M ercredi, 23 décembre 2015, c’est la veille du Mawlid Ennabawi, j’écoute une chanson de Mohamed Abdelwaheb Menghir lih (Sans raison). J’apprends la mort de Si L’Hocine. Elle était pressentie, mais le choc est dur, j’eus un sanglot qui dans ma gorge. Aït Ahmed, le dernier des grands révolutionnaire, venait de s’éteindre. Encore sonné par cette nouvelle, des souvenirs défilent à toute vitesse dans ma tête. Son visage calme et reposant, sa parole douce et apaisante, ses propos clairs sans cette langue de bois qui cadenasse le discours des dirigeants politiques le distinguaient des bavards du sérail. A son retour en Algérie après les émeutes d’Octobre 1988 et le massacre incompréhensible de certains d’entre eux (des jeunes), l’Algérie entrait dans une guerre civile qui allait, durant dix ans, défigurer la morphologie de la société. Lors de son retour au pays, je l’avais rencontré plusieurs fois avec des amis de mon âge (la quarantaine) qui formaient son staff politique. Préparer les élections, les premières censées être libres, était le sujet principal. Il savait écouter et ses remarques et conseils étaient proposés avec beaucoup de douceur. Il était à l’opposé de ces donneurs de leçon que leur narcissisme avait rendu sourds à l’histoire, qui avançait à toute allure et les magouilles des dirigeants loin de s’atténuer s’étaient déchaînées dans le sérail. Pendant ce temps, légalisé, malgré la loi, le FIS occupait la rue. Le contenir devenait impossible et les élections lui donnèrent la majorité. Elles seront rapidement suivies d’un «coup d’Etat», le troisième depuis l’indépendance, annulation des résultats du vote, démission du président Chadli. Cet acte fut «télévisé». Le cynisme avait atteint son comble. Quand l’Etat d’urgence fut proclamé, l’Algérie venait de passer de l’espoir de démocratie naissant à la dure réalité d’une nouvelle dictature enrobée de «civilité». Aït Ahmed repart en exil alors que la guerre civile commençait avec ses cortèges de morts. A son tour, la formule bancale du HCE s’effondre. On fit appel à cet autre géant de l’histoire, Mohamed Boudiaf, qui sera assassiné quelques mois plus tard à Annaba. Là aussi l’acte est télévisé et comme pour la démission de Chadli, il est regardé par tous les Algériens devenus témoins et donc aussi «complices» de ce parricide. L’Algérie, orpheline de ces deux grandes figures de l’indépendance, venait encore une fois de rater son passage à la démocratie. Il nous faudrait un Shakespeare pour expliquer par l’art cette tragédie politique. Boudiaf, Aït Ahmed disparus, la société est entraînée dans une impasse sans issue, dont nous payons aujourd’hui encore le prix. Menghir lih comme chantait Mohamed Abdelwaheb dans sa magnifique et dernière qasida qui sera interdite par Al Azhar pour blasphème. Adieu cher maître Da L’Hocine.
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