mardi 4 juillet 2017

«L’importation déguisée, c’est fini !»

Dans un long entretien qu’il nous a accordé, le ministre de l’Industrie, Mahjdoub Bedda, n’y a pas été avec le dos de la cuillère en abordant toutes les questions d’actualité qui concernent son secteur, comme le foncier industriel, le marché du ciment, ou encore, la problématique de l’industrie automobile. Nous vous livrons aujourd’hui de larges extraits de ses réponses sur ce point précis qui fait l’actualité, en attendant de publier demain l’intégralité de ses propos. D’emblée le ministre veut faire une mise au point par rapport à ce qui a été repris par les médias. Selon lui, sa déclaration n’est en fait qu’une réponse à une question, posée par un journaliste en marge des travaux de l’Assemblée nationale, comme pour démentir tout ordre de s’attaquer à son prédécesseur. «Dès mon installation, j’ai mis en place des groupes de travail pour faire l’état des lieux du secteur de l’industrie automobile, des zones industrielles, des mines, notamment de l’exploitation du phosphate, pour ne parler que de ces segments d’activité. Des défaillances ont été relevées et méritent d’être corrigées. Je ne dis pas que rien n’a été fait ou tout a été mal fait. Je dis simplement, qu’il faut une réorientation de ce secteur.» Concernant le volet de l’industrie automobile, le ministre a tenu à préciser que «le groupe de travail, qui se penche jusqu’à aujourd’hui sur la question, a fait un premier rapport qui, pour moi, dresse l’état des lieux. Ce secteur a bénéficié de beaucoup d’aides de l’Etat dans le but de diminuer la facture d’importation, de créer de l’emploi à travers les sociétés de sous-traitance et même d’exporter à moyen terme. Or, dans le constat qui a été fait, je n’ai rien trouvé de cela. La voiture coûte plus cher que dans les pays de provenance, l’emploi a diminué par rapport à avant, et aucune plus-value en matière de fiscalité. Je n’ai jamais dit qu’il faille fermer le secteur. Loin de là. J’ai dit qu’il faut arrêter l’importation déguisée et tout le monde doit s’aligner sur la nouvelle politique». Celle-ci, explique le ministre, consiste en une halte pour se donner le temps d’aller vers la création de petites et moyennes entreprises dans le domaine de l’automobile et de faire appel à des équipementiers mondiaux connus et corrects pour se lancer dans la pièce détachée. «Nous avons un marché exceptionnel. Pas seulement du neuf, mais aussi des anciens véhicules qui est très attractif pour les investisseurs. L’Etat s’est engagé à aider les concessionnaires, mais il n’y a pas eu de retour d’investissement. On doit encadrer le secteur, l’encourager et faire appel à des marques fiables et connues sur les marchés mondiaux.» Mahjdoub Bedda se veut plus précis : «Nous allons réduire encore les quotas de production de véhicules et ils ne seront revus à la hausse qu’au prorata du taux d’intégration. A chaque fois que ce taux augmente, le quota est tiré vers le haut. Je ne suis pas venu pour demander des comptes aux gens. Je veux juste assainir un secteur qui n’a pas répondu aux attentes. Mon message aux nouveaux constructeurs automobiles est le suivant : si vous voulez travailler, ramenez avec vous les équipementiers et travaillez avec un taux d’intégration assez conséquent. Finie l’importation déguisée. Si vous venez uniquement pour transférer la devise, cela ne passera pas.» Sur la question du non-respect des cahiers des charges et de l’absence de contrôle, le ministre lance : «Le cahier des charges comporte de nombreuses failles. Cette situation ne profite à personne. Ils ne peuvent même pas vendre leurs voitures. Elles sont trop chères. La stratégie est bonne et je l’ai défendue en tant que député. Mais j’ai constaté des insuffisances. Je ferai tout pour les corriger.» Le ministre a défendu le secteur public qui, dit-il, a été «mahgour» (mal considéré), tout en encourageant le privé. «La règle des 51/49% doit être maintenue. C’est un choix stratégique de souveraineté. Il faut aller vers une industrie algérienne basée sur un partenariat privé-public.» Interrogé sur l’échec de ce partenariat dans le civil et sa réussite dans le domaine militaire, M. Bedda répond : «Des deux côtés, ce sont des Algériens et ils ont presque les mêmes partenaires. La différence réside dans la rigueur, qui doit être imposée chez le civil aussi.» La question sur ses positions en tant que député, président de la commission finances de l’Assemblée nationale, en faveur de son prédécesseur, irrite quelque peu le ministre. Un peu énervé, il déclare : «Certains disent que j’ai changé de position. En tant que député, j’ai applaudi mon prédécesseur et maintenant que je suis ministre je le critique. Oui, j’ai soutenu la stratégie du gouvernement parce qu’elle est bonne et je continuerai à le faire. Mais, en tant que ministre, j’ai constaté sur le terrain des anomalies, des défaillances et un éloignement de la ligne directrice de cette politique. J’apporte des corrections pour la remettre sur la vraie voie. Rien de plus. Je voulais faire naître un déclic au sein de ce secteur. D’abord en donnant un signal fort à travers un changement dans l’encadrement. Cette étape nécessite de nouveaux visages ne serait-ce que pour redonner confiance à nos partenaires. Si le directeur de l’investissement était présent aujourd’hui, vous auriez eu le droit de me reprocher ma position. Mais avant, j’étais législateur et content de voir une politique aussi porteuse que celle du développement de l’industrie automobile. Cela ne fait pas de moi quelqu’un qui change de position.»

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