jeudi 24 août 2017

Le dépôt de plainte obligatoire

Dans une instruction relative aux conditions de sécurité dans les établissements de santé adressée mardi dernier aux directeurs de la santé et de la population et aux directeurs des établissements hospitaliers, la Direction générale des services de la santé et de la réforme hospitalière ordonne : «Toute agression d’un professionnel de santé dans l’exercice de ses fonctions ou toute destruction de biens publics doivent être suivies d’une plainte auprès des services de police à l’encontre de ou des agresseurs.» L’instruction stipule qu’«il est relevé que différents rapports émanant de certains établissements signalent des agressions physiques et des destructions de biens publics de la part notamment d’accompagnateurs de malades». Elle mentionne la nécessité de «transmettre impérativement le nombre et la nature des agressions physiques par établissement dont ont été victimes les professionnels de santé dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, et ce, pour la période du 1er janvier au 15 août 2017». Il est exigé aussi des directeurs des établissements de bien «préciser dans leurs rapports si les établissements sont dotés de postes de police assurés par un ou des agents de la Sûreté nationale». Contacté, Nawfel Chibane, secrétaire général national du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), a affirmé : «Enfin ! Une réaction à un problème qu’on a soulevé depuis au moins 4 ans et mentionné dans nos procès-verbaux. A l’époque, on a dit que la violence est un phénomène qui touche tous les domaines (rues, écoles, stades...). Il faut dire que l’ancien ministre, Abdelmalek Boudiaf, à travers des déclarations irresponsables, a poussé la population à cette attitude extrême. Il faut maintenant agir et sévir.» Selon lui, ce phénomène a pris de l’ampleur et il ne s’agit plus, depuis longtemps, de cas isolés. «Avant-hier, il a été enregistré une agression à l’hôpital Mustapha Pacha d’Alger contre un chirurgien et le corps médical. Le directeur de garde ne veut plus faire la garde. Nous avons enregistré des cas similaires et cela augmente», dira-t-il. Le nouveau ministre, Mokhtar Hasbellaoui, semble avoir pris conscience de la gravité de la situation. Et pour essayer d’apporter un remède, il a commencé par recevoir les syndicats pour traiter de ce dossier très sensible relatif à la sécurité du personnel de la santé, l’amélioration des conditions de travail mais aussi les conditions d’exercice de la garde. Mais va-t-il avoir les coudées franches et surtout la conviction nécessaire pour relever ce défi ? M. Chibane déplore la situation dans laquelle se retrouvent le secteur de la santé et ses structures. «On nous parle de la réforme hospitalière depuis plus de 15 ans. Une période durant laquelle le secteur a connu une instabilité vu qu’une dizaine de ministres se sont succédé à la tête du département sans qu’ils aient eu l’opportunité de réformer ou de travailler selon une stratégie claire», souligne-t-il. «C’est toujours le personnel médical qui est ciblé et jeté en pâture», a-t-il déploré. En fait, cette situation est due aussi aux dysfonctionnements du secteur de la santé. «D’un côté, il y a le manque d’effectif, de matériel pour les examens radiologiques et de produits et, de l’autre, le citoyen qui se trouve souvent devant un mur où il n’y a rien. On vit à notre niveau un malaise, car on a les mains liées», ajoute-t-il. La mauvaise organisation et la mauvaise prise en charge créent des situations de forte tension. Les médias s’en font régulièrement l’écho : les personnels des établissements de santé sont de plus en plus souvent l’objet d’agressions et d’incivilité, alors que les équipements sont la cible de dégradation. Lorsqu’un patient a une réponse agressive, il y a eu échec dans la prise en charge, échec dans l’écoute de ses besoins et attentes. Le patient n’a pas réussi à exprimer ses difficultés, sa détresse autrement que par la  violence. Il en est de même lorsque le patient a l’impression de ne pas être reconnu ou entendu : il peut se faire entendre en répondant par l’agressivité. De plus, les conditions environnementales dans lesquelles se trouve le patient, comme le bruit, l’attente, la promiscuité, peuvent l’agresser. Le patient a besoin qu’on lui parle et qu’on le rassure. En outre, l’épuisement professionnel est physique, psychique et émotionnel. Il est accompagné d’une déshumanisation du patient avec une attitude négative face à lui. Dans ce cadre, l’instruction précise que davantage d’efforts doivent être consentis «concernant l’amélioration des conditions de travail, de l’accueil, de la prise en charge des malades et l’hygiène des lieux, ce qui est de nature à mieux organiser l’offre des soins». 

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