samedi 8 juillet 2017

Mariages en Algérie : Goût du luxe et folles dépenses

Au-delà du poids de la tradition, les mariages imposent le plus souvent des dépenses qui défient toute logique. La tentation du luxe et le mimétisme social que cela induit sont un facteur important dans la célébration onéreuse des alliances. Un vieux dicton dit : le mariage d’une nuit nécessite la préparation d’une année. Aujourd’hui, avec toutes les «prétentions» qui entourent cette cérémonie, convoler en justes noces nécessite un labeur de toute une vie et des économies de plusieurs années. En effet, évolution de la société et modernité obligent, toute une industrie est née faisant appel à des professionnels dans «l’art» de la préparation du mariage mettant fin à l’époque du tout fait maison. Le commerce mielleux du makrout Même si les plus nostalgiques le regrettent, l’époque de la préparation du makrout, de la baqlawa et de la kefta à la maison sous les youyous des jeunes filles est bien révolue. Tous les gâteaux de mariage sont achetés. Les prix sont vertigineux.Une pièce de makrout coûte entre 50 et 100 DA. Le prix diffère selon la base de la farce. Si elle est faite d’amande, la pièce est automatiquement chère. Yamina, une Blidéenne et mère au foyer, en a fait son gagne-pain. «J’essaye de satisfaire toutes les bourses et de faire plaisir aux jeunes mariés. Chez moi, les prix oscillent de 70 à 120 DA si c’est moi qui me charge de l’achat des ingrédients. Si c’est le contraire, les prix peuvent diminuer jusqu’à 40 DA la pièce à 90 DA selon la complication de la préparation du gâteau demandé», explique notre interlocutrice. Pour une centaine de personnes et cinq variétés, le budget alloué aux gâteaux de mariage peut atteindre les 40 000 DA. Ceci, sans compter les petits fours et les salés distribués durant les pauses jus et café. Ces deux variétés à distribuer obligatoirement peuvent coûter jusqu’à 25 000 DA. Donc, addition faite, les gourmandises distribuées aux invités nécessitent un budget de pas moins de 65 000 DA. Une facture additive de 20 000 DA peut être incluse si les jus ne sont pas inclus dans les services de la salle des fêtes. Les frais en relation avec les gâteaux ne sont pas encore finis. L’industrie du mariage impose des contenants à différents modèles et prix. Les boîtes à gâteaux coûtent entre 60 à 190 DA l’unité. S’ajoutent à cela les serviettes, les pailles et les porte-dragées. Pour une centaine d’invités, il faut prévoir un budget de quelque 30 000 DA. Contenants et contenus additionnés, une somme de près de 120 000 DA doit être mise de côté. Si cette somme peut paraître salée, les factures lourdes ne vont pas tarder à se manifester. Le casse-tête des salles de fêtes Parmi les grosses dépenses relatives à la cérémonie de mariage, la location d’une salle des fêtes. Les mariages ne se font chez soi qu’en dehors des grandes villes. Ces espaces, qui sont devenus un véritable business, sont non seulement chers, mais sont souvent indisponibles. «Je me suis mariée en septembre de l’année dernière, et j’ai dû réserver la salle des fêtes 6 mois à l’avance, et encore. Je n’ai pas trouvé la salle que je voulais», explique Rima, 26 ans, employée de banque nouvellement mariée. En effet, les propos de cette jeune femme sont faciles à prouver. La plupart des salles des fêtes et de banquets contactées affichent complet pour toute la saison estivale, et ce, jusqu’au mois d’octobre. Pour les prix, c’est à se brûler les poches. Dans la zone Alger-Blida, les prix des salles des fêtes et de banquets oscillent selon l’endroit et les prestations incluses entre 80 000 et 400 000 DA. A titre d’exemple, la salle Alexandra, plus connue par le nom de son propriétaire Ouali, est à 80 000 DA sans aucun service en plus, sauf l’espace et les serveuses. Les boissons chaudes et fraîches reviennent à 155 Da/personne. Le prix du dîner pour tous les convives est estimé à 35 000 DA. Même si la salle est en promotion durant les mois de janvier et février avec une réduction de 25 000 DA, le plein tarif, tous services inclus, est à 130 000 DA pendant la semaine et à 140 000 durant le week-end. Malgré ces prix, elle est réservée durant toute l’année. Il en est de même pour les autres salles de la wilaya de Blida qui malgré tous ces prix reste la mecque des mariés. Dans l’Algérois, les prix sont un peu plus élevés avec un service des plus ordinaires. Cette règle ne s’applique pas bien sûr pour les hôtels de luxe tels que l’hôtel El Djazaïr ou le Hilton. Les salles sont respectivement à 400 000 et 700 000 DA. En plus du prix de l’espace, la collation y est