Sous le titre «Inventer le modèle algérien de transferts monétaires directs» le think tank algérien Nabni a lancé, hier, une proposition déclinée en deux options pour régler la lancinante problématique des subventions. Tout en jugeant «légères» et «contradictoires» les dispositions prises par le gouvernement, Nabni estime qu’il est plus qu’urgent de traiter plus sérieusement le problème des subventions. «Le manque de transparence et les annonces contradictoires faites par le gouvernement sur ce dossier reflètent indéniablement un manque de préparation et d’appropriation de cette réforme. Tout laisse à croise que les autorités n’ont pas pris la mesure de l’étendue de ce type de chantier qui, dans un pays comme le Brésil ou le Mexique, a constitué le projet social phare de plusieurs mandatures présidentielles. Ce projet ne peut se réduire à des actions d’un ministère de la Solidarité et de la Famille, d’une agence (ADS) ou d’une direction du ministère des Finances. C’est un projet d’envergure nationale qui va demander une mobilisation exceptionnelle de l’administration ainsi qu’un appui politique au plus haut niveau», indique le think tank dans son projet de proposition qu’il soumet au débat. Ce projet se décline donc en deux alternatives distinctes mais complémentaires, à savoir un ciblage progressif ou appliquer le système de revenu universel. La première option, qui consiste en un ciblage progressif de tous les ménages, déclarant sur l’honneur et sans aucun autre justificatif, avoir un revenu inférieur à 60 000 DA. Cette solution permettrait de «bâtir un système de ciblage fiable (de 5 à 10 ans), en couvrant d’entrée, sans exclusion arbitraire, la quasi-totalité des démunis», indique le document de Nabni, en notant que progressivement seront exclus les indus bénéficiaires, et ce, à mesure que se développera un système d’information fiable pour les identifier. Le ciblage progressif permet de couvrir 4 millions de ménages pour un coût d’environ 2,4% du PIB pour un transfert mensuel moyen de 12 000 DA par ménage et cela pourrait s’élever à 15 000 DA pour les ménages de plus de 9 membres. L’autre option, qui se présente à une situation comme celle de l’Algérie et expérimentée ailleurs, notamment en Iran, est, selon Nabni, le système de revenu universel individuel, c'est-à-dire offrir un revenu mensuel pour chaque individu sans exclusion et éviter ainsi les erreurs de ciblage. Les deux options ne coûteront pas plus de 5% du PIB Même si elle est plus coûteuse que la première option, 5,5% du PIB, elle «serait mieux acceptée par la population, car elle n’exclurait que les plus riches et compenserait rapidement 90% de la population pour un transfert mensuel de 2000 DA par individu (1200 DA pour les enfants de moins de 15 ans et 2400 pour les plus de 15 ans». «Accepter de donner à des personnes qui n’en ont pas besoin est mieux que de risquer d’exclure les vrais nécessiteux», estime Mabrouk Aib de Nabni en notant que quelle que soit l’option choisie, elle permettra un allégement important du portefeuille des subventions qui s’établit aujourd’hui à pas moins de 13% du PIB, soit 23 milliards de dollars. «La finalité de notre proposition est de réduire les inégalités et accompagner une levée des subventions» qui sera beaucoup plus facile à assumer économiquement, politiquement et aussi sur le plan social. Il s’agit, selon les initiateurs de ce projet, d’offrir une voie de sortie honorable d’un système de subventions des produits qui a profité à tout le monde et pas nécessairement aux plus nécessiteux et d’arriver graduellement à instaurer un système de transfert de subvention de manière directe et plus juste. Pour les experts de Nabni, il est primordial qu’une telle démarche (subvention directe) soit accompagnée par une révision du système fiscal qui se devra lui aussi d’être plus juste. «C’est toute l’architecture du système de redistribution sociale de l’Etat algérien qui sera affectée et il s’agit de construire la colonne vertébrale du nouveau système de redistribution», indique Nabni, en notant que l’approche actuelle du gouvernement et la communication autour de cette réforme indiquent clairement que le projet est loin d’avoir reçu ce statut. «Nous appelons le gouvernement à ouvrir le débat à une consultation nationale sur la question de la réforme des subventions et de notre modèle de redistribution sociale.» Nabni considère qu’il est urgent d’agir avant d’arriver à une situation où la levée des subventions nous sera imposée sans avoir la possibilité de parer aux risques sociaux que cela pourrait engendrer. «Le modèle envisagé par le gouvernement, à travers un transfert monétaire dans une wilaya pilote à partir de 2019, est importé de pays beaucoup plus inégalitaires que le nôtre, où les transferts sociaux ne bénéficient qu’à une frange limitée de la population», affirme Nabni, en estimant une marge de 30 à 40% d’exclusion de vrais nécessiteux. Le think tank plaide pour un système adapté à notre tradition de système social égalitaire, car plus on essaye de filtrer, plus on risque d’éliminer des pauvres, d’où le choix du modèle déclaratif.
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