vendredi 30 mars 2018

Le rythme de production effréné rend très difficile la mise en place d’alternatives autres que l’électronarcose

Qu’est-ce que l’électronarcose ? L’électronarcose est un procédé provoquant l’étourdissement transitoire d’un animal, à la suite de la traversée du cerveau par un courant électrique. Elle a pour objectif de tranquilliser les volailles et d’inhiber leur sensibilité à la douleur lors de l’abattage. Elle a été imposée en 2009 par la réglementation européenne en vue de réduire la souffrance de l’animal. En Algérie, la méthode de narcose la plus généralement utilisée est l’électronarcose par bain d’eau. Son principe repose sur la conduction d’un courant électrique jusqu’au système nerveux de l’animal pour inhiber sa perception de la douleur, ce qui provoque un état d’inconscience. L’électronarcose par bain d’eau impose un courant minimum devant être distribué à chaque poulet, en fonction de la fréquence appliquée, et devrait toujours être suivie, dès que possible, de la saignée, dans un intervalle maximal de 15 secondes suivant leur plongée dans le bain d’eau. Quels sont les avantages de cette méthode ? Plusieurs avantages sont liés à ces méthodes de «tranquillisation». Les volailles non étourdies s’agitent tellement qu’elles peuvent se briser les ailes ou abîmer leur chair. Hormis le bien-être animal, notion de plus en plus mise en avant, on peut citer le confort de l’opérateur du fait de l’immobilisation temporaire de l’animal, l’hygiène de l’abattoir en raison de moindres mouvements convulsifs et de battements d’ailes qui feraient gicler le sang sur les murs lors de l’égouttage, une décapitation rapide et précise, une stimulation du muscle cardiaque qui engendre une accélération du rythme et une meilleure saignée, etc. Cette dernière remarque ne fait cependant pas consensus puisque certains auteurs avancent des résultats différents, voire une fibrillation ventriculaire, selon l’intensité du courant électrique utilisé. N’y a-t-il pas d’autres alternatives ? Les conditions industrielles et le rythme de production effréné rendent très difficile la mise en place d’alternatives autre que l’électronarcose. Actuellement, il n’y en a pas qui soient utilisables dans les abattoirs avicoles. Des prototypes sont en cours de développement et ont fait l’objet d’essais, mais ne sont pas encore commercialisés. Il s’agit de systèmes d’étourdissement, électriques toujours, permettant un contrôle plus précis du paramétrage électrique reçu par chaque oiseau. Le système d’étourdissement crânien comprend en outre un équipement de contention de l’animal dans des cônes en plastique ; les pattes des oiseaux sont toujours maintenues par des crochets métalliques, mais les cônes permettent de soutenir le poids de l’animal, ce qui a pour conséquence un effet tranquillisant et une diminution de la tension exercée sur les pattes. Est-elle pratiquée dans beaucoup d’abattoirs du pays ? Il existe encore des abattoirs qui pratiquent l’électronarcose, soit par ignorance de la réglementation, soit par souci de productivité (la narcose permet un gain de temps appréciable dans la chaîne d’abattage), soit encore pour des motifs techniques : les chaînes d’abattage modernes sont pourvues de bacs fixes, difficiles à contourner ou à éliminer. L’utilisation de systèmes d’électronarcose par bain d’eau pour les poulets de chair devrait être éliminée progressivement et non de manière brutale, afin de permettre aux abattoirs de s’y conformer graduellement. Cette pratique comporte-t-elle un risque quelconque ? Le processus de narcose, s’il n’est pas bien contrôlé (tension, ampérage, etc.), peut engendrer des défauts de qualité des carcasses et de la viande. Il semblerait même que des paramètres électriques induisant un niveau d’inconscience optimal engendrent une dégradation de la qualité des produits, mais les données de la littérature sont encore assez contradictoires sur ce sujet. Les résultats de plusieurs études suggèrent qu’une amélioration du bien-être des animaux (diminution des comportements révélateurs de stress ou de souffrance) peut être compatible avec une amélioration de certains critères de qualité des carcasses. Les variations observées par d’autres auteurs ne sont donc probablement pas à relier avec les paramètres électriques de narcose mais plutôt avec l’organisation des chaînes d’abattage et les caractéristiques des animaux qui varient fortement entre lots étudiés. Les affaires religieuses ont interdit cette pratique par souci de prudence étant donné que la limite entre «l’évanouissement» du poulet et sa mort est réduite. Selon eux, cette pratique ne serait donc pas halal. Quel est votre avis d’expert ? Si les paramètres électriques cités plus haut sont correctement maîtrisés, l’électronarcose n’entraîne pas la mort de l’animal avant sa saignée. Celui-ci pourrait même reprendre totalement ses esprits quelques secondes plus tard s’il n’est pas abattu. La législation européenne impose des paramètres électriques précis pour chaque espèce animale, c’est-à-dire une puissance suffisamment forte pour rendre inconscient le sujet. En Algérie, ces paramètres ont été modifiés, car la décharge électrique ainsi obtenue, trop puissante (réglementation européenne), pouvait provoquer la mort. Selon les données de la littérature, il apparaît que l’inconscience est mieux garantie lorsque les fréquences appliquées sont inférieures à 200 Hz et l’intensité appliquée par animal supérieure à 120 mA, alors que la qualité des produits est meilleure lorsque les fréquences appliquées sont supérieures à 1000 Hz et l’intensité appliquée par animal inférieure à 100 mA. Le compromis entre ces valeurs doit donc toujours être recherché par tâtonnements, au cas par cas. Précisons qu’il est restrictif d’assimiler l’abattage rituel à l’abattage sans étourdissement préalable, car d’autres éléments doivent assurer le caractère rituel de l’acte ; la meilleure preuve en est l’existence d’une certification halal (en Allemagne, en France, et dans bien d’autres pays) alors que les animaux ont été étourdis avant l’abattage.   Y a-t-il un  risque sur la santé ? S’il s’agit ici de risques pour la consommation humaine, il n’en existe aucun, en dehors d’éventuels défauts organoleptiques, cités par certains auteurs mais contestés ou minimisés par d’autres, chacun y allant de ses arguments. Le seul débat véritable est donc strictement religieux et ne concerne pas les scientifiques. Que conseillez-vous aux abattoirs afin d’éviter tout doute possible ? Il est difficile de fournir des recommandations générales sur un sujet aussi délicat, étant donné qu’il dépend largement de la conception de chaque opérateur. Il n’est pas non plus possible d’indiquer une conduite à tenir face à une réglementation non compatible avec les systèmes d’abattage commerciaux. Pour cette raison, la réglementation algérienne interdisant cette pratique, les abattoirs sont simplement tenus de respecter celle-ci. Comme il n’existe actuellement aucun test scientifique pouvant déterminer s’il y a eu narcose avant la saignée, seules la conscience et la volonté individuelle des opérateurs (propriétaires et travailleurs) peuvent conduire à l’abandon ou pas de cette pratique, qu’on y adhère ou non. Il semble donc que l’épineux dossier de l’électronarcose n’est pas près d’être clos. Certains pensent qu’il faudrait laisser libre court à ces pratiques industrielles, mais qu’il faut exiger également, en tant que consommateurs, d’être informés de la nature exacte de l’abattage, ainsi que des pratiques associées au mode d’abattage, par un étiquetage explicite, qui laisserait le choix de consommer tel ou tel produit en connaissance de cause.  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire