Les dernières sanctions prises à l’encontre des gestionnaires d’un établissement public à Constantine et les décisions de fermeture de cliniques privées dans l’Algérois devraient être suivies d’autres mesures sur le territoire national.
D’autres sanctions tomberont dans les 48 heures… au plus tard mercredi», a déclaré Abdelmalek Boudiaf, samedi dernier à partir de Constantine, où il a ordonné la fermeture du service de gynécologie-obstétrique du CHU Ben Badis et l’envoi de commissions d’enquête à la clinique du rein de Daksi. Le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière l’a affirmé haut et fort, il a déclaré la guerre «aux pratiques iniques et non professionnelles» qui gangrènent son secteur.
Si le premier coup donné dans cette fourmilière est parti de Constantine, le 25 juillet, le message est une flèche décochée à l’endroit de l’ensemble des acteurs, gestionnaires et personnels du secteur de la santé, toujours à la traîne en dépit des investissements qui y sont injectés régulièrement. Le cas de Constantine est sûrement un cas de «jurisprudence», un exemple dans un secteur aux multiples carences et dysfonctionnements que l’actuel ministre de tutelle ne connaît que trop.
Abdelmalek Sellal était aux commandes de la wilaya de Constantine jusqu’en octobre 2009. Durant son mandat de wali, il a eu le temps et la latitude de saisir les rouages de ce secteur, particulièrement la situation prévalant au CHU Ben Badis. Ce coup d’éclat a été applaudi à travers l’ensemble du territoire car la situation est partout pareille. La société est prise à témoin et en est ravie. A Constantine, elle a exprimé son soulagement, car depuis des années, les citoyens dénoncent les traitements subis par les malades et les parturientes au CHU ou dans d’autres structures.
Un ancien et éminent professeur au CHU avait déclaré lors d’une conférence de presse que «l’Algérien vit dans un pays du Tiers-Monde et quand il arrive au CHU, il voudrait se retrouver en Suisse». Cette phrase qui date d’il y a quinze ans traduit l’état de la santé à l’époque, et qui n’a pas beaucoup évolué depuis. Le ministère de la Santé s’attaque aujourd’hui à ce secteur pour l’apurer et le canaliser dans sa mission première. Un premier pas, mais il reste beaucoup à faire.
Cliniques et établissements privés
Il y a quelques semaines, la tutelle a ouvert le dossier des cliniques privées. Plusieurs de ces structures médicales ayant pignon sur rue se sont éloignées de leur vocation tant l’aspect mercantile a pris le pas sur l’intérêt humain. En ce mois de juillet, sept cliniques privées sont sous le coup d’une fermeture à travers le territoire national, conséquence des rapports établis par les150 agents chargés d’une large opération d’inspection. Rien qu’à Alger, la décision de fermeture a concerné 20 établissements privés.
M. Boudiaf a expliqué que «la plupart des mesures qui seront prises œuvreront à réguler l’activité des cliniques pour qu’elles soient soumises aux lois en vigueur, en conformité avec les cahiers des charges». Il faut dire que plusieurs anomalies sont constatées dans les établissements hospitaliers privés, dont l’absence de retour d’informations sur l’activité, l’extension de l’activité à des spécialités pour lesquelles elles n’ont pas d’autorisation, les transformations architecturales opérées sans autorisation… et la plupart des cliniques fonctionnent avec le personnel du secteur public.
Le tour, aujourd’hui, est au secteur public. «Le jeu est terminé», a menacé Boudiaf depuis Constantine. Et d’affirmer : «Que ceux qui ne veulent pas travailler partent, l’heure est à la décantation», brandissant la notion de décentralisation «pour que les responsables aient les coudées franches et puissent agir».
Hygiène, Insécurité et temps complémentaire
Les contraintes entravant le bon déroulement des services hospitaliers –notamment les urgences ou règnent l’insécurité, le manque de moyens humains et matériels de nettoyage, seraient en théorie aplanies. Désormais, les structures médicales ont carte blanche pour recourir aux entreprises privées.
Le ministre qui a autorisé la construction du premier hôpital privé en Algérie balise ainsi la voie à l’introduction du privé dans l’hôpital public. Quel que soit l’apport des sociétés de nettoyage ou de gardiennage, c’est aussi là le signe d’un désengagement de l’Etat, comme c’est le cas dans d’autres secteurs à la lumière de la conjoncture austère que traverse le pays. L’avertissement est aussi adressé aux gestionnaires. Plus de navigation à vue et davantage d’immersion dans les problèmes des administrés. Ainsi, walis et directeurs de la santé sont pointés du doigt, appelés à faire bouger les lignes et annihiler la léthargie.
Leur implication effective dans la santé ne devrait plus être une vue de l’esprit. Un autre point à gommer des annales des structures médicales : le fameux temps complémentaire accordé au personnel médical, médecins et professeurs, pour exercer dans le privé les week-ends et les jours fériés. Cet avantage ou privilège que la tutelle a autorisé à hauteur d’un certains nombre d’heures est remis en cause. «J’arrête le temps complémentaire», a tranché Boudiaf.
Le bilan de cette expérience, malheureuse ou heureuse selon où l’on se situe, a largement porté préjudice à la santé publique et à ses bénéficiaires. L’Etat a été abusé par cette procédure qui a contribué à la mauvaise prise en charge du malade et a perverti le fonctionnement normal de l’hôpital. Ce chapelet de décisions se complétera dès ce mercredi par une série de sanctions que le ministre voudrait exemplaires. Des «têtes» tomberont à Constantine dans les heures qui viennent et ce sera peut-être le début de l’incurie dans ce secteur vital.
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