Les enseignants du département d’histoire de l’université d’Alger ont été surpris, à la rentrée, de trouver un nouveau programme de licence. Ils se sont rassemblés en collectif afin de demander au ministère de revenir à l’ancien programme. - Depuis la publication du texte de protestation du collectif des enseignants (département d’histoire de l’université d’Alger), avez-vous eu des réactions de la part de votre tutelle ? Tout à fait. Nous avons été reçus, à notre demande, au mois de juillet, par M. Boukhazata, directeur de la formation au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Mais le fait tout à fait nouveau, depuis la publication du résumé de notre texte, c’est notre invitation par Monsieur Ghouali, directeur des enseignements au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, à une réunion sur ce sujet mardi dernier (soit le 20 septembre). M. Ghouali a été très réceptif à toutes les remarques que nous avons faites sur le programme, et il a aussi promis qu’une solution serait trouvée très rapidement. Nous l’espérons vivement car les cours ont théoriquement commencé le 18 septembre. Voilà pourquoi il est devenu extrêmement urgent de régler cette affaire. - Comment est-il possible de proposer un nouveau programme et d’écarter les principaux concernés : les enseignants ? Il y aurait beaucoup à dire là-dessus, mais cela dénote, au moins, de l’existence d’un déficit manifeste de concertation ! Il est clair qu’il y a un manque de contact direct entre les commissions chargées des réformes des programmes et les enseignants dans leurs universités respectives... - A votre avis, à quoi obéit cette décision de réduire le programme, et surtout le programme de la licence ? Je voudrais d’abord préciser que, dans le nouveau programme, la réduction concerne les matières historiques, elles-mêmes, pourtant appelées officiellement UEF (unités d’enseignement fondamental). A l’inverse, le nouveau programme reflète une véritable inflation en ce qui concerne les matières complémentaires : elles en constituent exactement la moitié ! C’est l’une des mesures que nous contestons le plus parce qu’elle a abouti à des distorsions extrêmement préjudiciables à la formation des historiens, la plus inadmissible de toutes, quant au fond, c’est la quasi disparition des enseignements d’histoire ancienne. A quoi cela obéit-il ? Allons directement à ce qui peut être immédiatement perçu : la mise en application du LMD. Le résultat est là : le LMD a réduit le nombre d’années de formation en licence d’histoire à trois ans, et par là même, il fait pression sur les programmes. Un programme qui était, jusque-là, établi sur quatre années ne peut l’être sur trois ans sans coupes sombres. Quand je dis trois ans, c’est en comptant le tronc commun avec les autres filières de sciences humaines. Autrement dit, la spécialité elle-même est finalement réduite à deux ans, alors qu’auparavant notre licence de quatre années était consacrée uniquement à l’histoire. - Finalement, ce manque de communication est en train de miner toute une filière… Absolument. Dans le passé, il y avait une plus grande implication des universités dans ces questions. On avait des réunions élargies au niveau de notre département, par exemple, puis dans les autres universités, à l’échelle nationale. Petit à petit on élaborait un programme national consensuel. - Ce sont les mêmes problématiques dans les autres wilayas ? Ce que je peux vous dire là-dessus, c’est que nous avons envoyé des copies de notre rapport à beaucoup d’enseignants à travers le pays, et il y a eu un retour d’écho positif. En même temps, nos collègues nous chargent, au vu du statut de l’Université d’Alger, de faire de notre mieux en comptant sur leur soutien. Cependant, il faut noter à ce propos que c’est dans les moments difficiles comme celui que nous vivons actuellement que nous ressentons tous l’absence d’échanges réguliers en matière de pédagogie. - L’un des premiers points du rapport est la disparition de l’enseignement relatif à la «Préhistoire de l’Afrique du Nord». Pourquoi n’est-ce pas important de connaître les origines de la région où l’on vit ? On ne peut méconnaître la place de milliers d’années de notre passé dans la formation des historiens algériens ; ce serait une formation tronquée du point de vue scientifique autant que du point de vue national. Partant des faits, il est clair que lorsqu’on comprime toutes les matières en deux années, un certain nombre d’enseignements est automatiquement éliminé, et il ne reste que ce qui peut être enseigné dans tous les départements d’histoire. Mais, encore une fois, il n’y a pas que cela ; il y a aussi la place démesurée accordée aux enseignements complémentaires aux dépens des enseignements fondamentaux. Cette démarche est malheureuse parce qu’elle risque de donner lieu à la mise à l’écart d’un certain nombre d’enseignants formés par le pays à prix fort, mais il en résultera probablement aussi une formation au rabais et un diplôme qui pourrait poser problème. Je pense surtout à la saignée programmée dans le domaine de l’histoire ancienne. Et dire que le seul doctorat en histoire ancienne est ouvert à l’université d’Alger ! - Et pour les étudiants des autres wilayas qui voudraient présenter des doctorats ? Nous recevons à chaque concours de doctorat beaucoup d’étudiants des autres wilayas. Même avant le doctorat, nous trouvons des masters qui existent uniquement à Alger. Sur ce plan, l’Université d’Alger est évidemment en avance du point de vue de l’encadrement et elle se fait un devoir de former des étudiants d’autres wilayas en vue de diversifier et renforcer l’encadrement dans d’autres universités. - Quelle solution préconise votre collectif ? Le comité d’évaluation souhaite que le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique mette fin à l’insuffisance de concertation et de participation des enseignants et qu’il retire immédiatement le nouveau programme. Il n’y a aucun mal à revenir à l’ancien programme qui est beaucoup plus équilibré. Durant l’année en cours, on pourrait rouvrir le débat et ensemble, c’est à dire dans un cadre d’ouverture aux enseignants des différentes spécialités, on pourra élaborer un projet de programme qui soit consensuel. Le consensus est très important car il s’agit là de quelque chose qui concerne toute la société. Le consensus doit concerner, en premier lieu, le passé de notre pays qui s’étend sur deux millions d’années de préhistoire et des centaines d’années d’histoire ancienne, médiévale, etc.
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