Le secteur de l’automobile en Algérie prend les contours d’un marché de dupes. Le lancement tant espéré d’une industrie auto dans le pays n’arrive toujours pas à décoller tant l’importation semble l’activité majeure à laquelle sont réduits les opérateurs La substitution à cette activité lucrative et facile, qui porte sur pas moins de 4 à 5 milliards de dollars, n’est toujours pas au rendez-vous. Pourquoi ? Multiplication des usines de montage, des prix hors de portée, des sous-traitants qui ne se bousculent pas au portillon et une facture d’importation toujours aussi salée… Le rêve d’une industrie automobile algérienne se transforme-t-il en cauchemar ? S’agit-il d’une nouvelle «arnaque» ? En tout cas, la Toile algérienne bouillonne, depuis quelques jours, avec le lancement d’une campagne virtuelle pour le boycott des voitures «made in Algeria». Baptisée «Khaliha t-sedad (laisse-la rouiller)», cette campagne, lancée par des internautes sur le réseau social Facebook, intervient au lendemain de la publication, par le ministère de l’Industrie, des prix sortie d’usine des véhicules montés en Algérie. Une démarche qui a révélé le grand écart entre le coût de «fabrication» et le prix de vente aux particuliers, donnant ainsi une marge bénéficiaire dépassant les 400 000 DA/unité aux responsables des différentes marques installées dans le pays. Diffusant des images des usines de montage déjà en production qualifiées «de méga-vulcanisateurs», les initiateurs de cette campagne appellent les citoyens à ne pas acheter ces véhicules pour contraindre les fabricants à appliquer des prix raisonnables. Ce malaise est né d’une réalité, déjà dénoncée par l’ancien ministre de l’Industrie, Mahdjoub Bedda, qui a évoqué, l’été dernier, «une importation déguisée des véhicules» et «un transfert de la devise à l’étranger». Les limites du SKD (Semi Knocked Down) L’ex-ministre avait mis l’accent sur les limites du procédé retenu pour le lancement de l’industrie automobile en Algérie, à savoir le SKD. Devant être un début à plus d’intégration à travers la mise en place des usines de sous-traitance, qui se chargeront de fabriquer localement les pièces détachées nécessaires à l’industrie automobile, le système reste inchangé depuis près de cinq ans. Les constructeurs et leurs représentants algériens n’ont rien fait depuis 2014, date du lancement de la première usine de montage, pour passer à un niveau supérieur. Un maillon essentiel manque à la chaîne de cette industrie. Alors que le premier cahier des charges élaboré au lancement de cette industrie accordait un délai de trois ans aux constructeurs pour passer à une phase d’intégration importante, rien ou presque n’est fait pour le moment. Pour l’instant, seul Renault Algérie, qui parle «d’un taux de 30% d’intégration», a pu lancer des partenariats avec des entreprises locales. Ces dernières sont chargées de la fourniture des sièges auto (Matur Algérie-Automotive Seating), des collections de câblage (Citel), des joints d’étanchéité (Sealyx), tapis (Forme flex) et des pièces en plastique (Sarel). Mais il y a quelques jours, des médias affirmaient que le constructeur français importait une importante quantité de ses véhicules de marques Sandero Stepway de Roumanie et Symbol de Russie. Une information qui n’a pas été démentie par Renault Algérie pour l’instant. La situation est pire chez les quatre autres opérateurs en activité où l’industrie se limite, pour l’heure, à l’importation des kits SKD. Une situation qui ne cadre pas avec la démarche du gouvernement qui ambitionne de réduire la facture des importations des véhicules. En effet, en 2017, le montant en devises consacré à l’importation des kits d’assemblage a atteint les 1,8 milliard de dollars, soit une progression de 101% par rapport à 2016. La somme a permis de financer l’assemblage de 90 000 unités, soit beaucoup moins que le nombre de voitures finies pouvant être importées pour le même montant. Selon les chiffres communiqués par les Douanes algériennes, en 2016 l’Algérie avait importé, dans le cadre des quotas, 93 000 unités pour seulement 900 millions de dollars. Ainsi, il n’y a de gain pour le pays ni en matière de limitation des sorties des devises ni en réduction des prix des véhicules vendus sur le marché. De ce fait, il est loisible de s’interroger sur les prix de cession de ces véhicules teintés de couleurs nationales ou présentés, tout simplement, comme des modèles produits localement. Excédée par l’ampleur de l’opacité qui entoure ce dossier, l’opinion publique cultive le doute jusqu’à s’interroger sur les bienfaits d’une telle démarche pour l’Algérie et les consommateurs algériens. En plus de la cherté des véhicules, la qualité de la production devient aussi problématique, d’autant que les marques mises sur le marché, selon des utilisateurs, sont consommatrices de carburant et présentent parfois des défauts de fabrication graves. Quel serait donc cet avantage auquel peut prétendre l’Algérien que ces concessionnaires d’un nouveau genre seraient les seuls capables de comprendre ? Le marché national est pourtant florissant. Il pèse pas moins de 4 à 5 milliards de dollars. Cependant, le lancement d’une industrie auto requiert une vision et une volonté politique qui semblent le chaînon manquant. A quoi sert donc toute cette gymnastique dont ne profite pas le consommateur final, ni l’Etat bien sûr ?
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