obligatoire à raison de 2500 DA par personne. La restauration dînatoire variée est cédée à 5200 jusqu’à 7500 DA par personne. Le service haut de gamme est garanti pour les familles qui peuvent bien sûr se le permettre. Dans la région de l’Oranie, les prix sont tout aussi chers. Ils sont entre 130 000 et 300 000 DA pour une salle ordinaire pour arriver à 500 000 DA pour la salle de l’hôtel Sheraton. Wedding planner, un métier en vogue Comme si le prix dépensé dans la location de salle ne suffisait pas, aujourd’hui c’est devenu à la mode de faire appel à des weddings planners pour avoir sa réception clé en main. Le principe est d’épargner aux futurs époux et à leurs familles tous les désagréments de la préparation et léguer l’organisation à des «professionnels» qui se chargent de tout jusqu’à la fin de la cérémonie. Selon Karima, une organisatrice de mariages avec ses deux sœurs, faire appel à un professionnel garantit la qualité et l’organisation et surtout occasionne moins de stress pour la famille et les mariés. «En plus, ils peuvent se permettre de réaliser leurs rêves en adoptant des thèmes couleurs ou autres. Le faire soi-même nécessite plusieurs mois de recherches pour trouver les bonnes adresses au meilleur prix. Chose qui est totalement aisée pour un professionnel des mariages qui a un carnet d’adresses qui va avec les goûts et le portefeuille de chaque client», explique-t-elle. Pour cette jeune organisatrice, les prix ne sont pas fixes, mais obéissent à la volonté de chaque client, à son goût et à la définition qu’il donne aux mots luxe et simplicité et à ses rêves. La prestation d’un wedding planner qui peut tout prendre en charge est donc variable. Karima et ses sœurs ont eu à organiser des mariages à 200 000 Da et d’autres à 3 millions DA. Notre interlocutrice précise qu’il s’agit notamment de la décoration de la salle ou du lieu du mariage et des boites de gâteaux et des dragées. Pour Karima, le luxe se paye pour les personnes qui peuvent se le permettre. Immortaliser les dépenses en musique Parce qu’il s’agit d’une cérémonie de joie, la prestation musicale est obligatoire. Dans ce volet, les prix sont à couper le souffle. Les honoraires d’un disque-jockey vont de 40 000 à 60 000 DA pour une prestation de 6 heures. Les prix varient selon la renommée du DJ. Ramener un chanteur est encore plus cher. Le budget oscille entre 100 000 et 300 000 DA. Un mariage célébré par le chanteur Hamidou coûte pour la prestation musicale seulement 250 000 DA. Il est également insensé de dépenser tant d’argent sans en sortir avec des photos et des vidéos pour immortaliser ces moments. D’après Lyes et Zohir, des photographes professionnels de mariage, la prise de photos durant la cérémonie de mariage, qui dure généralement de 14h à 20h, ou dans la soirée de 21h à 3h du matin, coûte entre 40 000 et 100 000 DA. Des prestations en plus sont comptabilisés comprenant en plus des photos haut de gamme, des albums photos, des books, des supports électroniques, des DVD et sur flash disque. La prestation audiovisuelle coûte, quant à elle, entre 20 000 et 30 000 DA. Se lancer dans un projet de mariage ne se limite pas dans notre pays à ces dépenses seulement. Oui, il existe encore d’autres dépenses encore plus importantes et obligatoires ! Il s’agit de la dot de mariage qui varie selon les régions. Dans les wilayas du Centre du pays, le futur époux doit donner comme offrande à sa «bien-aimée» une somme d’argent qui atteint de nos jours à 200 000, voire 300 000 DA, une parure en or et les alliances. Avec le prix de l’or qui a nettement augmenté, une simple parure sans trop d’importance peut atteindre les 450 000 DA. Les alliances, quant à elles, sont entre 30 000 et 100 000 DA. Dans la région de l’Oranie, les prix sont nettement plus élevés. Toutefois, ils restent nettement moins coûteux que ceux des wilayas du sud où la dot du mariage peut atteindre facilement les 1 million DA. Il reste connu de tous que la mariée kabyle et celle de la ville de Tenès dans la wilaya de Chlef sont les moins exigeantes en termes de dot. Les familles se contentent d’une somme symbolique et préfèrent investir ces sommes d’argent dans l’ameublement de la maison. Donc, tout compte fait, pour se marier en Algérie, il ne suffit pas d’être quelqu’un de bien, de responsable, de bonne famille et travailleur, encore moins d’aimer sa future épouse, il faut en plus de tout cela avoir un budget minimum d’un 1,4 million DA. Un budget faramineux pour quelques heures de bonheur que seuls les invités savourent réellement.

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