voir entretien). Il adopte une attitude victimaire, criant à la persécution. Il en fait sa ligne de défense. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il est resté évasif, allant jusqu’à inventer «un procès en sorcellerie». Il se plaint de voir ses propos susciter la polémique, même si, en même temps, il reconnaît que celle-ci est utile au débat. De par le monde, écrivains, romanciers et artistes sont adeptes des polémiques des plus violentes. En France, le pays que Sansal connaît le mieux est un terrain où les personnalités publiques s’exposent de façon permanente à de vives polémiques et aux controverses les plus folles. Boualem Sansal veut-il s’ériger en pape de la littérature dont les lecteurs ne devraient pas interroger les idées et les positions ? D’autant qu’il ne s’agit plus, pour le sujet, de réactions de lecteurs, de public, puisqu’il évoque en l’occurrence un épisode fondateur de l’histoire du pays. Le romancier, de plus en plus sollicité pour réagir à chaque attentat terroriste commis en France, semble pris dans une machine médiatique qui fait de lui un «expert» de fait de l’islamisme et de son versant violent. Il se place ainsi sur un terrain éminemment politique, donc sujet par définition aux critiques et aux remises en question. L’écrivain qui, souvent, dans ses interventions médiatiques, exprime du mépris pour l’Algérien, le maintenant dans «indigénat» intellectuel — comme en témoigne son interview accordée au Monde, en juin dernier —doit tout de même s’attendre à des réactions pas forcément mues par des velléités de «procès en sorcellerie» et autres «hurlements à la mort».
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