mercredi 4 mai 2016

Grine en guerre contre la presse

Le ministre de la Communication s’attaque de nouveau à la presse qui ne fait pas allégeance au pouvoir en usant de procédés indignes d’un représentant du gouvernement. Il réitère son appel aux annonceurs pour bouder les publications qui affichent une opposition vis-à-vis des options officielles. Expéditions punitives à répétition. Depuis sa nomination à la tête du ministère de la Communication, Hamid Grine mène une guerre sans répit contre la liberté de la presse. Une guerre sale  contre des médias viscéralement attachés à la liberté d’expression et à leur indépendance éditoriale. Il en a fait son programme. L’ancien attaché de presse d’un opérateur de téléphonie mobile cairote ne laisse passer aucune occasion pour sonner la charge. Il exerce un harcèlement méthodique et permanent contre des journalistes et des médias qui refusent de rentrer dans la «maison de l’obéissance», qui refusent de se soumettre. Chargé par le pouvoir politique de remodeler au pas de charge le paysage médiatique national à sa convenance, Hamid Grine s’est autorisé les coups tordus les plus vils face à une presse qui a vaillamment résisté à toute forme d’autoritarisme au péril de la vie des hommes et des femmes de la corporation. Echouant visiblement dans son entreprise destructrice des espaces de liberté chèrement acquis, il s’acharne et redouble de violence au point de perdre son sang-froid, de perdre le sens de la mesure. Et même à l’occasion de  la Journée internationale de la liberté de la presse, célébrée hier, qui devait être un moment de «cessez-le-feu médiatique» pour faire le bilan des avancées, mais surtout des régressions en matière de liberté, lui en a fait une nouvelle étape de sa campagne. A l’heure où les journalistes algériens commémorent cette date symbole et surtout se souviennent des sacrifices consentis par des femmes et des hommes durant la terrible décennie de terrorisme, le ministre de la Communication se charge d’achever les dernières poches de résistance. Il a ouvertement accusé trois journaux, en les taxant de «lobbies pour qui il n’y a point de salut hormis l’invective et peut-être le suicide et la fuite. Tout est noir en Algérie». Des propos graves et lourds de conséquence tenus au lendemain même où le chef de l’Etat dans un message a dit sa «reconnaissance» aux journalistes qui ont courageusement tenu face au terrorisme. Avec cette déclaration, le ministre de la Communication jette un discrédit certain sur le message présidentiel. Est-il nécessaire, à ce propos, de rappeler au ministre de la Communication le rôle social et historique de la presse ? Faire la lumière sur les endroits où sévit la corruption, l’injustice, les inégalités, la rapine ; dénoncer les abus de pouvoir ; défendre les valeurs qui fondent un véritable Etat moderne est un devoir que les médias doivent assumer en toute circonstance. Cela s’appelle défendre les valeurs et les principes pour lesquels des générations d’Algériens se sont sacrifiés. Ne pas assumer cette mission reviendrait à renoncer au combat libérateur. Non, Monsieur le ministre. Le travail qu’accomplissent les journalistes est dicté par le devoir de lever le voile sur les attitudes politiques qui portent des coups fatals à l’Etat d’abord en tant que valeur. Révéler les affaires de corruption, de népotisme, dénoncer les atteintes à la Constitution et les zones de non-droit, ce n’est pas noircir l’image du pays, mais le préserver. Mais surtout ne pas inciter à «fuir» comme vous le vociférez. La fuite ? Parlons-en. Les journaux algériens — à leur tête le «trio» que le ministre charge aujourd’hui de tous les maux — ont fait le choix de rester et surtout de résister face au terrorisme. Ils ont livré une bataille difficile mais noble, celle de la liberté, de la démocratie contre le fascisme. C’est le prix de l’indépendance.  Née et grandie dans des moments terribles, la presse libre n’est pas prête à renoncer à exercer sa liberté, encore moins à abandonner son idéal. Manifestement, cela est totalement étranger au ministre. Il se trompe de combat. Nombreux sont les confrères qui y ont laissé leur vie. Les rescapés vivent avec le traumatisme de ces années d’enfer dont ils ne se remettent pas. Ils ont donné les plus belles années de leur jeunesse pendant que Monsieur Hamid Grine avait sauté la frontière. Installé au Maroc à l’abri des balles assassines qui fauchaient journalistes, intellectuels, fonctionnaires, policiers, militaires, gendarmes, enseignants. Pendant qu’il était «grand reporter» à la Vie Economique – publication proche du makhzen — des journalistes algériens bravaient chaque matin les multiples menaces de mort. En matière de patriotisme, les journalistes n’ont de leçon à recevoir de quiconque, encore moins de la part d’un homme qui s’est «mis au vert» dans les moments difficiles.  Les journaux que vous mettez au ban de la société ne noircissent pas l’image de l’Algérie. Au côté de nombreux secteurs de la vie politique, économique et culturelle, ils sont l’image moderne, l’exemple de réussite par le travail et la rigueur.  Ils appartiennent à «la famille qui avance» pour reprendre la devise de Tahar Djaout, premier journaliste assassiné.  Quand un ministre de la République appelle fièrement «les annonceurs privés pour leur dire de ne pas contribuer à renflouer les caisses des journaux qui sèment la discorde et renvoient une fausse image de l’Algérie», il porte un coup dur à l’Etat. Quelle image donne-t-il de son gouvernement et de son pays ? En faisant une telle déclaration, il donne l’image d’un gouvernement qui use et abuse de son pouvoir. Un chantage avéré fait aux annonceurs privés. Une immixtion dangereuse dans les règles de commercialité qui lient les annonceurs aux médias. Un coup de force. Une mise à mort programmée de la presse libre. Quelle image donne Hamid Grine de l’Algérie ? Certainement pas réjouissante.  

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