mardi 15 août 2017

Attaques contre des acteurs de la Révolution

Acharnement contre des héros de la Révolution et silence officiel. La moudjahida et héroïne de la guerre de Libération, Djamila Bouhired, a fait l’objet d’attaques abjectes sur les réseaux sociaux. Commentant une publication d’El Bilad sur les organisateurs d’un festival en Egypte qui ont décidé d’honorer Mme Bouhired, des internautes s’étonnent que la moudjahida, dont la photo accompagne le post, ne mette pas de hidjab. «Pourquoi elle (Bouhired) ne porte pas le voile et n’accomplit pas un hadj et une omra ?», ose un facebooker. Un autre lui emboîte le pas en se permettant de mettre en doute la foi de l’héroïne. «Peut-être qu’elle n’est même pas musulmane», lâche-t-il. D’autres encore ont osé s’interroger sur le parcours de l’héroïne. Ces commentaires décomplexés, faits parfois à visage découvert, ont provoqué des réactions en chaîne : si certains s’en sont pris à la moudjahida, d’autres l’ont défendue, rappelant les grands mérites d’une héroïne honorée au-delà des frontières du pays. Des internautes ont critiqué l’attitude du webmaster d’El Bilad, qui a permis la publication de commentaires abjects, où l’ignorance de l’histoire du pays le dispute à une bigoterie scandaleuse. Les attaques en règle contre la poseuse de bombe viennent après sa sortie où elle dénonce la décision du cinéaste Ahmed Rachedi de réaliser un film sur son parcours. «Il est temps d’en finir avec l’histoire officielle qui a marginalisé les véritables combattants pour mieux réhabiliter les canailles et les faussaires. Il est grand temps de mettre un terme à la profanation de la mémoire de nos martyrs», a dénoncé à raison la moudjahida, en réponse à tous les propos négationnistes et révisionnistes qui ont cours ces dernières années. Les attaques contre les acteurs de la Guerre de Libération et des événements importants de cette période, à l’instar du Congrès de la Soummam ou des Accords d’Evian, n’ont point cessé, les réseaux sociaux offrant une tribune à toute une faune d’internautes, mais pas seulement. Révisionnisme débridé ! Le député islamiste Hassen Laribi, ne s’imposant aucune règle, s’en prend violemment au défunt Redha Malek et ancien porte-parole des négociateurs d’Evian, lui reprochant ses positions du temps où il était chef de gouvernement. De pareilles polémiques, dont les initiateurs sont des personnalités publiques et parfois des internautes anonymes, fleurissent périodiquement sur les réseaux sociaux ou dans les colonnes d’une certaine presse. L’historien Abdelmadjid Merdaci estime que les mises en cause de symboles de la lutte pour l’indépendance s’inscrit dans le cadre «d’un processus insidieux de révisionnisme qui, en Algérie, fait aussi son lit dans l’assèchement d’un désir d’histoire par la bureaucratisation de la mémoire collective». «Le passage d’un imaginaire guerrier populiste — un seul héros, le peuple — au sujet acteur de l’histoire s’est effectué au prix de la privatisation de la mémoire de la guerre d’indépendance et de la progressive substitution du lien de sang au lien national. A cela il faut ajouter les effets pervers de la censure obtuse des archives algériennes sans lesquelles il ne peut y avoir une connaissance documentée de notre histoire, seule à même de protéger les lieux de mémoire, les acteurs, leur honneur, leur légitimité et plus largement la légitimité du combat des Algériens en faveur de l’indépendance de leur pays», résume l’historien. Ce qui étonne dans ces affaires, c’est l’absence de réactions officielles. Plus promptes à réprimer des activistes des droits de l’homme ou des facebookeurs lambda, les différentes autorités (politique, sécuritaires, académiques) laissent faire : ni poursuites ni recadrage. Pourtant, la loi oblige ces mêmes pouvoirs publics à réagir : l’article 66 de la loi sur le moudjahid et le chahid (99-07, Journal officiel n°25) est explicite : «Toute atteinte aux symboles de la Révolution de libération nationale est punie conformément au code pénal.» Il y a lieu de signaler tout de même les initiatives de certains internautes d’organiser la résistance contre d’apprentis négationnistes. Il en est ainsi de Benkhedda Salim, fils de feu le moudjahid Benyoucef Benkhedda, dernier président du GPRA, qui a décidé de publier sur sa page Facebook des passages de la Plateforme de la Soummam. Prenant exemple sur son père, qui a publié des ouvrages pour défendre la mémoire bafoué d’Abane, Salim, médecin, défend avec pédagogie la mémoire des acteurs de la guerre attaqués par des internautes assurés de l’impunité.

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