Sobre et émouvant était le moment de l’arrivée de la dépouille de Hocine Aït Ahmed à l’aéroport d’Alger. L’émotion était à son comble. Le temps s’est figé et tout le pays avec à l’apparition du cercueil du défunt. C’était son ultime retour au pays pour un repos éternel en ce 31 décembre 2015 qui clôt ainsi un chapitre de l’histoire nationale. Une séquence algérienne avec ses moments de gloire et de défaites amères. C’est toute cette histoire qui a été convoquée durant une semaine des plus émouvantes. Les images se bousculent dans un aller-retour incessant entre un terrible passé et un présent incertain. Aït Ahmed a été ce roman de l’Algérie rêvée, fantasmée, malmenée, à terre mais qui saura renaître. C’est une fin d’année exceptionnelle où cette mort, la mort d’Aït Ahmed pourra être aussi la renaissance d’une nation. Une semaine «éprouvante» politiquement pour les détenteurs du pouvoir qui assistent au triomphe populaire de celui que l’histoire officielle a vainement tenté d’exclure. Tout le gouvernement, les présidents des deux Chambres du Parlement, le président du Conseil constitutionnel et le patron du syndicat officiel alignés en rang d’oignons au salon d’honneur ont dû constater l’énorme fossé qui les sépare du pays réel. Ils doivent méditer profondément ce moment de l’histoire et mesurer l’ampleur du désastre national. Les enfants, la veuve de Hocine Aït Ahmed, ses amis d’ici et d’ailleurs, les militants du FFS ne se sont pas mêlés aux officiels. La ligne de séparation était infranchissable. Le moment était grave et solennel, mais l’ambiance était froide. On sentait toute la gêne des officiels qui voulaient vite en finir avec ce protocole auquel ils étaient conviés sur ordre présidentiel. Un moment bien particulier d’une cérémonie toute aussi particulière où les représentants officiels ne sont pas les maîtres. Le moment aurait pu se dérouler autrement dans autre Algérie rêvée justement par ses pères fondateurs. Fidèle à l’esprit qui a fondé son long engagement, l’impénitent militant a fait corps avec son peuple qui l’a porté au panthéon. Et jusqu’au bout. Les centaines d’Algériens, massés et «tenus» loin du salon d’honneur, scandaient : «Funérailles populaires», et c’était la dernière volonté du dernier chef historique. Le peuple se réapproprie son héros et épouse ses valeurs. L’une de ces valeurs était aussi l’idéal maghrébin de l’homme. La présence des deux figures maghrébines, le Marocian Abderrahmane Youssoufi et le Tunisien Mustapha Bendjaâfar, en est un témoin vivant. Le vieux Youssoufi, qui est revenu une deuxième fois à Alger en l’espace d’une semaine, traduit cette persistance à faire vivre l’idée du grand Maghreb. La classe politique des deux pays voisins était fortement présente à la cérémonie de recueillement pour dire tout l’attachement à l’esprit de la Déclaration de Tanger. Un Maghreb démocratique, un Maghreb des peuples. La disparition de cet Algérien d’exception, de ce Maghrébin de conviction peut bien être un nouveau départ. Le bon.
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