Augmentation des prix, pénurie de produits, délais de livraison non respectés : les professionnels du bâtiment s’inquiètent de la crise à venir dans le secteur qui, jusque-là, était un des mieux portants. «Le secteur du bâtiment connaîtra un freinage catégorique.» Avec l’arrêt des importations de ciment et de rond à béton - deux produits stratégiques pour le BTP - décidé par la loi de finances 2016, les professionnels du secteur s’alarment, à l’instar de Belkacem Mezine, secrétaire général de l’Association générale des entrepreneurs algériens (AGEA). L’arrêt technique de trois cimenteries n’ayant rien arrangé, les prix de plusieurs matériaux de construction connaissent une augmentation estimée de 20 à 30%. «On a enregistré des augmentations sur plusieurs produits de construction et quincaillerie depuis quelques jours. Ces hausses dépassent les 50% sur certains matériaux. On les remarque essentiellement sur le ciment, le rond à béton, les matériaux d’électricité et la peinture», témoigne Dalis, un propriétaire d’un magasin de quincaillerie à Oran. «Ces augmentations sont à mon avis aberrantes et certains grossistes annoncent d’autres hausses dans les prochains jours», poursuit le revendeur. Face à cette situation, les professionnels du bâtiment s’inquiètent d’une «dégradation générale» du secteur. «L’arrêt subit des importations a causé une pénurie totale des matériaux du BTP. En parallèle, les unités de production locales ne sont pas prêtes à couvrir le marché national, c’est là que l’on sent une contradiction. Et si la situation se dégrade aujourd’hui, c’est à cause de la gestion politique. Conditionner les importations est une décision politique, pas technique ni économique. J’ai l’impression que les gestionnaires n’ont pas bien compris la situation du marché algérien», affirme Belkacem Mezine. Baril Selon des chiffres officiels, la production totale des cimenteries du pays est de 18 millions de tonnes alors que les besoins nationaux sont estimés à 22 millions de tonnes. Soit un déficit de 4 millions de tonnes. D’après Mezine, «de nombreux projets sont aujourd’hui à l’arrêt. En cause : le coût des matériaux de construction a grimpé de pratiquement 40% concernant certains produits.» Selon S. A., chef de service d’approvisionnement dans une cimenterie algérienne, «les prix des matériaux de construction dépendent généralement du prix du pétrole. Si le coût du baril continue à baisser, il faut s’attendre à ce que les prix augmentent davantage dans les prochains mois.» Il précise : «L’entreprise étrangère de matériaux de construction Lafarge est responsable de ces augmentations, contrairement aux unités de production étatiques, telles que Gica, qui ont gardé les mêmes tarifs.» Pour sa part, le président de la Confédération générale du patronat de la wilaya de Boumerdes (CGB), Rabah Bentoura, s’inquiète pour l’avenir. «Il est vrai que le secteur du bâtiment a été stable durant plusieurs mois, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’augmentation des prix touche aussi bien les produits locaux que ceux importés. Il n’y a pas une différence entre les deux.» Ce dernier craint que l’impact de cette hausse se fasse davantage sentir chez les entreprises privées algériennes que chez les firmes publiques et étrangères. Il explique : «La majorité des entreprises étrangères importent des matériaux de leur pays avec les prix qui les arrangent, contrairement aux locales qui achètent les produits nationaux ou importés. Par ailleurs, entre le privé et le public, c’est le privé qui est le plus touché. Aujourd’hui, le nombre des entreprises de construction publiques est en baisse contre les privées qui ne cessent d’augmenter.» En dépit des promesses du gouvernement qui affirme que «la construction ne sera pas touchée par les flambées des prix», dixit le Premier ministre, le président de CGB, Rabah Bentoura, assure que ces hausses auront des incidences directes sur le prix au mètre carré qui va augmenter de 30% environ. «Je pense notamment aux programmes de logements publics (LPP, LSP, AADL…) qui risquent de ne pas être livrés dans les temps. Par ailleurs, il est normal que le prix au mètre carré soit affecté et revu à la hausse. Si hier on achetait le rond à béton à 5800 DA et qu’aujourd’hui on l’achète à 7500 DA, il est clair que le prix de la construction ne sera pas épargné»,explique-t-il. Déficit Belkacem Mezine est du même avis. «Si ce climat persiste, il est sûr que le prix au mètre carré sera affecté. Nous demandons à ce que les unités de production se mettent en marche, car dans le cas du ciment par exemple, on sait que la plupart des unités sont à l’arrêt», assure le secrétaire général. Côté délais de livraison, ce dernier reste pessimiste et déclare : «Il est impossible de respecter les délais de livraison de construction dans des conditions pareilles.» Le chef de service d’approvisionnement ciment le rejoint : «Les délais de livraison connaissent déjà des perturbations. Ce qui va s’aggraver de plus en plus avec la nouvelle situation.» D’après les derniers chiffres donnés par le site lkeria.com, le marché du logement neuf connaîtra une augmentation des prix dès le deuxième semestre. Selon la même source, le nouveau bilan des demandes au logement a été estimé à 400 000 par an contre 100 000 logements sociaux offerts chaque année. Soit un déficit de 300 000 demandes. Pour conclure, le SG de l’AGEA affirme que les conséquences ne se s’arrêteront pas à ce stade. «Le BTP est un secteur qui draine une économie importante. On verra une augmentation du chômage et des méventes et donc le secteur ne se développera pas comme on le souhaite. Et quand on touche au bâtiment, on touche aux artisans : le menuisier, le plombier, l’électricien, les drogueries…»
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