dimanche 17 juillet 2016

Le temps des représailles en Turquie

Le président turc promet de sévir contre les auteurs de la tentative de putsch et leurs commanditaires. L’homme, dont on sait la méthode autoritaire, couverait la tentation de tirer profit de l’échec du coup d’Etat pour régler des comptes politiques, alors que des voix s’élèvent — dont celles des Etats-Unis — pour appeler au respect de l’Etat de droit.   Le président Recep Tayyip Erdogan doit une fière chandelle à la rue. Le peuple turc s’est en effet opposé massivement à la tentative de coup d’Etat menée vendredi soir par une partie de l’armée et dont l’objectif était de le chasser du pouvoir. Au péril de leur vie, des milliers de personnes sont descendues dans les rues pour s’opposer au coup de force. Même les adversaires politiques de l’AKP, le parti au pouvoir, ont dénoncé le putsch. Dès lors, il n’y avait pratiquement aucune chance pour que le coup d’Etat réussisse puisque la majorité des services de sécurité turcs (police, forces spéciales et services de renseignement) n’ont aussi pas marché dans la combine. Sans cela, la tête d’Erdogan aurait certainement roulé dans les rues d’Istanbul ou d’Ankara. La Turquie a néanmoins frôlé le pire et le retour à la normale ne s’est pas fait sans dégâts. Des affrontements, avec avions de chasse, hélicoptères de combat et chars, ont donné lieu à des scènes de guerre inédites à Ankara et Istanbul. La situation a commencé à se gâter lorsque des militaires mutins ont fait état, vendredi vers minuit (heure locale), de la proclamation de la loi martiale et commencé à tirer sur des civils. Au moins 161 personnes sont mortes et plus de 1440 autres ont été blessées lors d’affrontements entre partisans d’Erdogan et putschistes. Fethullah Gülen pointé du doigt C’est le Premier ministre turc, Binali Yildirim, qui a annoncé, hier à la mi-journée, l’échec du coup d’Etat : «La situation est désormais pleinement sous le contrôle des autorités.» Le président Erdogan a néanmoins exhorté ses sympathisants à rester dans les rues pour faire face à toute «nouvelle flambée». Binali Yildirim a annoncé l’arrestation de 2839 membres des forces armées. De son côté, l’armée a déclaré que 104 putschistes avaient été abattus. Le chef de l’Etat, qui était en vacances sur la côte sud-ouest du pays, est arrivé à l’aube à l’aéroport d’Istanbul-Atatürk, où ses partisans étaient venus l’accueillir en nombre. Ragaillardi par sa nouvelle victoire sur l’armée, qu’il a toujours accusée de limiter son pouvoir, le président Erdogan a pointé du doigt les partisans de son adversaire exilé aux Etats-Unis, Fethullah Gülen, d’être derrière cette tentative de putsch. Une tentative de renversement qu’il a qualifiée de «trahison». Recep Tayyip Erdogan a promis de sévir contre ceux qui ont voulu avoir sa tête. Le principal intéressé a aussitôt démenti. Cette tentative de coup d’Etat a surpris tout le monde, y compris les Etats-Unis qui maîtrisent pourtant bien le terrain turc. Ils n’ont pas vu venir la tentative de coup d’Etat en Turquie, a d’ailleurs reconnu hier le secrétaire d’Etat John Kerry, en estimant que le putsch déjoué avait été mal préparé et exécuté. «Quand vous préparez un coup d’Etat, vous n’en faîtes pas vraiment la publicité auprès de vos partenaires de l’OTAN», a répondu M. Kerry, en tournée au Luxembourg, à des journalistes qui lui demandaient comment les services de renseignement américains ont été pris par surprise. «Tout le monde a été surpris, y compris les gens en Turquie», a commenté le chef de la diplomatie américaine. A l’occasion, M. Kerry a fait part du soutien «sans faille» des Etats-Unis au régime «démocratiquement élu» de Turquie. Le soutien américain «sans faille» Le secrétaire d’Etat américain a par ailleurs annoncé que les Etats-Unis allaient aider Ankara dans l’enquête sur le putsch déjoué. A ce titre, il a invité le gouvernement turc à livrer des preuves «solides» contre l’opposant Fethullah Gülen. M. Kerry a précisé que Washington n’avait «pas reçu de demande d’extradition en ce qui concerne M. Gülen», mais s’attend à «ce que des questions soient posées au sujet de ce dernier». L’Union européenne, l’Otan, le Qatar, Israël et la France ont été parmi les premiers à saluer l’échec de la tentative de putsch militaire en Turquie et à exprimer leur soutien au peuple turc et au régime du président Recep Tayyip Erdogan. Que fera maintenant Erdogan ? Maintenant que le coup d’Etat est maîtrisé, il faut bien évidemment s’attendre à ce que les acteurs qui y ont participé soient condamnés. Les sanctions n’ont d’ailleurs pas tardé à tomber. Le président Erdogan a décidé de s’attaquer en premier lieu à la justice, qu’il soupçonne de rouler en partie pour les Gülen. Les autorités turques ont démis hier de leurs fonctions 2745 procureurs et juges du Conseil supérieur, a annoncé l’agence de presse Anadolu. Les mesures en question sont prises à l’égard des juges et des procureurs soupçonnés de lien avec les putschistes, indique le journal Daily Sabah. Ainsi que le soutiennent de nombreux spécialistes de la Turquie, ce putsch avorté va probablement aussi servir de prétexte à Erdogan «pour déclencher une réorganisation de l’institution militaire, et ainsi signer la fin de cet Etat dans l’Etat». Preuve en est, disent-ils, un nouveau chef d’état-major a été nommé : le général Ümit Dündar. Celui-ci ferait partie, dit-on, «de ces militaires qui ont accepté la réalité et la fin d’un système». Avec ce qui s’est produit vendredi, il est fort à parier qu’il n’y aura plus personne pour s’y opposer.  

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