mardi 28 juillet 2015

Sécurité du site résidentiel : Que s’est-il passé à Zéralda ?

Que s’est-il passé à Zéralda pour que le Président décide de faire le «ménage» avant même le mouvement dans les rangs de l’armée, prévu avant les vacances ? Y a-t-il eu incursion dans la résidence présidentielle ou s’agit-il d’un scénario monté de toutes pièces pour régler des comptes ?
Des questions qui se posent lourdement en l’absence de toute information officielle sur le limogeage surprenant et inexpliqué du chef de la Garde républicaine, le général-major Ahmed Mouley Melliani, du responsable de la Direction générale de la sécurité et de la protection présidentielle (DSPP), le général-major Djamel Kehal Medjdoub, ainsi que du patron de la Direction de la sécurité intérieure, le général-major Ali Bendaoud. Quelques jours après ces décisions, l’énigme reste entière.

De nombreuses versions des faits sont avancées par des sources sécuritaires informées. Les deux premières explications font état d’«une défaillance dans le système de protection de la résidence présidentielle située à Zéralda, à l’aube de la journée du 16 juillet dernier.

Des individus armés auraient tenté d’y pénétrer, suscitant la riposte de la Garde républicaine», explique un de nos interlocuteurs, alors qu’un autre reste plus prudent et précise : «En fait les intrus n’étaient pas armés. Il s’agit d’un groupe de jeunes de la région qui ont pour habitude de veiller dans cette forêt qui entoure la résidence.

Cette nuit-là, ils ont franchi le périmètre de sécurité et ont réussi à escalader le mur d’enceinte, suscitant la réaction des gardes qui, dans un mouvement de panique, ont commencé à tirer dans tous les sens. Une bévue très mal perçue par les locataires de la Présidence, qui ont décidé de sanctionner les responsables de la garde et de la protection présidentielle.»

Ces versions ont été largement évoquées par les sites électroniques et les journaux arabophones qui ont annoncé en primeur le limogeage des deux généraux-majors pour «négligence et manque de performance».


BRUITS ET CHUCHOTEMENTS

L’information a fait le tour du pays, créant un climat de tension en raison des inquiétudes qu’elle a suscitées non pas parce qu’il s’agit du départ d’officiers supérieurs, mais plutôt par cette supposée attaque contre une résidence de la présidence de la République.

Pourtant d’autres sources – de hauts gradés de l’armée – avancent une autre thèse, aussi plausible que logique : «Il n’y a jamais eu d’incident à Zéralda. Tout a été inventé pour manipuler l’opinion publique, lui faire croire à un attentat contre la résidence d’Etat et justifier par la suite le limogeage d’au moins deux des responsables de la sécurité présidentielle.

Ceux qui ont pris ces décisions auraient pu le faire dans le cadre du mouvement prévu incessamment dans les rangs de l’armée. Jeter ces cadres en pâture est une erreur grave. La famille du général-major Medjdoub n’a pas tort de dénoncer publiquement ce qui s’est passé. Elle a appris le limogeage comme tout le monde, par le biais d’une chaîne de télévision. Est-ce normal ? »

Nos interlocuteurs s’interrogent sur les raisons qui ont poussé la Présidence à mettre fin, dans les mêmes conditions, aux fonctions du directeur de la sécurité intérieure, le général-major Ali Bendaoud.

Il avait été rappelé de son poste à Paris, en 2013, pour remplacer le général Bachir Tartag, «récupéré» comme conseiller à la Présidence. «D’après ceux qui l’ont approché, Bendaoud est connu comme un homme du contre-espionnage, qui a passé une grande partie de sa carrière à l’étranger.

Sa nomination à la tête de la sécurité intérieure était une surprise. Certains n’hésitent pas à faire le lien avec sa relation familiale avec le Premier ministre, mais aussi avec les services rendus à la famille Bouteflika, lors de la longue hospitalisation du Président au Val-de-Grâce, en France. Même si son nom était sur la liste des partants depuis quelques semaines, rien n’indiquait qu’il allait partir dans ces conditions, pour être remplacé par le colonel Abdelaziz, un officier de terrain», expliquent nos sources.

Celles-ci se demandent si «l’incident» de Zéralda «n’a pas été inventé pour permettre au Président, ou plutôt à son frère, d’opérer des purges au sein du cercle le plus proche de sa protection et installer d’autres personnes plus fiables, en raison des craintes liées à la succession».

Des interrogations légitimes lorsque l’on sait que le tout frais décoré du grade de général-major de corps d’armée Benali Benali vient d’être installé à la tête de la Garde républicaine, un corps qui dépend administrativement de la Présidence et militairement de l’état-major de l’ANP, alors qu’il était rattaché, il y a quelques années seulement à la Gendarmerie nationale.

Benali Benali était à la tête de la 5e Région militaire poste qu’il a laissé au général-major Athamnia, chef de la 6e Région militaire qui, lui, a été remplacé par son adjoint, le général Souab (qui a perdu son épouse et sa fille lors du crash de l’avion militaire à Batna).

«THÉORIE DU COMPLOT»

Pour nos sources, la désignation de cet octogénaire à la tête d’une force d’élite laisse perplexe, sans toutefois écarter «l’éventualité d’une propulsion à moyen terme au poste supérieur de chef d’état-major de l’ANP, étant donné qu’avec le grade qu’il vient d’arracher, il devient un concurrent direct au premier patron de l’état-major, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, grillant ainsi toutes les chances du commandant des forces terrestres, le général-major Tafer, d’arriver à cette consécration, comme cela a été le cas pour ses prédécesseurs».

En tout état de cause, les déclarations de nos sources convergent vers «la théorie du complot» que les locataires d’El Mouradia veulent faire croire à l’opinion publique, en réaction à une menace probable sur leur règne. «Les trois gradés de l’armée limogés sont tous considérés comme des alliés du patron du DRS. Raison pour laquelle ils ont été écartés. Est-ce le début de la fin ? Nous n’en savons rien.

Ce qui est certain, c’est que le clan présidentiel est en train de renforcer ses positions, quitte à sacrifier ses alliés d’hier.

Les questions qui restent posées sont de savoir si, effectivement, nous sommes arrivés au début de la fin d’un règne, sommes-nous en train de vivre une bataille rangée pour la succession sur un terrain où chacun des deux clans veut placer ses hommes de confiance.

Dans les deux cas, cette guerre des tranchées fait très mal à l’Algérie et surtout à ses enfants les plus dévoués, qui ont sacrifié leur vie pour que le pays reste debout», conclut, amer, un de nos interlocuteurs.

Le désormais «incident» de Zéralda a bloqué le mouvement dans les rangs de l’ANP, qui devait avoir lieu avant les vacances d’été.
Les dernières promotions dans le grade et les départs à la retraite sont, depuis début de juillet, sur la table et n’attendent que le feu vert pour être annoncées. Rien à l’horizon, la visibilité est totalement absente.

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