mardi 1 décembre 2015

Colère, coups et grabuge à l’APN

Les députés de la majorité (FLN et RND) étaient tous présents et ont rejoint dès la première sonnerie la plénière, alors que les élus de l’opposition (PT, FFS, Alliance de l’Algérie verte, El Adala et Parti de la construction nationale) ont décidé d’exprimer leur mécontentement et leur rejet du «projet de la honte». Jamais dans les annales de la législature pluraliste, un projet de loi de finances n’a suscité autant de polémique et de colère. Hier, c’était la bagarre et la cacophonie à l’hémicycle Zighout Youcef. Des députés en sont arrivés aux mains. La séance était houleuse du début jusqu’à la fin. Il est 10h30 lorsque la cloche sonne le début des travaux de vote autour du projet de loi de finances 2016. Les députés de la majorité (FLN et RND) sont tous présents et rejoignent dès la première sonnerie la plénière, alors que les élus de l’opposition (PT, FFS, Alliance de l’Algérie verte, El Adala et Parti de la construction nationale) ont décidé d’exprimer leur mécontentement et leur rejet du «projet de la honte». Unis, ils ont d’abord improvisé une marche, arpentant les couloirs de l’Assemblée nationale en brandissant des affiches où l’on pouvait lire «Ministres oligarques dégagez», «Touche pas à mon Etat social», «Non à la spoliation de l’argent du peuple», «L’argent pour eux, misère pour le peuple», «Non à la privatisation de l’Etat». Les contestataires ont scandé également des slogans hostiles au gouvernement : «Honte, honte, ils ont vendu l’Algérie au dinar symbolique», «Algérie libre et démocratique». Déterminés à bloquer le projet et à dénoncer la mainmise des hommes d’affaires sur les décisions politiques et économiques, les députés de l’opposition rejoignent la plénière. Les travaux débutent avec une heure de retard. Djelloul Djoudi, député du PT, réclame un point d’ordre. Larbi Ould Khelifa l’ignore et invite le rapporteur de la commission des finances à la tribune pour lire le rapport complémentaire du projet de loi de finances 2016. Une réaction qui a soulevé l’ire du PT et de tous les partis de l’opposition. L’attitude de M. Ould Khelifa et son indifférence pousse les députés à envahir la tribune pour imposer le point d’ordre. Insultes et quolibets Les députés du FFS n’étaient pas en reste : ils ont envahi le bureau du président de l’APN et se sont alignés derrière Ould Khelifa avec des affiches et un immense emblème national. La situation s’embrase. Les députés FLN quittent leurs sièges pour rejoindre eux aussi le bas du pupitre. Les altercations verbales tournent aux affrontements physiques entre députés du PT et du FLN. Djemaï, chef du groupe parlementaire du vieux parti, agresse une députée du PT. La tribune se transforme en ring. Ould Khelifa ne bouge pas et les membres du gouvernement sont imperturbables, à l’exception du ministre de la Jeunesseet des Sports, Ould Ali, qui se sent obligé de réagir par l’insulte. Le député Taâzibt, drapé de l’emblème national, lui réplique. La situation aurait pu dégénérer si ce n’était l’intervention des agents de l’APN. Ould Khelifa intervient enfin et accorde le point d’ordre au PT. Djoudi prend la parole et s’exprime au nom des députés de l’opposition. Il dénonce les dispositions contenues dans la loi de finances et la falsification du rapport de la commission par le président du groupe parlementaire FLN : «Les amendements apportés et approuvés par la commission ne sont pas transcrits dans le rapport. Il y a eu fraude et trafic.» Taâzibt intervient et s’interroge sur l’absence du ministre de l’Industrie M. Bouchouareb, qui est, selon lui, l’instigateur de ce projet. Taâzibt l’accuse de «servir l’oligarchie» et explique que son parti n’a de problème ni avec les députés du FLN ni avec certains ministres. «Notre seul problème, ce sont les ministres oligarques qui servent les intérêts de groupes», lance le député. Intervenant à plusieurs reprises pour apporter des propositions d’amendement, Taâzibt profite de la tribune pour exprimer tout le mépris qu’il voue à ceux qui veulent vendre l’Algérie au dinar symbolique. Il ne rate pas l’occasion de tirer sur le ministre de la Jeunesse et des Sports qu’il traite de «Kabyle de service». Texte «coup d’état» «Vous savez ce que ce ministre m’a dit en signe de défiance : je suis un bandit faisant partie d’un Exécutif de bandits. C’est très grave venant d’un ministre de la République. Nous avons enregistré ses déclarations», s’offusque Taâzibt. Lui emboîtant le pas, Nadia Chouitem, du même parti, lance a M. Ould Ali : «Honte à vous Monsieur le ministre !» Le président de l’APN intervient et réplique, en signe de solidarité avec le ministre de la Jeunesse et des Sports : «C’est un bandit d’honneur !» Le PT a qualifié le texte de la PLF 2016 de «coup d’Etat contre l’Etat algérien» et appelle le président Bouteflika à bloquer le projet. Youcef Khababa et Lakhdar Benkhalef de l’Alliance pour l’Algérie verte se sont élevés contre le bradage du marché national. Pour eux, ce projet vise à sanctionner le peuple. Les députés FFS, PT et AAV ont dénoncé le comportement et «les agissements de gangsters» de certains ministres. Ils ont chahuté la séance en entonnant les chants patriotiques Min Djibalina et Qassaman. Chafaa Bouaiche, président du groupe parlementaire FFS, affirme qu’«aujourd’hui, nous avons assisté à la plus haute trahison du sang des martyrs de notre glorieuse Révolution à l’intérieur d’une Assemblée gérée par une mafia au service d’une oligarchie. Des mafieux qui ont réussi à occuper des postes importants au niveau de l’APN et sont devenus des représentants d’un gouvernement et des hommes d’affaires». Le député FFS a rejeté le projet car «il est antisocial et surtout antinational». Il est 15h. Le ministre des Finances intervient pour introduire un amendement oral. Cette façon de faire irrite l’opposition qui quitte l’hémicycle et improvise une manifestation à l’extérieur de l’APN, bloquant ainsi la circulation. Au milieu d’un important dispositif de sécurité, les députés scandent des slogans hostiles au gouvernement tout en critiquant le projet de loi de finances, dénonçant les privatisations et les oligarques.  

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