dimanche 4 septembre 2016

Marché de l’Or en Algérie : De l’or cassé dans les bijouteries !

L’Algérie importe toujours de l’or alors que ses artisans joailliers ont, dans leur majorité, mis la clé sous le paillasson. Les raisons : anarchie dans la filière, invasion de l’informel et fraude. Une réalité : l’Algérie détient un stock d’or considéré parmi les plus importants en Afrique et dans le Monde arabe. Un constat : l’Algérie importe toujours de l’or alors que ses artisans joailliers ont, dans leur majorité, mis la clé sous le paillasson. Les raisons : anarchie dans la filière, invasion de l’informel et fraude, importateurs et concurrence déloyale. Selon le dernier rapport du Conseil mondial de l’or (CMO), les réserves d’or de l’Algérie, estimées à 173,6 tonnes, lui valent la 25e place dans le monde, la 3e dans le Monde arabe et la 1re en Afrique. Parler du sort de ces réserves, qui peuvent sans grand effort faire monter la cote économique du pays, ne serait qu’une polémique sans fin. Une chose est sûre : l’Algérie importe toujours de l’or — même si les lois ont tout de même réglementé cette importation — sous différentes formes à savoir des lingots, de l’or fini et/ou cassé. La période «d’or» de ce type d’importation a commencé en 2009, année d’adhésion de l’Algérie à la Grande zone arabe de libre-échange (Gzale) et où plusieurs produits ont bénéficié de franchise d’impôt, dont l’or. D’après les chiffres dévoilés par les services des Douanes et les déclarations de membres du bureau exécutif de la wilaya d’Alger des artisans joailliers, le montant des importations d’or durant la période 2007 à 2011 ne dépasse pas le milliard de dinars. «Bien qu’elle soit importante, cette somme reste insignifiante comparée au montant des importations recensées durant le premier trimestre 2013. Il dépassait les 3,6 milliards de dinars, soit trois fois la facture d’importation de 5 ans», déclare Belkacemi Mohamed, coordinateur général du bureau exécutif de la wilaya d’Alger des artisans joailliers. Pour ce syndicaliste et joaillier de métier, l’impact de ce tsunami d’or n’est pas négatif seulement sur l’économie nationale mais spécialement sur les artisans joailliers, dont près de 70% ont déjà baissé rideau. Une filière martyrisée Durant la période de grande ouverture et de franchise, les barons de l’importation ont non seulement inondé le marché algérien d’or ramené de Dubaï, aux Emirats arabes unis, mais ont soumis les artisans joailliers à une concurrence des plus déloyale. D’après M. Belkacemi, durant cette période, ces importateurs ramenaient de l’or fini (bijoux et assortiments) et le vendaient en tant qu’or cassé au bijoutier comme à l’artisan. «Dans une logique complètement illogique, ils ont fixé, à l’époque, le prix de l’or cassé à 4000 DA et l’or fini à 3900 DA le gramme. La raison voudrait que l’or cassé soit nettement moins cher que le fini. Bref, pour les bijoutiers, ce prix assez abordable fixait leur marge de bénéfice entre 300 et 800 DA. Ce que ne pouvaient pas faire les artisans qui retravaillaient cet or, considéré comme matière première, et le revendaient aux bijoutiers à 4300 DA le gramme. Une transaction qui finissait toujours par un échec étant donné que ces bijoutiers avaient déjà acheté ces mêmes assortiments à un moindre coût. Pour écouler leur marchandise, ces artisans ont été contraints de recourir à la vente à crédit. Une méthode qui les a anéantis», explique notre interlocuteur, qui confirme une fois de plus que cette situation a poussé plusieurs ateliers de joaillerie à fermer. Ce dernier n’a pas caché sa colère quant à la demande de réouverture de la franchise de douane à l’importation de l’or au motif d’alimenter les ateliers. «En 2012, nous avons envoyé plusieurs correspondances aux hautes autorités de l’Etat afin de les prévenir de cette catastrophe et la stopper. Mais notre requête est restée sans suite», ajoute-t-il. Reprise en main par l’état Suite à une enquête menée par les services des Douanes, l’Etat s’est ravisé quant à l’importation de l’or et des matériaux précieux. Dans la loi de finances 2014, la porte des importations a été pratiquement fermée et soumise à un agrément dont le cahier des charges exige la carte d’artisan. Le décret exécutif n°15-169, du 23 juin 2015, publié au Journal officiel n°36, est venu peu après pour rappeler à l’ordre tous ces importateurs et définir le nouveau mode d’importation. Ce décret portant sur les modalités d’agrément pour l’exercice de l’activité d’importation d’or, d’argent et de platine bruts, mi-œuvrés ou œuvrés, ainsi que l’activité de récupération et de recyclage des métaux précieux, impose à ces importateurs d’avoir une société dont le capital social à la constitution doit être de 200 millions de dinars. Ce texte précise, en outre, que ce type d’importation ne concerne que les bijoux de luxe dont la valeur déclarée en douane est égale, au moins, à 2,5 fois le prix de vente appliqué sur le marché intérieur durant le semestre précédent. Le non-respect du cahier des charges entraînerait, immédiatement, le retrait de l’agrément ainsi que la radiation de la liste des personnes exerçant dans le secteur de l’orfèvrerie. Ces mesures viennent en complément aux décisions prises en octobre 2013 incluant l’or dans la liste des produits exclus de la franchise de droits de douane. «Si le législateur algérien n’a pas épargné ses efforts pour réglementer cette filière, les importateurs, eux aussi, ont fait preuve d’une grande intelligence. Voulant encore engranger des recettes inimaginables de cette importation, ces derniers ont profité de la méconnaissance des artisans et ont utilisé leurs noms et leurs documents pour obtenir des agréments et continuer à importer. En véritables escrocs, ils ont laissé ces artisans, souvent illettrés, face à des redevances d’impôts puis au redressement fiscal et aux poursuites judiciaires», explique encore notre interlocuteur. Dans une lettre adressée au ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Louh, les représentants des artisans joailliers demandent l’ouverture immédiate d’une enquête afin de connaître l’identité des personnes qui monopolisent cette activité, les vrais concernés par l’évasion fiscale qui escroquent et exploitent les simples artisans. Ils demandent également de réactiver le service de garantie qui semble ne plus assumer son rôle de contrôle. La preuve est la présence d’assortiments en or dans les vitrines dont la provenance est inconnue et non poinçonnés. Dans leur longue liste de revendications, ils exigent également la mise à la disposition des quelques artisans, qui activent encore, des plaquettes d’or de 100 g et plus pour tous les artisans sans aucune exception. L’informel, l’autre mal En attendant que les instances concernées répondent favorablement à ces requêtes, le marché de l’or baigne dans l’informel. Les chiffres officiels du Centre national de l’informatique et des statistiques des Douanes (CNIS) révèlent que l’Algérie, en 2015, a importé de Chine 3876 kg d’or estimés à plus de 15 000 dollars. Durant les 7 premiers mois de 2016, il n’a été importé qu’un seul kilo d’or brut de France, d’une valeur de 3302 dollars, l’équivalent de 359 942 DA. D’après les experts, la quantité disponible sur le marché dépasse largement celle annoncée par les services des Douanes. Explication : l’informel. D’après un responsable aux Douanes, tout l’or disponible actuellement a été introduit dans le pays d’une manière illicite par des réseaux bien organisés. Sans entrer dans le détail de ces réseaux, qui font souvent appel à des femmes pour faire entrer leurs marchandises, cette situation d’anarchie et de continuité de l’importation menace de disparition toute la filière artisanale de la joaillerie.      

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire