L ’Office national de météorologie (ONM) a annoncé hier la canicule dans le sud du pays pour les prochaines 72 heures.
Un bulletin météo spécial (BMS) a, en effet, prévu des températures caniculaires qui pourraient dépasser les 48°C hier et aujourd’hui, notamment à Tindouf, Adrar et la partie nord de la wilaya de Tamanrasset (In Salah), marquant cette journée historique, particulièrement chaude et voilée d’un vent de sable qui a sensiblement réduit la visibilité, par l’installation dans ses nouvelles fonctions du nouveau wali délégué de cette wilaya nouvellement promu, en présence du ministre de l’Intérieur.
Le BMS, qui ne concerne visiblement que ces localités au moment où plus de 80% du pays sont plongés dans une hausse vertigineuse des températures ces derniers jours, est généralement accompagné par les conseils d’usage donnés par une animatrice à la voix affable, rappelant que les services de la Protection civile invitent «les citoyens, particulièrement les personnes âgées et les malades chroniques, à faire preuve de prudence et d’ éviter de sortir pendant les moments forts de la journée, s’hydrater en buvant beaucoup d’eau et… éviter de s’exposer au soleil». Comme si on pouvait éviter les morsures du soleil au Sahara.
Admirable résistance
Mais revenons à la réalité. Flash-back sur la localité de Bour El Haïcha, à 7 km de Ouargla. Nous sommes le 22 juillet 2013, une chaleur suffocante s’est abattue sur les lieux. Les rayons d’un soleil torride égrènent la journée qui commence décidément mal, tournant vite au drame. Il est à peine 10h, quatre enfants décident de ne plus jouer dans la rue et conviennent de se rendre au puits agricole situé 600 m plus loin. Là-bas, une eau rafraîchissante les attend. Ces enfants ont décidé de se baigner dans les eaux d’irrigation pour échapper à la canicule.
Deux d’entre eux, Abdelbasset et Mohamed Tayeb Merini, ne reviendront pas.
Après avoir barboté pendant une demi-heure, Abdelbasset n’arrive plus à maintenir sa tête hors de l’eau. Son cousin qui tente de le sauver sombrera avec lui au fond du puits agricole, sous les regards médusés de leurs camarades qui courront appeler à l’aide. Les corps des deux bambins seront repêchés par les secours peu après, plongeant la localité dans le deuil.
Des cas similaires sont enregistrés chaque année à travers le pays. Ainsi pourrait commencer le récit de ce reportage censé témoigner d’une tranche de vie sous la canicule d’une région saharienne.
Chaque mois de juillet, au beau milieu de l’été, les bulletins météorologiques officiels parlent à peine de 48°C. Des températures à l’ombre qui ne semblent susciter aucune réaction tant on a tendance à penser qu’il s’agit de températures saisonnières normales.
Des températures qui, à l’extérieur, dans la vraie vie, frôlent voire dépassent allégrement les 55°C sous le soleil. Les habitants sont pourtant là, vaquant à des occupations normales, se faisant une raison dans une admirable résistance au quotidien, une adaptation de tous les jours à des chaleurs extrêmes.
Au même moment, des personnes meurent de déshydratation dans des coins reculés. Ce fut le cas de deux travailleurs algériens d’une société étrangère basée à Hassi Messaoud, morts de déshydratation dans le désert de la daïra pétrolière et frontalière d’El Borma, à 400 km de Hassi Messaoud.
Les corps sans vie des victimes ont été retrouvés le 8 juillet 2014 par les éléments de la Protection civile, alors qu’ils étaient recherchés depuis deux jours. Ils étaient respectivement à 5 et 10 km de leur véhicule, perdus dans le désert, sans doute à la recherche d’une piste, d’un puits, d’une âme qui vive.
Cela s’est passé l’année dernière alors qu’on avait encore décrété des températures saisonnières normales et qu’aucune mesure particulière n’accompagnait cette montée vertigineuse du mercure qui, sous d’autres cieux, aurait suscité un peu plus d’entrain des autorités, des instances sanitaires et sécuritaires, voire un plan Orsec adapté.
Bassins pour bambins
Les choses ont-elles changé pour autant cette année ? On a envie de dire oui. Les conditions climatiques étant ce qu’elles sont. Des efforts sont consentis chaque année par le détenteur du monopole du réseau électrique du pays pour améliorer la qualité et la continuité de la distribution de cette énergie, vitale en été à travers le pays. Exit les délestages impromptus des dernières années qui suscitaient des flambées de violence çà et là. Exit les longues gueïla sans air conditionné alors qu’on habite un appartement en béton armé non adapté au climat saharien ni au cachet du Sud d’à peine 67 m2, perché entre ciel et terre.
Ce qui a vraiment changé depuis quelques années et qu’on a tendance à ne pas souligner assez, ce sont les investissements consentis pour implanter de nouveaux postes transformateurs dans les quartiers défavorisés ou rénover ces derniers en fonction du boom démographique.
La chaleur n’a certes pas diminué, elle a même décuplé avec les derniers changements climatiques à travers le monde, mais la possibilité pour une frange de plus en plus importante des habitants du Sud de profiter du confort d’un humidificateur, d’un climatiseur ou d’un ventilateur ont radicalement changé la donne.
Ce qui n’a en revanche pas changé dans cette immensité saharienne où on a deux saisons distinctes de 6 mois chacune, ce sont les autres moyens de rendre l’été plus supportable et moins mortel pour les personnes vulnérables citées dans les BMS, à commencer par les enfants.
Il est déplorable de constater qu’en 2015, l’on continue à privilégier les grands complexes sportifs fermés et non climatisés, les piscines semi-olympiques, voire olympiques dans les grands centres urbains, alors que les enfants assoiffés d’eau en plein canicule seraient tout à fait heureux de barboter dans un petit bassin de natation de proximité, puisque le concept existe.
Le sud du pays gagnerait à troquer ses terrains de jeu infréquentables la moitié de l’année contre ces petites piscines salvatrices.
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