lundi 28 décembre 2015

Les constantes de Hocine Aït Ahmed

Hocine Aït Ahmed a été le premier à appeler à la réconciliation nationale, mais pas dans la forme choisie par le président Bouteflika en 2005. Espoir», «dialogue», «paix», «réconciliation», «liberté»… ce sont les quelques principes qui ont guidé, tout au long de son parcours, le révolutionnaire et le plus vieil opposant au régime en place depuis 1962, Hocine Aït Ahmed. Ceux qui l’ont connu en témoignent et ses prises de positions durant les événements majeurs qu’a traversés le pays le confirment. Durant les 25 dernières années, notamment, Hocine Aït Ahmed s’est distingué, malgré la diabolisation dont il a fait l’objet de la part des tenants du pouvoir, par ses analyses de la situation politique nationale et ses propositions qui se sont, toujours, avérées justes. En effet, l’homme a toujours refusé de s’engouffrer dans l’un ou l’autre clan et tenu à prendre des positions basées sur ses propres convictions. C’est ainsi qu’il a brandi, dès 1992, son slogan «ni Etat intégriste ni Etat policier» pour se démarquer des deux ailes qui s’affrontaient à l’époque, en l’occurrence le pouvoir et les islamistes du FIS. Hocine Aït Ahmed s’est opposé à l’arrêt du processus électoral, tout en mettant en garde les responsables de FIS contre «toute décision suicidaire et aventureuse». «L’un des soucis qui nous a préoccupés lorsque nous avons appris le coup d’Etat, c’est comment va réagir la rue, comment vont réagir les quartiers populaires, comment va réagir le FIS. Notre souhait est que le FIS respecte la paix civile et qu’il ne prenne aucune décision suicidaire et aventureuse», déclarait-il sur la chaîne française France 3, le 11 janvier 1992. Tout en condamnant l’arrêt du processus électoral, le leader du FFS affirmait que «l’espoir était toujours de mise» et qu’«une troisième voie algérienne vers la démocratie existe». «La manifestation que j’ai organisée le 2 janvier, avec son immense succès, est une voie algérienne vers la démocratie. C’est la voie qui s’est débarrassée de la peur : la peur du FIS, la peur de l’armée, la peur des pénuries. Il fallait redonner l’espoir et c’était dans cette voie-là qu’il fallait s’engager», affirmait-il dans la même déclaration. «Ce qui m’importe, ce sont les souffrances des Algériens» Qualifiant l’interruption du processus électoral d’«erreur», Hocine Aït Ahmed reprochait au pouvoir de l’époque «d’avoir fait le jeu des intégristes en décrédibilisant la démocratie». «Les intégristes représentent à peine 23% des électeurs, ce n’est pas la République iranienne», ajoutait-il. Le «zaïm» s’est également illustré durant la même période par son refus de cautionner les pratiques du pouvoir à l’époque en accédant à la présidence de la République que lui a proposée Khaled Nezzar. «Moi, j’ai mes convictions. Ce qui m’importe, ce sont les souffrances du peuple algérien», lançait-il lors d’une rencontre-débat. Sa quête d’une solution politique à la crise l’amena à se démarquer de toutes les kermesses du pouvoir. Parmi elles, il y avait la fameuse conférence nationale de 1994 qu’il qualifie de «réunion stalinienne». «Il n’y a pas eu de contact à propos du HCE. C’est nous qui avons pris les initiatives du dialogue. Et lorsqu’ils ont voulu organiser une conférence nationale le 5 juillet 1994, on m’a envoyé le général Touati. J’avais dit qu’on ne pouvait pas parler de conférence nationale parce que l’ordre du jour était arrêté puisque les interlocuteurs étaient choisis. C’est une réunion stalinienne», expliquait-il dans une interview accordée à El Watan en 1999. Principal artisan de la réunion de Sant’Egidio qui s’est soldée par la signature du Contrat de Rome en 1995, Hocine Aït Ahmed avait loué le mérite de cette rencontre. «Le mérite du contrat national est qu’il a fait des partis islamistes des interlocuteurs publics», déclara-t-il. L’autre question sur laquelle Hocine Aït Ahmed avait également été intransigeant est celle de la transparence des élections. «Le suffrage universel n’existe pas en Algérie. Tout est trafiqué. C’est l’administration qui fait tout», rétorquait-il pour expliquer son boycott d’un nombre de scrutins, dont la présidentielle de 1995 et les législatives de 2002 et 2007. «C’est aux dirigeants de plaire à leurs peuples et non le contraire» L’homme s’est également retiré, en compagnie de cinq autres candidats, de la course à la présidence en 1999 pour cette raison. Hocine Aït Ahmed était aussi le premier à appeler à la réconciliation nationale, mais pas dans la forme choisie par le président Bouteflika en 2005. «Depuis l’interruption du processus électoral en 1992, nous n’avons cessé d’appeler à la paix. Je m’étais dit que la campagne électorale devrait se concentrer sur la paix et la réconciliation», déclarait-il durant la campagne électorale pour la présidentielle de 1999. En 2011, dans la foulée des révoltes arabes, le dernier des historiques avait relevé un fait : «le retour du mot liberté», dans une région où «l’asservissement des consciences» était à son paroxysme. «La première et la plus formidable victoire de ce soulèvement des sociétés est d’abord dans l’affirmation d’une idée jusque-là interdite : c’est aux dirigeants de plaire à leurs peuples et non le contraire», avait-il lancé. L’homme tire aujourd’hui sa révérence sans renier aucune de «ses constantes» qui ont fait de lui un dirigeant politique exceptionnel.              

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