Décédé en 1901, Cheikh Mohand Ou L’Hocine a été enterré en son fief. Sa tombe deviendra un haut lieu de pèlerinage et ses nombreux dits, des dictons que l’on se répète à ce jour. Cheikh Mohand Ou L’Hocine serait né en 1838. Originaire de Werdja, comme Lalla Fadhma n’Soumer, avec laquelle il est lié par des liens de sang, il s’est installé au petit hameau d’Ath Ahmed vers 1870, après avoir fait le tour de plusieurs zaouïas de Kabylie. Plus qu’un exégète qui se contente d’interpréter les textes sacrés, c’est un sage, un érudit, un poète au verbe éloquent. Conjuguant à merveille la sagesse kabyle et la parole divine, il entreprend d’instaurer une religion pragmatique toute maghrébine, à base de paix, de travail et de tolérance. Sa réputation ne cesse de grandir au point que le petit village, dont il a fait son fief, est devenu le point de pèlerinage et de convergence de milliers de citoyens. On vient des quatre coins de la Kabylie afin de le solliciter pour un arbitrage autour d’un litige ou pour un simple conseil avisé. «On venait demander son avis pour toute chose. Aussi bien pour l’achat d’une paire de bœufs ou d’un champ que pour rendre justice lors d’un conflit entre deux parties rivales», raconte Boussaad Aït Ahmed. C’est un véritable palais de justice qui s’instaure sur ce flanc discret du Djurdjura, au point que le juge de paix désigné par l’administration coloniale à Tizi Ouzou se retrouve au chômage, n’ayant point d’affaires à traiter. Il s’en offusque et convoque ce «personnage» qui lui dispute ce droit régalien que la France coloniale lui a octroyé. Cheikh Mohand, évidemment, ne répond pas à la convocation et le juge finira par se rendre lui-même à Ath Ahmed pour voir de près à quoi ressemble ce savant que tout le monde vénère comme un saint. Après avoir fait poireauter l’illustre magistrat, Cheikh Mohand finira par le recevoir dans son modeste abri d’anachorète. Néanmoins, celui-ci veut mettre son intelligence et sa perspicacité à l’épreuve. Il lui lance alors : «Pourras-tu me dire combien de litres d’eau contiennent les mers et les océans ?» «Bien sûr», répond Cheikh Mohand. «Je te le dirais si tu arrêtes les fleuves et les rivières qui s’y déversent pour me permettre de compter», ajoute malicieusement le vénérable Cheikh. Lors de la fameuse insurrection de 1871, menée par El Mokrani et Cheikh Aheddad, Cheikh Mohand Ou L’Hocine fera montre d’une prudente neutralité, même si la révolte est essentiellement portée par les adeptes de la Tariqa Rahmaniya, la confrérie à laquelle il appartient. Il aurait dit : «ûdhagh rebbi yidwen ur digh, anssi nidhen ur d awendekigh (je jure par Dieu que je ne marcherai ni avec vous ni contre vous).» Au cours des années 1870 marquées par la faim et la misère de larges couches de la société paupérisées par l’insurrection et ses terribles conséquences, la zaouïa devient un refuge qui offre à boire et à manger à des milliers de visiteurs tout au long de l’année. «Les offrandes des plus riches permettaient de nourrir les plus pauvres», explique Boussaad Aït Ahmed. C’est le Cheikh qui ordonnera de bâtir ces fameux tunnels qui traversent le sous-sol d’Ath Ahmed et qui serviront lors de la Révolution de 1954. Avec son illustre aîné, Cheikh Aheddad, Mohand Ou L’Hocine aura un différend historique. Incapables de s’entendre, les deux légendes se seraient jeté à la face de sinistres prophéties qui finiront par advenir. Cheikh Aheddad verra sa maison ravagée et sa mort en exil alors que Cheikh Mohand mourra sans descendance pour lui succéder. Décédé en 1901, Cheikh Mohand Ou L’Hocine sera enterré en son fief. Sa tombe deviendra un haut lieu de pèlerinage et ses nombreux dits, des dictons que l’on se répète à ce jour.
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