lundi 14 août 2017

Aucune visibilité pour les universités algériennes

Selon le site américain spécialisé dans le classement des universités dans le monde, Webometrics, les universités algériennes sont très mal notées en raison, entre autres, du manque de visibilité sur le Net. Ce classement, paru dans l’édition de juillet dernier, laisse échapper avec réserve un trio d’universités, à savoir Djilali Liabes de Sidi Bel Abbès, l’Université des sciences et technologies (USTHB) Houari Boumediène d’Alger, et celle des Frères Mentouri de Constantine 1 (UFMC). Les Ecoles nationales de Mostaganem, de Béchar et l’Université de Chlef figurent en bas du tableau. Au niveau mondial, les universités de Sidi Bel Abbès et l’USTHB occupent respectivement les 2341 et 2345 places sur plus de 28 000 universités. Ce qui est loin d’être valorisant. Notées positivement sur le plan national en se positionnant aux 1re, 2e et 3e places, une de ces trois universités crée la surprise, celle de Sidi Bel Abbès qui ne figure pas dans le peloton de tête du dernier classement national émis par le Conseil national économique et social (CNES) en novembre 2016. Selon ce dernier, l’université de Constantine 1 caracole en deuxième position, après celle Houari Boumediène d’Alger en matière de qualité de la formation. «Les classements nationaux ne veulent rien dire dans la conjoncture actuelle. Ceux internationaux sont effectués pour le compte d’universités payantes. A Constantine, nous n’accordons pas grand intérêt à ces publicités, nous avons d’autres ambitions», nous dira le recteur de UFMC, Abdelhamid Djekoun. A rappeler que l’UFMC occupe la 22e place dans le classement Webometric pour l’Afrique du Nord, précédée par l’USTHB au 15e rang et l’université Djilali Liabes à la 14e place, devancées par l’Egypte. Si le site américain justifie ce classement selon des critères numériques, pour ce qui est du cas de l’université algérienne la communauté brandit des raisons liées à la formation et la recherche. Et cela ne date pas d’aujourd’hui. L’université algérienne est pointée du doigt dans le rapport du CNES qui a dressé un constat sans ambages sur le temple du savoir. Entre autres dysfonctionnements, le système LMD qui a encore enfoncé la situation. «Les universités algériennes ne sont pas parvenues à mettre en place les conditions d’un véritable décollage et n’ont pas capitalisé les expériences scientifiques et pédagogiques acquises», dixit le rapport. Le Pr Karbache, du département de physique de l’UFMC, convient du fait que le système LMD (Licence Master Doctorat) a freiné l’envol de l’université : «L’université a été mise à rude épreuve au cours des dernières années par le nombre croissant des étudiants et l’introduction de LMD sans une concertation avec la communauté universitaire. Son mode de fonctionnement et sa gouvernance nous interpellent à réfléchir pour que l’université soit gérée avec plus de transparence, une responsabilisation accrue et une plus grande efficience.» Pour le recteur de l’UFMC, «l’avènement du LMD a une relation avec la formation et l’emploi, paradoxalement les universités qui ont joué cette carte n’ont pas abouti à l’employabilité. Pour renverser cette tendance, il faudra arriver à un équilibre entre la formation académique et celle technique. La professionnalisation est étroitement liée aux besoins socioéconomiques». Introduit il y a une douzaine d’années, le système LMD n’a pas procuré une quelconque satisfaction à la communauté universitaire. D’ailleurs, son évaluation a été au centre d’une conférence nationale en décembre dernier, organisée par le ministère de l’Enseignement supérieur et la Recherche scientifique. Pour le Pr Jamal Mimouni, du département de physique de l’UFMC, «l’introduction du LMD en Algérie était une décision politique prise par la tutelle pour des raisons certes compréhensibles, notamment l’adéquation de la formation universitaire algérienne avec celle qui se mettait en place en Europe et de par le monde, mais appliquée de manière bureaucratique. Aussi, le système LMD a-t-il déferlé sur l’université algérienne pour se substituer au système classique sans préparation adéquate et sans que les principaux acteurs ne soient véritablement impliqués. Sa mise en œuvre au fil des ans a confirmé que notre mal-aimé système LMD n’avait ni tête pensante ni âme.» La recherche scientifique est aussi sujette à critiques dans le rapport du CNES puisqu’il est constaté que l’Algérie a un potentiel d’universitaire quatre fois supérieur à celui de la Tunisie, mais sa production scientifique est nettement inférieure, qu’il s’agisse de qualité ou de nombre. «L’université du futur sera une université où l’enseignant et l’étudiant seront le pivot de celle-ci et non l’administration avec sa lourdeur et sa mainmise sur la pédagogie et la recherche», est-il soutenu. De l’avis du Pr Mimouni, «la recherche scientifique de qualité nécessite un environnement matériel et humain particulier. Si les conditions matérielles sont globalement satisfaisantes dans nos universités grâce à l’immense effort consenti par la direction de la recherche, à travers les centaines de labos bien financés et la valorisation de la fonction d’enseignant-chercheur, le côté humain n’a pas suivi. Je me bornerai ici à pointer du doigt sans autre forme de procès deux facteurs hélas trop souvent présents au niveau de l’université algérienne et antinomiques à tout effort véritable de recherche : le manque de rigueur académique, qui va de pair avec une complaisance dans l’évaluation des projets et des chercheurs et l’absence de méritocratie, avec comme conséquence le nivellement par le bas, alors qu’il ne saurait y avoir de démocratie dans le monde de la recherche».       

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