jeudi 28 juillet 2016

«La constitutionnalisation de la mesure reste problématique»

La définition de la liste des hautes fonctions civiles et militaires interdites aux binationaux ne met pas fin à la polémique autour de l’article 63 de la Constitution (ex-article 51). La constitutionnalisation de cette disposition reste problématique aux yeux des juristes et des responsables de la classe politique. L’effort de l’Exécutif qui a élaboré une short-list des fonctions concernées par cette mesure n’a pas fait taire la critique. «On n’aurait jamais dû mettre cette mesure dans la Constitution qui consacre les principes généraux. Les cas exceptionnels sont gérés par des textes spécifiques et des décrets», rappelle Fatiha Benabbou, spécialiste du droit constitutionnel. Selon elle, la Constitution algérienne est devenue «un fourre-tout». «Cela touche même à la cohérence du texte lui-même. Car il parle dans certains articles de l’égalité entre les citoyens et dans l’article 63 il consacre la discrimination. Il y a une contradiction interne», ajoute-t-elle, précisant que dans tous les pays du monde, il y a des fonctions et des postes qui nécessitent des dérogations. «Mais il n’était pas nécessaire d’inscrire cette mesure dans le marbre de la Constitution»,  indique la juriste. Fatiha Benabbou souligne, dans la foulée, l’absence «d’un gardien vigilant et impartial de la Constitution» qui empêcherait la suppression de cette disposition à l’avenir. «Le prochain Président peut amender la Constitution et supprimer cette disposition», explique-t-elle. Interrogée sur l’arrière-pensée du législateur à l’origine de cette mesure, la juriste estime que celle-ci ne peut être que politique : «Ce n’est pas un problème juridique. C’est un problème politique. On vise peut-être à éliminer certains politiques.» Ayant mené une farouche campagne contre cet article, la députée de l’immigration, Chafia Mentalecheta, crie encore à la ségrégation. «C’est du populisme et c’est ridicule», commente-t-elle, estimant qu’il est «insensé d’interdire le poste de ministre à une compétence algérienne disposant d’une double ou d’une triple nationalité». «En Algérie, on se réjouit quand un brillant Algérien est nommé ministre ou responsable dans un autre pays. Mais on interdit à une compétence algérienne d’accéder à la même fonction chez nous. On entend dire qu’il y a des membres de l’actuel gouvernement qui ont la double nationalité. Qu’est-ce qu’on va en faire après l’adoption de cette loi ? Un ministre est comme un ouvrier, ce qui l’intéresse est que son action soit bien menée pour le bien de son pays», précise-t-elle. Pour notre interlocutrice, «dans tous les pays du monde, il y a des hautes responsabilités et des hautes fonctions qui sont strictement à destination des nationaux». «Il y a environ 8 à 9 millions d’Algériens vivant à l’étranger, dont l’Algérie a fortement besoin en cette période difficile. Mais cette mesure arrive pour discréditer tout le discours officiel sur l’importance de la contribution de la communauté algérienne à l’effort de développement national. On s’est tiré une balle dans le pied. Pourquoi se priver de ces compétences», demande-t-elle. Et d’ajouter : «Nous avons l’impression que c’est un texte écrit par quelques-uns contre quelques-uns», ajoute-t-elle.

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