vendredi 15 juillet 2016

Les notables de Tam doivent jouer leur rôle de leaders

Tamanrasset cette semaine : de violents affrontements entre jeunes et migrants de différentes nationalités africaines. Des blessés et même des morts sont enregistrés. Le rôle des notables de la région est remis en cause.  - Tamanrasset a vécu une montée de violence préoccupante ces derniers jours à la suite des affrontements qui ont éclaté dans plusieurs quartiers de la ville entre migrants et autochtones, pouvez-vous nous en parler ? C’est dramatique ! Tamanrasset renferme la plus grande communauté subsaharienne en Algérie et il y a toujours eu une cohabitation pacifique et dans le respect total. L’intégration parfaite de la communauté nigérienne dans le paysage économique en est la preuve, en dehors de ces incidents isolés. Il faut dire aussi qu’il y a toujours eu des relations socioéconomiques et même culturelles des deux côtés des frontières. Certes, les malentendus existent, mais cette fois-ci, la situation a pris d’autres tournures frôlant la catastrophe. Il faut signaler que nous étions submergés à l’hôpital par les blessés, dont certains très graves, parmi les Subsahariens. Croyez-moi, j’ai vu la détresse dans leurs yeux. - Ces affrontements répétitifs signifient-ils la fin de la politique de bon voisinage faisant de cette wilaya un centre de transit pour migrants subsahariens ? Oui. Cela pourrait même avoir des conséquences et des répercussions sur la région qui est toujours considérée comme étant le point d’entrée et de sortie des migrants clandestins. Il faut reconnaître que les flux migratoires ont toujours été bien gérés, en atteste l’ancien Assihar (rencontre en tamashek), qui était dans les années 1980 et 90 un haut lieu de partage et d’échanges intercommunautaires. Cette fois-ci ce n’est pas le cas en raison de l’anarchie qui prévaut dans la région. Une anarchie qui est en partie due à la non-implication des notables de la région. Les notables doivent jouer leur rôle de leaders communautaires et assurer pleinement leurs responsabilités dans la stabilité de la région. Permettez-moi de citer l’exemple du défunt Akhamouk Hadj Moussa (amenokal de l’Ahaggar entre 1975 et 2005) et son rôle prépondérant dans la résolution du conflit qui couvait entre l’Azawad et le gouvernement malien au début des années 1990. - Vous parlez de non-implication des notables ! Qu’entendez-vous par là ? Les notables sont vraisemblablement dépassés. Ils n’ont pas de contact avec la communauté subsaharienne, qui est à la fois jeune et multilingue. Il n’y a donc pas de communication. La grande faute est de rester figé et de continuer à penser qu’il ne s’agit toujours que d’une seule communauté homogène. C’est faux ! A l’hôpital, on prend en charge plus de 13 nationalités et, croyez-moi, la plupart de nos patients sont conscients de leur chance du fait qu’ils ont accès gratuitement à la santé. Cela consolide davantage le rôle de l’Algérie sur la scène internationale et sa position de leader historique sur les plans régional et continental. N’empêche que l’Etat doit impérativement placer des interlocuteurs jeunes et polyglottes à Tamanrasset, car les temps ont changé. Preuve en est avec l’échec de la médiation des notables lors du soulèvement citoyen contre l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste à In Salah. L’heure a vraiment sonné pour établir le dialogue avec les bonnes personnes, car il ne faut laisser aucune faille aux manipulateurs visant à embourber l’Algérie dans les problèmes du Sahel. - Ces incidents profiteraient-ils à ceux qui taxent l’Algérie de maltraitance envers ces migrants ? Exact. L’Algérie a montré une grande fraternité envers l’Afrique subsaharienne, notamment lors de la crise malienne, contrairement à d’autres pays. J’imagine qu’on va encore sauter sur l’occasion et exploiter cet incident pour ternir l’image de l’Algérie à l’étranger. Les membres de la Charte nationale des droits des migrants sont choqués lorsqu’ils pensent  aux événements ayant secoué Ouargla. Mais ce qui est plus choquant, c’est de savoir que Tamanrasset, où cohabitent plus de 40 nationalités, n’a jamais enregistré d’incidents majeurs qui seraient l’œuvre de graves manipulations. Les forces de l’ordre ont fait ce qu’elles pouvaient, mais je reviens toujours sur la défaillance des notables qui devraient servir de guides aux jeunes et aux communautés en conflit. - Avez-vous pris attache avec des leaders communautaires pour en savoir plus sur les causes de cette tragédie ? J’ai contacté un leader malien qui m’a un peu expliqué la situation et je l’ai chargé, en ma qualité du président du conseil médical de l’EPH de Tamanrasset, d’informer ses compatriotes que la prise en charge médicale est assurée et qu’ils ne risquent rien. Le malheur c’est qu’ils ont été battus, leurs maisons brûlées et leurs économies volées et cela peut susciter chez eux un sentiment de vengeance. - Une affluence sans précédent de migrants subsahariens a été enregistrée ces derniers mois dans la wilaya. Cette invasion pourrait-elle être la cause de la guéguerre inter-communautaire ayant sur les derniers heurts ? Non, je ne pense pas. Tamanrasset a toujours été une terre d’accueil pour les migrants, notamment depuis l’ouverture de la route transsaharienne en 1976. Il y a toujours eu une cohabitation pacifique et un enrichissement mutuel. Sauf que cette fois-ci, on sent vraiment le roussi en raison du comportement irresponsable de certains jeunes manipulés pour s’élever contre ces migrants africains. Il faut savoir que la composante sociétale de Tamanrasset et du Sud algérien a changé. L’Etat doit faire confiance aux compétences locales si l’on veut parer aux manœuvres étrangères visant la stabilité et l’unité territoriale du pays. L’absence d’une volonté de satisfaire cette demande est toutefois palpable, sachant que l’homme qui avait défié de Gaulle et la France coloniale, l’amenokal Hadj Bey Akhamouk, n’est même pas cité dans les manuels scolaires de l’histoire de l’Algérie. - Depuis quelque temps, les migrants font face à une multitude de provocations ainsi qu’à toute forme de ségrégation raciale. Quelle est l’utilité de la Charte nationale sensée être un gage pour la défense des droits de cette population vulnérable ? La charte — qui a été signée par l’ONG Médecins du monde, des associations thématiques, des avocats ainsi que par des structures de défense des droits de l’homme à travers tout le pays — a pour but premier la défense du droit d’accès aux soins des migrants, car il faut dire que c’est honteux que dans un pays musulman, multiethnique et multiculturel comme l’Algérie, on parle encore d’actes xénophobes et de racisme. Céans, le manque d’informations conduit malheureusement à la stigmatisation en rapport avec les pathologies endémiques, dont le VIH-sida et le paludisme. Contrairement aux rumeurs qui enflent la spéculation, ces Subsahariens ne créent pas de problème et n’ont jamais été source de maladies, et d’ailleurs je suis bien placé pour le confirmer. Soixante-sept des patients suivis pour VIH à l’EPH sont d’origine algérienne.  

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