samedi 26 mars 2016

Louisa Hanoune déjoue le putsch

Surprise générale. La conférence nationale du Parti des travailleurs, ouverte hier au Village des artistes à Zéralda (Alger), a été transformée en congrès extraordinaire du parti, conformément à ses statuts. Objet de déstabilisation, voire de tentative de  «putsch» depuis que sa patronne mène une offensive sans répit contre «l’oligarchie qui fait main basse sur le l’Etat», le Parti des travailleurs (PT) a pris de court ses adversaires «venus de l’extérieur et qui  mènent une attaque criminelle contre le parti», selon les propos de Louisa Hanoune. Devant plus de 400 délégués représentant 46 wilayas – excepté de M’sila et Laghouat – et en présence d’un huissier de justice, le bureau de la conférence nationale a soumis la proposition de transformer la rencontre en un congrès extraordinaire qui a été adoptée à l’unanimité. Un soutien sans faille apporté à Louisa Hanoune qui, par ailleurs, est plébiscitée présidente du congrès dont les travaux se poursuivront aujourd’hui et demain. Un soulagement pour les militants du parti qui redoutaient «un coup d’Etat contre la direction du parti, contre son indépendance et son identité». Mais surtout une victoire politico-organique de l’actuelle direction du PT qui était sous la menace d’un «redressement», où le ministère de l’Intérieur a joué un rôle pour le moins trouble. Du haut de la tribune, la cheftaine du Parti des travailleurs, subissant depuis des mois à un lynchage politico-médiatique en règle, rassure ses partisans. «Nous sommes un authentique parti socialiste qui appartient au mouvement ouvrier et notre rencontre d’aujourd’hui illustre cet attachement à cette identité», lance-t-elle sous un tonnerre d’applaudissements et le ravissement de la moudjahida Zohra Drif-Bitat, et l’ancienne ministre de la Culture, Khalida Toumi, présentes pour apporter leur soutien au PT. Mais avant cette bataille organique, Louisa Hanoune a fait d’abord un tour d’horizon international pas du tout rassurant avec ses implications redoutables au plan national. Brossant un tableau sombre de la situation internationale faite de «crise du capitalisme, d’interventions militaires étrangères, d’attaques contre les acquis des travailleurs et de guerre contre le terrorisme», Louisa Hanoune met en garde contre des conséquences périlleuses sur la situation interne du pays. Plus que l’environnement international, le contexte national «est très critique, le plus critique depuis l’indépendance. Nous connaissons un changement profond, un tournant dangereux marqué par la dislocation des institutions de l’Etat qui s’accompagne d’une orientation économique au profit d’une minorité», vilipende celle qui pourfende la politique du gouvernement de Bouteflika. «Halte au musellement» Apportant son soutien à la position officielle de l’Algérie opposée à toute intervention étrangère dans des pays souverains et surtout au refus d’intervention de l’armée nationale en dehors des frontières, la secrétaire générale du PT prévient contre «le tout-sécuritaire». «Nous refusons l’instrumentalisation des menaces pour étouffer les voix ou imposer des politiques antidémocratiques et antipopulaires. L’immunisation de la nation exige le renforcement des ressorts et la satisfaction des revendication sociales». Mettre en échec les menaces auxquelles fait face l’Algérie passe nécessairement, selon Louisa Hanoune, par «l’instauration d’une démocratie véritable» qui somme les autorités politiques de «cesser le harcèlement contre l’action politique, syndicale et associative». La démocratie politique va de pair avec la démocratie sociale. Forte du soutien de sa base militante, Louisa Hanoune reprend sa charge violente contre la politique économique incarnée par «une loi de finances dangereuse». Dans son viseur, le ministre des Finances qu’elle accuse de mener une politique «conforme aux orientations du Fonds monétaire international». «Nous lui disons que l’Algérie ne sera pas la Mecque des investisseurs étrangers», prévient-elle. Elle estime que l’effondrement des cours du baril du pétrole «a dénudé la nature des institutions héritées du système du parti unique et cela constitue un danger pour le pays. Nous assistons à des dérives inacceptables qui visent à préserver les intérêts d’une minorité aux dépens d’une répartition juste et équitable des richesses nationales». Farouchement opposée à l’endettement extérieur, la secrétaire générale du PT préconise d’autres solutions pour sortir de la crise. «L’Algérie entre dans une phase de récession, le recours à l’endettement extérieur est un danger, nous avons vu comment la Grèce a capitulé. Il existe d’autres solutions, il faut se libérer de l’accord d’association avec l’Union européenne qui ne sert pas les intérêts de l’Algérie et en lieu et place d’une amnistie fiscale honteuse, il faut des mesures répressives pour récupérer les capitaux détournés.» C’est dans ce sens qu’elle exprime son opposition  à ce que la tripartite prévue en juin prochain «se substitue à la souveraineté populaire», car «le désengagement de l’Etat conduit à la rupture du lien social», affirme-t-elle. Dans l’œil du cyclone du pouvoir en raison de ses assauts mordants contre les «dérives oligarchiques», notamment depuis qu’elle a sollicité une audience auprès de Abdelaziz Bouteflika avec 18 autres personnalités, Louisa Hanoune et son parti subissent un harcèlement permanent. Mais elle se dit déterminée à y faire face. Lors de son intervention d’hier, elle a repris les fondamentaux : «La solution réside dans une démocratisation effective du système de pouvoir, nous mettons en garde contre les agressions répétées contre le pluralisme politique, la défense de la démocratie politique relève de la défense de l’Etat comme cadre national.» Le changement pour lequel milite le PT passe par «l’élection d’une Assemblée constituante. Deux options sont possibles, une Constituante ou un processus par le haut. Pour cela, il faut un leader éclairé qui ne s’oppose pas au peuple mais qui s’appuie sur lui et  ait confiance en ses capacités. Dans notre pays, ces deux choix ne se sont pas réalisés et la révision de la Constitution n’a pas été à la hauteur des défis et des aspirations», regrette Louisa Hanoune qui sort gagnante d’une bataille de survie de son parti.  

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