La colère gronde, puis explose. Dans les rues, les quartiers, les villages ou villes : ce sont les affrontements avec les forces de l’ordre, qui répondent violemment. On se révolte contre les conditions de vie, contre l’usine qu’on ne va pas ouvrir chez nous mais ailleurs, privant des jeunes d’emploi, on se révolte contre une administration locale noyée dans l’incompétence et la féodalité. A l’Est et dans d’autres villes du pays, on voit clairement se craqueler l’image fictionnelle imposée par le régime. Non, le pays va mal et commence sérieusement à ressentir les contrecoups d’une politique d’austérité non assumée. Non, la société se méfie de l’optimisme affiché par un système qui semble gouverner par intermittence, sans savoir réellement où il va. Car après les mises en scène de la réforme constitutionnelle et des polémiques sur qui a fait quoi un soir de janvier 1992, la réalité est venue toquer violemment à la porte du système. Les arbitrages qui menacent la paix sociale au profit de l’oligarchie ne peuvent rester sans réponse, le pouvoir le sait et à part la matraque, à défaut de démagogie, il ne peut réagir autrement. Certains annoncent le «grand soir», comme Louisa Hanoune, d’autres redoutent un emballement des mouvements de rue, comme en janvier 2011 mais avec moins de réserves d’argent pour acheter la paix sociale. Cependant, ce qui est certain, au-delà de ces conjectures, c’est que le contrat de confiance qui semblait tenir lors des années de faste commence à se déliter : les Algériens ont tout accepté depuis des décennies, mais ils refuseront de payer les erreurs stratégiques en termes de gestion des ressources économiques du pays. Dans la rue, on commente aussi bien la cherté de la vie que les sommes révélées par le procès Sonatrach : les Algériens y voient une corrélation, même si cela est beaucoup plus complexe dans les faits. Mais le fait est là, la corruption généralisée, les grosses affaires, les oligarques qui se pavanent dans les couloirs de la décision avec une superbe morgue, les fuites fiscales en milliards de dinars et les scandales à répétition ne pouvaient laisser de marbre celui qui paiera de sa propre poche les égarements de l’Exécutif. De l’essence aux fruits et légumes (regardez ce qui se passe dans le Grand Sud, notamment), l’eau et l’énergie, la fiscalité indirecte qui grignote peu à peu un pouvoir d’achat déjà malmené : la pression devient de plus en plus forte. Aujourd’hui, le pouvoir ne peut plus se voiler la face et devrait assumer les échecs pour sortir le pays du marasme qui se prolonge, qui peut s’aggraver et déclencher de nouvelles violences. Mais n’est-ce pas trop demander à un système qui s’est enfermé dans une attitude autiste, pieds et poings liés par le piège du quatrième mandat, où personne et tout le monde gouverne en même temps ? L’année 2016 sera dure. Très dure.
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