lundi 21 août 2017

Une célébration dans la sobriété

Il est 9h54. Massés devant le portail du site historique du village Ifri, à 70 km au sud de Béjaïa, des militants de partis politiques et des citoyens lambda observent le départ en trombe de la délégation officielle conduite par le wali de Béjaïa. Au sein de la délégation, des élus, les autorités militaires et la famille révolutionnaire représentée par l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM), au milieu desquels se tient, un ballon de football entre les mains, le député et ancien journaliste sportif à la Télévision nationale, Mourad Boutadjine, viennent d’achever le protocolaire recueillement. A présent, le musée est ouvert à la population. Ils étaient plusieurs centaines à s’y rendre pour la célébration du 61e anniversaire de la tenue du Congrès de la Soummam qui a eu lieu en 1956. Cette année encore, les partis politiques — à savoir le Front des forces socialistes (FFS), le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et le Mouvement populaire algérien (MPA), auxquels s’ajoute le Front El Moustakbel (FM) de Abdelaziz Belaïd, représenté par le député Khaled Tazagart, qui est venu à la tête d’un groupe de militants — sont fidèles au rendez-vous. Dans la grande cour, Nordine Aït Hamouda est entouré de quelques visiteurs et échange des sympathies avec l’ex-cadre du RCD et néanmoins élu sur une liste indépendante aux récentes législatives, Braham Bennadji. Les visiteurs, venus des quatre coins du pays, sillonnent les différentes parties du musée à la découverte des documents historiques, des photos datant de la Révolution, des débris d’avions abattus par les moudjahidine  dans la région de la Soummam et des livres relatant l’histoire de l’Algérie à la bibliothèque. Aziz, 23 ans, une casquette flanquée du sigle FFS sur la tête, est venu de Sétif. «On m’a offert cette casquette à l’entrée. Non, je ne suis partisan d’aucun parti politique. Nous sommes venus en groupe d’amis pour découvrir ce lieu et nous rapprocher des gens qui ont vraiment vécu la guerre et les écouter», souhaite-t-il. Mais Aziz a eu droit à des discours politiques, une cérémonie officielle, folklorique et une faune d’accros aux photos selfies, entre autres. Pendant que les animateurs du FFS tenaient leur meeting, une vingtaine de militants du MPA se recueillaient devant la stèle commémorative du musée. Ils ont été suivis par les rappelés de l’armée. Ces derniers sont venus pour exprimer leur appartenance à cette génération de combattants qui ont lutté pour le salut de l’Algérie, mais aussi contre le terrorisme islamiste entre 1995 et 1999. A ce propos, Cherif Takorabt, porte-parole des rappelés de l’armée, nous a déclaré : «Nous profitons également de cette occasion pour réitérer nos revendications qui consistent à faire profiter tous les rappelés des avantages dans le cadre des pensions militaires, mais aussi les veuves et les enfants de nos camarades tombés sous les balles des islamistes dans les maquis.» Et d’ajouter : «Nous nous sommes attelés ces derniers temps à faire intégrer notre organisation dans un cadre légal afin qu’on puisse activer dans un cadre structuré et ainsi mieux défendre ces gens qui nous font confiance.» Après le «retrait» du «groupe» de Cherif Takorabt, c’est au tour des militants du RCD, à leur tête le président du bureau régional, Mohamed Labdouci, et les députés de la région de Béjaïa de se recueillir en déposant une gerbe de fleurs au pied de la stèle commémorative. En marge de ce recueillement marqué de sobriété chez le RCD, le président du bureau régional a estimé, dans une déclaration à El Watan, que «ce lieu évoque un espoir. Car la réflexion des congressistes, à l’époque, était orientée vers la construction d’une République démocratique et sociale, mais le clan qui dirige le pays depuis 1962 en a décidé autrement en confisquant l’indépendance». Pour ce jeune militant, «le devoir de la nouvelle génération est de reprendre le flambeau afin de réaliser le vœu des hommes qui avaient engagé ce projet inachevé, d’autant que notre formation politique s’inspire dans ses documents et son engagement de la Déclaration du 1er Novembre ainsi que des résolutions du Congrès de la Soummam». La journée du recueillement tire à sa fin. De l’extérieur, un chant traditionnel décrivant les atrocités de la guerre et glorifiant les combattants tombés au champ d’honneur déchire le ciel d’Ifri. Des dizaines de femmes, toutes de robes kabyles vêtues, ont organisé une procession vers le site. Des veuves de moudjahidine, des jeunes filles chantent, ou plutôt pleurent des achewiqs émouvants. Interrogée par nos soins, l’une des vieilles femmes, 70 ans, dira : «Nous n’avons jamais attendu le 20 août pour venir nous recueillir. Personnellement, je viens à chaque fois que j’en ressens le besoin. Et je passe beaucoup de temps à contempler les photos de mon père aux côtés de ses frères d’armes, mort au combat, alors que je n’étais âgée que d’un an.»

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