Le phénomène de la harga n’a jamais cessé à Annaba et ailleurs, même après le durcissement de la loi criminalisant l’acte de quitter clandestinement le pays. Pas plus tard qu’avant-hier, les gardes-côtes de Annaba ont avorté une tentative de quitter le pays clandestinement : une expédition de 13 harraga, parmi plusieurs autres, a été interceptée. En effet, sur la place Alexis Lambert, point de chute des candidats à l’émigration clandestine de Annaba et d’ailleurs, les «programmes de départ» affichent toujours complet. Ils dépendent seulement des conditions climatiques et le programme des patrouilles des garde-côtes. Les multiples coups de filet qui y ont été réalisés par les services de sécurité n’ont pas réussi cependant à juguler ce fléau, devenu une tradition locale. Depuis le mois d’août dernier, il ne se passe pas un jour sans qu’on évoque çà et là un départ de candidats à l’émigration clandestine depuis les différentes plages de Annaba, dont la légendaire Sidi Salem. Sans conteste, le mois de décembre a connu un pic avec pas moins de 181 jeunes à la tête pleine de rêves arrêtés par les gardes-côtes de Annaba. Selon un décompte officiel, depuis le début de l’année 2015, ils sont 373 à subir le même sort après avoir tenté de rallier clandestinement l’autre rive de la Méditerranée. Rares sont ceux qui ratent la traversée pour rejoindre l’Italie. Les moins chanceux, quant à eux, sont arrêtés par les garde-côtes, sinon portés disparus. Tel un rythme, devenu constant, il ne se passe pas un jour sans que l’on assiste à des dizaines de départs depuis les différentes plages du pays, notamment dans les wilayas côtières de l’Est et de l’Ouest. La plupart confirment à leurs proches, le lendemain, leur arrivée à travers des appels téléphoniques. Et si les jeunes de l’Est visent les côtes italiennes, ceux de l’Ouest, proximité oblige, partent vers l’Espagne. Il y a deux semaines, les éléments des garde-côtes de Aïn Témouchent, relevant de la 2e Région militaire, ont déjoué une tentative d’émigration clandestine de 14 personnes au nord-ouest de la plage Madagh, à Bouzedjar. A bord d’une embarcation pneumatique, ils se dirigeaient vers la rive espagnole lorsqu’ils ont été interceptés et arrêtés par les forces navales. A la baisse de vigilance, jamais constatée au niveau des frontières maritimes de Annaba, il faut ajouter des conditions climatiques plus que favorables, encourageant également la contrebande du corail avec les Tunisiens. Force est de relever que la reprise des tentatives de quitter en masse le pays à travers les côtes de la wilaya de Annaba et El Tarf a marqué le mois d’août dernier. En effet, à travers plusieurs opérations, plus d’une centaine de candidats à l’émigration clandestine ont été interceptés, arrêtés et présentés devant le procureur près le tribunal de Annaba. Ils ont été condamnés à des amendes allant de 20 000 à 30 000 DA. Force est de souligner, cependant, que la reprise de cette activité risquée de traverser la Méditerranée avec des embarcations artisanales intervient après une accalmie qui aura duré plus d’une année. Qu’est-ce qui fait motiver les jeunes à quitter le pays clandestinement vers l’Europe, un continent en pleine crise économique ? A cette question, plusieurs jeunes harraga avec lesquels El Watan a pris attache justifient leur choix. Pour eux, «au pays où règnent la corruption, le chômage, la hogra et le célibat, il ne fait plus bon vivre. Sous Bouteflika qui dirige notre pays en plein quatrième mandat, nous avons connu tous les maux. Il faut partir, il n’y a plus d’espoir !» Pessimisme, sentiment de non-appartenance et tentative de chercher un avenir incertain ailleurs sont entre autres convictions qui animent l’esprit de cette catégorie de jeunes qui croient dur comme fer que leur pays est trop exigu pour contenir leurs rêves. Cette volonté de quitter l’Algérie par n’importe quel moyen est expliquée également par Saâdi Kamel, un jeune harrag de la cité populaire Didouche Mourad (ex-Laurier Rose) de Annaba, qui a tenté à plusieurs reprises de quitter le pays, sans succès. «Le bilan de ma vie est plus que négatif. Je suis célibataire endurci de 45 ans, sans emploi et sans logement. Je ne regrette pas d’avoir quitté tôt l’école, puisqu’en Algérie, les médecins et les ingénieurs sont au chômage. Après avoir consacré leur jeunesse dans les études, ils accourent actuellement derrière un contrat DAIP que l’Etat a cessé d’octroyer par mesure d’austérité. Avec la crise du pétrole dont les conséquences seront subies en 2016 par le pauvre peuple, la seule alternative est de tenter ma chance sous d’autres cieux plus cléments. J’ai risqué à trois reprises la harga, mais à chaque fois je me suis fait arrêter par les gardes-côtes et condamné par la justice. Franchement, je ne suis pas prêt à baisser les bras et je retenterai ma chance», résume, non sans peine, cet autre jeune. En dépit de l’entrée en vigueur, depuis le 8 mars 2009, de la criminalisation de l’acte de l’émigration clandestine, des jeunes Algériens continuent à braver les dangers de la mer pour fuir leur pays. 17 harraga secourus par un navire marchand Portés disparus depuis plus d’une semaine, 17 candidats à l’émigration clandestine ont été secourus par un navire marchand et remis aux autorités italiennes, avons-nous appris de leurs proches. Originaires de Annaba, ces jeunes dont l’embarcation artisanale a appareillé la semaine dernière depuis la plage de Chetaïbi n’ont pas donné signe de vie. Très inquiètes, leurs familles issues de plusieurs cités de la wilaya ont pris attache avec les gardes-côtes de Annaba pour s’enquérir du sort de leurs progénitures. Renseignements pris, les gardes-côtes algériens, dans le cadre des échanges d’informations avec leurs homologues italiens, ont su, selon toujours la même source, qu’ils sont sains et saufs après avoir été secourus par l’équipage d’un navire marchant. Ils naviguaient à plus de 70 miles au nord de la côte de Skikda. Bien qu’ils soient en mauvais état de santé, ils ont déclaré être des réfugies syriens afin d’éviter d’être remis aux autorités algériennes.
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