Rattrapé par la crise, le gouvernement Sellal compte revoir sa copie et prévoit un «nouveau modèle économique» pour le pays dès avril prochain. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a surpris plus d’un, hier, en annonçant qu’«un nouveau modèle économique pour la période 2016-2019 est en phase de préparation et d’examen» et sera présenté et annoncé en avril prochain. Pour faire face à la baisse des recettes due à la chute des cours du brut qui oscillent actuellement entre 30 et 35 dollars, soit un niveau inférieur au prix de référence arrêté à 37 dollars le baril dans la loi de finances, le Premier ministre, qui a souvent évoqué le recours à l’endettement extérieur, rectifie le tir et invoque, cette fois, le recours à «l’emprunt interne». En effet, un emprunt obligataire national sera lancé en avril avec un taux d’intérêt très élevé de 5%, et ce, pour augmenter, selon M. Sellal, les sources de revenus. Le Premier ministre n’a pas précisé les contours de cette nouvelle orientation de la politique économique du pays. Ce qui est certain, c’est que le gouvernement Sellal est ainsi rattrapé par la crise économique que traverse le pays depuis la dégringolade des prix du pétrole. Bien qu’ayant opéré des coupes budgétaires, notamment dans les dépenses d’équipement pour 2016, il faut savoir que le déficit sera si important qu’il sera difficile de le combler par le Fonds de régulation des recettes (FRR), dont les comptes ont commencé à fondre comme neige au soleil depuis 2014. Le mécanisme mis en place début 2001, comme le FRR, alors que les revenus réels d’exportation des hydrocarbures étaient supérieurs aux dépenses budgétaires afin de faire face aux années de «vaches maigres», ne tiendra pas longtemps en raison du niveau actuel des prix de pétrole. «Nous écartons pour le moment le recours à l’endettement extérieur. Nous allons adopter un nouveau modèle économique que nous annoncerons en avril prochain et qui s’étalera jusqu’en 2019. Cette nouvelle orientation nous permettra de mieux maîtriser et gérer la situation économique. Nous avons pris cette décision pour éviter de recourir dans l’immédiat à l’emprunt extérieur», a expliqué M. Sellal en marge de l’ouverture de la session de printemps du Parlement. Le chef de l’Exécutif n’a pas nié l’existence d’une crise économique, mais a tenu à rassurer que l’Algérie maîtrise toujours les grands équilibres macroéconomiques nationaux. D’autres décisions économiques seront prises sans toutefois, assure le Premier ministre, toucher aux acquis sociaux. Pour appuyer ses dires, M. Sellal annonce la réunion de la tripartite (gouvernement-patronat-syndicat) qui se tiendra début juin prochain pour examiner plusieurs dossiers relatifs à la situation économique du pays. L’annonce de Sellal a laissé perplexes les parlementaires qui ignoraient totalement cette initiative portant sur un nouveau modèle économique. «Nous ne sommes pas au courant. Nous avons pris connaissance à l’instant de cette proposition relative à l’adoption d’un nouveau modèle économique», révèlent des députés de différentes obédiences rencontrés sur place. Ni le FLN ni le RND, les deux partis au pouvoir, n’ont été, semble-t-il, associés à ce projet susceptible de «faire bouger les lignes». Des députés indépendants et de l’Alliance de l’Algérie verte estiment que la chute des recettes pétrolières a mis à nu la politique du gouvernement. Aucune stratégie ni proposition, encore moins de solutions à long terme. Des incohérences et des contradictions dans les discours apparaissent au fil des jours. «Lorsque l’Algérie baignait dans l’aisance financière, elle n’a pas pu réaliser des exploits ni finaliser ses grands chantiers et aujourd’hui, avec un baril à 30 dollars, elle veut faire des économies ! Question : est-ce que le gouvernement va encore une fois puiser dans la poche des citoyens pour régler la crise», s’est interrogé Zineddine Tebbal, chargé de communication au MSP. Il y a quelques jours, le groupe Sonelgaz a annoncé vouloir recourir à un financement étranger pour lever 9 milliards de dollars en vue de financer ses investissements. Sonatrach, matrice de l’Etat algérien, n’a pas écarté cette éventualité, elle aussi, afin de financer ses projets. Comment, se demandent les députés, le gouvernement va satisfaire les besoins de ces deux entités ? «Est-ce un énième appel au citoyen pour qu’il serre davantage la ceinture ?», s’offusquent les députés. Les élus du PT disent n’avoir aucune idée sur l’initiative du gouvernement et estiment que leur parti a formulé plusieurs solutions pour une sortie de crise, notamment l’abrogation de l’article 59 qui permet aux entreprises privées et étrangères établies en Algérie de recourir à l’endettement externe avec la garantie du Trésor public. Il faut annuler l’Accord d’association avec l’Union européenne et il faut en urgence rétablir le monopole de l’Etat sur le commerce extérieur, comme il faut, selon Taâzibt du PT, en finir avec l’exonération tous azimuts accordée au secteur privé parasitaire. Comme il est impératif que l’Etat récupère son argent via les impôts impayés. Ce sont autant de questions que le gouvernement ne pourra pas, cette fois-ci, éluder pour faire jouer la logique économique.
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