Accusations mutuelles, aveux d’impuissance et déclarations contradictoires : un capharnaüm s’installe depuis quelque temps au sommet de l’Etat et en l’absence d’un commandant de bord, le navire n’a pas de cap. Depuis quelques jours, les déclarations du ministre du Commerce, Bakhti Belaïb, habitué à des sorties fracassantes, ont étonné l’opinion publique. Le ministre s’est attaqué de front à une maffia qui écume le secteur du commerce depuis des décennies. Il dénonce des faits comme le ferait n’importe quel homme politique de l’opposition ou autre citoyen. Sauf que malgré l’image de l’homme courageux qu’il peut donner, Bakhti Belaïb a probablement oublié de préciser qu’il est ministre de la République. Et c’est un autre ministre du gouvernement, le garde des Sceaux, qui le recadre de manière diplomatique. «Celui qui a un dossier n’a qu’à le présenter au procureur de la République», rappelle Tayeb Louh, qui s’est exprimé jeudi dans les couloirs de l’APN. Et c’est la deuxième fois que le ministre de la Justice fait une sorte de rappel à l’ordre d’un de ses collègues. Il y a un mois, il avait utilisé le même langage à l’adresse de son collègue du Tourisme. Abdelouahab Nouri venait en effet de mettre en cause une décision de son prédécesseur qui consistait à octroyer des assiettes de terrain à des commerçants au sein du parc des Grands-Vents à Alger. Mais contrairement à Bakhti Belaïb, Abdelouahab Nouri a limogé le directeur du parc Dounia. Plus grave encore, les flèches du ministre du Commerce s’adressent – en plus de la maffia – à certains de ses collègues au gouvernement. Car lorsqu’il désigne du doigt les failles qui ont permis aux importateurs d’imposer leur loi, c’est en réalité aux institutions douanière et policière qu’il s’attaque. Les deux ministres concernés, à savoir les Finances et l’Intérieur, ne se sont toujours pas prononcés. Mais un cadre des Douanes, interrogé récemment par la radio, sous-estime le phénomène de la corruption dans l’institution douanière. Il reconnaît que 40 agents ont été radiés l’an dernier. Mais il a tenu à préciser que ce n’est pas forcément à cause d’affaires de corruption que ces décisions disciplinaires ont été prises. Cela se passe à un moment où le Premier ministre reste complètement aphone. Alors que Abdelmalek Sellal s’est empressé de «rappeler à l’ordre» Abdelouahab Nouri en affirmant qu’il n’y a pas de scandale à Dounia Parc, il est resté muet sur les autres déclarations. Depuis l’intervention faite à Saïda pour demander d’extraire l’école des batailles idéologiques, le Premier ministre n’est même pas monté au créneau pour défendre la ministre de l’Education nationale qui se débat presque seule contre des attaques haineuses venant du courant islamo-conservateur. Pour ne rien arranger à un cafouillage où tous les coups sont permis, la confusion règne depuis mercredi dernier autour du retour ou pas de l’importation des véhicules d’occasion. Alors que le ministre du Commerce a annoncé, par deux fois, le retour à cette disposition supprimée depuis une dizaine d’années, des médias ont annoncé son annulation. Et aucun responsable n’est en mesure de donner une exacte position des autorités sur ce point précis. Tous ces égarements se passent à un moment où des rumeurs insistantes font état d’un imminent remaniement gouvernemental qui interviendrait dans les jours ou les semaines à venir. Personne ne confirme cette donne. Seul le ministre du Commerce, pris dans élan de langage, a parlé de son éventuel départ. Pour la confirmation, il faudra attendre un communiqué de la présidence de la République qui ne mettra pas forcément fin à l’anarchie gouvernementale.
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