Après une matinée d’attente, en raison du retard dans le transfert des détenus d’El Harrach au tribunal d’Alger, le procès de l’affaire de la destruction des scellés des studios de la chaîne de télévision Al Atlas TV, fermée en janvier 2014, s’est ouvert hier en début d’après-midi. Au box, trois prévenus, placés sous mandat de dépôt depuis près de 2 mois, Kamel Bouallouche, son frère Djamel, de la société de production Alpha Brocasting (devenue une Eurl après la cession des parts d’un des frères) et Fourar Mourad, le fils du propriétaire du garage qui faisait office de studio et situé à Baba Ali, à Alger. Le premier à passer devant la barre est Kamel Bouallouche : «Je croulais sous les dettes qui ont dépassé les 700 millions de dinars. Il fallait que je trouve une solution. Si j’ai repris les lieux, ce n’était nullement pour défier la justice. Les scellés avaient disparus. De plus, je louais mon matériel à NessProd pour qu’elle réalise ses émissions.» La présidente : «Vous n’aviez pas le droit d’enlever les scellés. Il fallait introduire une procédure dans ce sens. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?» Le prévenu : «Les gendarmes étaient informés. De plus, tous les invités, des généraux, des députés et de hauts responsables qui passaient dans l’émission ont contacté les autorités, en parallèle à l’action que nous avons menée pour la levée des scellés. A aucun moment nous n’avions eu l’intention de défier la justice», répond-il, avant que son frère Kamel ne soit appelé à la barre. La juge : «Vous étiez le séquestre des lieux, vous saviez qu’ils étaient sous scellés et vous avez laissé faire...» Kamel Bouallouche : «Je ne savais même pas que j’étais le séquestre jusqu’à ce que les gendarmes me l’apprennent en juin dernier. Depuis 2014, je n’ai jamais reçu un quelconque document qui le prouve. Malgré cela, j’ai payé deux gardiens de ma poche pour qu’ils assurent la sécurité des lieux. Un mois seulement après la création d’Alpha Brocasting, il y a eu la fermeture d’Al Atlas TV et la mise sous scellés des studios. J’avais des loyers que je n’arrivais plus à payer et cela nous a valu des poursuites en justice engagées par le propriétaire. J’ai fini par céder mes actions à mon frère. Depuis je ne m’en suis plus occupé.» Le prévenu ne cesse de contester son statut de séquestre et met en avant sa «bonne foi». Il cède la place à Mourad Fourar, le fils du propriétaire du garage. D’emblée, il déclare : «Je n’ai aucun lien avec cette affaire.» Il explique que le contrat de location du garage a été signé avec la société Alpha Brocasting, «dans le but qu’elle ait une adresse et un agrément. Rien de plus». La juge : «Ce lieu était scellé comment pouviez-vous le louer ?» Le prévenu : «Il n’y avait plus de scellés. Ils avaient disparu.» Cité en tant que témoin Mohamed Fourar (père de Mourad), reconnaît avoir tous les contrats avec Broadcasting, précisant toutefois qu’il se faisait accompagner par son fils. Après les questions des avocats, c’est au tour du procureur de faire son réquisitoire. Il se contente de demander une peine de 5 ans de prison ferme contre les trois prévenus, avant que la défense n’entame ses plaidoiries. Trois avocats vont tenter de casser les chefs d’inculpation retenus contre les deux Bouallouche. Me Mkhider explique : «L’article 155 du code pénal, sur lequel repose la poursuite, parle de destruction avec violence des scellés dans le but de soustraire des pièces jugées importantes pour l’éclatement de la vérité. Or, dans cette affaire, il n’y a rien de tout cela. Est-ce que les murs de ce garage peuvent être considérés comme des pièces du dossier ? Je ne le pense pas. Bouallouche avait du matériel technique qu’il a mis à la disposition de NessProd pour des émissions. Il n’a pas enlevé les scellés parce qu’ils n’existaient pas.» Abondant dans le même sens, Me Djouahri Dim va lui aussi articuler sa plaidoirie sur l’article 155, en disant qu’il ne peut s’appliquer aux prévenus. Il s’attarde sur le cas de Kamel Bouallouche en s’interrogeant sur le fait qu’il n’ait jamais été informé de sa désignation en tant que séquestre des lieux. Les Mes Azeddine Merdaci et Belkacem Bouzida clament l’innocence de Mourad Fourar qui, selon eux, ne peut être poursuivi dans cette affaire. «Au lieu de se contenter de saisir le matériel de production, caméras et autres, ils ont scellé le local. Les articles 40 et 84 du code de procédure pénale ne mentionnent pas l’immeuble mais uniquement les objets et les documents nécessaires à la manifestation de la vérité. L’article 212 exige des preuves formelles et non pas de simple présomption, comme cela ressort de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal», conclut Me Bouzida. Deux autres avocates vont aller dans le même sens, avant que la juge ne mette l’affaire en délibéré. Le verdict sera connu mercredi prochain.
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