Figure intellectuelle et militante engagée en faveur du féminisme, la sociologue marocaine Fatima Mernissi est décédée, hier à Rabat, à l’âge de 75 ans. Avec sa disparition, c’est tout le Maghreb et même au-delà qui fait des adieux à une femme qui, pendant des années, a incarné avec courage un combat pour l’émancipation des femmes dans une société dominée par le patriarcat. D’abord à travers l’enseignement et l’écriture, puis l’engagement social en s’impliquant directement dans l’émergence d’une société civile militante. Ecrivain prolifique, Fatima Mernissi s'attaque de front à la déconstruction du patriarcat qui s’inspire de la pensée musulmane. Ses livres au retentissement international suscitent polémique et controverse dans son pays. Elle est devenue, aux fils d’essais et de romans, une figure incontournable dans le paysage intellectuel méditerranéen, mais aussi et surtout une femme «à abattre» pour les milieux islamo-conservateurs. La parution de son livre Le harem politique : le Prophète et les femmes, en 1987, a provoqué de vives indignations chez les islamistes et les tenants de l’ordre archaïque. Violemment attaquée, la sociologue ne se laisse pas aller à la résignation. Elle poursuit son engagement intellectuel et civique dans une région à forte dominance tarditionnaliste. Elle persiste et signe encore des livres à contre courant d’une société bloquée par une conception rétrograde de la religion. Sultanes oubliées : femmes chefs d'Etat en islam (1990), Le Monde n’est pas un harem (1991), La Peur-Modernité : conflit islam-démocratie (1992), Rêves de femmes : une enfance au harem (1997) sont, entre autres, des manifestes pour la liberté des femmes, la démocratie. Des réflexions profondes sur la société prise en otage par des «courants de pensée» ultraréactionnaires. A travers ses livres, elle mène un travail sur l’histoire et la place des femmes dans l’histoire de l’islam et du temps du Prophète. Sexe, idéologie, islam publié en 1985 reste son livre le plus lu. Il a marqué le point de départ du long combat d’une femme qui a décidé d’en découdre avec un système de pensée suranné. A Rabat, elle obtient une bourse pour la prestigieuse Sorbonne, elle poursuit son parcours universitaire à Massachusetts d'où elle sort avec une thèse de doctorat en sociologie en 1974 sous le titre annonciateur de Au-delà du voile. Son engagement intellectuel a vite rencontré une envie de s’impliquer dans le combat citoyen. Amie des prisonniers politiques, des militants des droits de l’homme, Fatima Mernissi incarnait dans sa vie ce que doit être le rôle de la femme. «Très grosse perte nationale : la grande Fatima Mernissi, sociologue, écrivaine, chercheure est décédée ce matin», regrette le militant marocain Fouad Abdelmoumni. C’est une perte pour le Maghreb qui a tant besoin d’intellectuels de la trempe de Fatima Mernissi en ces temps de rétrécissement du champ des penseurs libres
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