Pour s’attaquer à une des icônes de la Bataille d’Alger et de la guerre de Libération nationale, les proches du chef de l’Etat n’ont pas lésiné sur les moyens. Peu importe la méthode. L’essentiel étant de s’attaquer à une dame qui, au summum de la vie militante, a «osé» demander une rencontre à celui qui constitue «une ligne rouge» tracée par Amar Saadani et ses proches. Quitte à aller chercher l’arme du crime chez les anciens ennemis que Zohra Drif avait combattus. Car, si cela n’a pas été dit, il faut faire une précision : le fameux document qui met en cause Zohra Drif et Yacef Saâdi a été «retrouvé» dans un blog qui fait l’éloge du général Salan, le tristement célèbre fondateur de l’Organisation de l’armée secrète, qui mis l’Algérie à feu à sang pour s’opposer à l’indépendance. C’est sur le site qui rêve encore du retour à la thèse de «l’Algérie française» qu’Ennahar, suivi d’un site proche de la présidence de la République, et les promoteurs d’un journalisme des sales besognes sont allés chercher un procès-verbal qui, sorti de son contexte historique, ne comporte en vérité aucun acte compromettant. Cet acte malsain remet au goût du jour la lancinante question de la gestion des archives. S’il est vrai qu’une bonne partie de ce patrimoine (qui ne relève pas que de belles facettes des personnalités historiques) est toujours otage de l’Etat français, la gestion des archives pose problème. Car, si les autorités algériennes ont pris au sérieux ce volet, des documents aussi sensibles que l’audition par les autorités coloniales d’une personnalité nationale éminente, ne doit pas se retrouver entre les mains d’aventuriers qui peuvent utiliser ainsi une matière, qui doit être exploitée par des historiens comme arme d’attaque politique. Le PV d’audition de Yacef Saâdi et de Zohra Drif n’est pas un cas isolé. Il y a quelques semaines, des médias français ont rapporté que les autorités de leur pays ont récupéré un document classé «secret». Il s’agit du PV d’audition du défunt président, Ahmed Ben Bella, par la police coloniale suite à son arrestation en 1956. Les responsables français ont dépêché une équipe spécialisée pour récupérer le document, mis aux enchères par des proches de Robert Lacoste, ancien ministre résident français en Algérie au milieu des années 1950. Mais qu’est-ce qui empêche donc les autorités algériennes de récupérer, sinon d’acheter, s’il le faut, des documents aussi sensibles et les mettre à la disposition des chercheurs ? Rien. Sauf peut-être l’envie d’utiliser les reliques du passé pour s’attaquer aux opposants.
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