De nombreux avocats regrettent que l’affaire soit «traitée de manière judiciaire», alors que certains hommes politiques lui ont donné, par leurs déclarations, un cachet purement politique. C’est dans une ambiance lassante que le procès de l’affaire Sonatrach 1 s’est poursuivi, hier, au tribunal criminel près la cour d’Alger. Durant toute la journée, le greffier a eu du mal à achever la lecture des 70 pages de l’arrêt de renvoi devant une assistance qui avait majoritairement déserté les bancs de la salle d’audience. Pourtant, les faits résumés par ce document de 299 pages, dont la moitié a été lue, ne sont pas des moindres : «association de malfaiteurs», «blanchiment d’argent», «corruption», «trafic d’influence», «violation de la réglementation des marchés publics», «dilapidation de deniers publics», «abus d’autorité», «perception d’indus cadeaux»... En bref, des faits pour lesquels les 18 accusés risquent de lourdes peines, notamment ceux poursuivis pour des crimes et qui, à l’exception de l’ex-PDG de Sonatrach Mohamed Meziane (laissé en liberté), se trouvent en détention et donc dans le box des accusés, à savoir Mohamed Réda El Smaïl (patron du groupement privé Contel Contracting Algérie, son conseiller financier), l’ex-directeur général du CPA Hachemi Meghaoui, son fils Yazid, les deux enfants Meziane, Fawzi et Bachir, ainsi que les deux ex-vice-présidents de Sonatrach, Belkacem Boumedienne et Benomar Zenasni. Cependant, c’est dans le hall de la cour d’Alger que les débats s’enflamment. Certains avocats, comme Me Bergheul, regrettent que des personnalités comme Amar Saadani (secrétaire général du FLN), le général Toufik (ex-patron du DRS) et plus récemment, le député islamiste, Hacène Laribi, ne soient pas convoqués à la barre pour être entendus en tant que témoins. «Le secrétaire général du FLN a dit qu’il n’y a rien dans le dossier et que tous les procès-verbaux ont été fabriqués pour s’attaquer au ministre de l’Energie et au Président. Laribi vient lui aussi nous apprendre que le général Toufik lui a confié que des montants ont transité par le compte de Chakib Khelil. Nous voulons que ces personnes nous disent pourquoi les accusés vont être jugés. Y a-t-il vraiment une affaire Sonatrach ? Est-ce qu’il s’agit d’une fabrication ou non ? L’opinion publique doit savoir ce qui s’est passé. Il est du devoir de tous d’arriver à la vérité. Nous sommes devant un dossier judiciaire certes, mais avec un habillage politique. En tant que collectif de la défense, il aurait fallu agir d’une seule voix pour réclamer la présence devant le tribunal de toutes ces personnalités qui ont du poids sur la scène politique», explique Me Bergheul. Selon lui, «il y a trop de zones d’ombre qui méritent la lumière». Un avis que partagent certains de ses confrères, mais en évoquant d’autres énigmes non encore élucidées, citant au passage la «dissimulation de documents par des cadres dirigeants de Sonatrach, épargnés par l’enquête et qui sont toujours en fonction. Mais, aussi la responsabilité avérée de l’ex-ministre de l’Energie, sans pour autant qu’il ne soit entendu, ne serait-ce qu’en tant que témoin lors de l’instruction», révèlent certains avocats. Ils reviennent longuement sur «les anomalies qui entachent» l’instruction, comme par exemple «l’iniquité dans la distribution des inculpations et des non-lieu» à des personnes qui pourtant sont auteurs des mêmes faits commis durant la même période. D’autres avocats s’attardent plutôt sur le fait que sur les sept accusés poursuivis pour des crimes, un seul, l’ex-PDG de Sonatrach, se trouve en liberté et n’a à aucun moment fait l’objet d’une prise de corps, comme le stipule le code de procédure pénale. Aujourd’hui, le tribunal devra entendre le premier accusé. L’audience, pour beaucoup, s’annonce très riche en informations.
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