lundi 2 mai 2016

L’Algérie épinglée par le Comité onusien des droits de l’homme

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a reconnu les faits de «traitements inhumains» et de «détention arbitraire» pour lesquels Medjdoub Chani, l’homme d’affaires algéro-luxembourgeois condamné dans le cadre de l’affaire autoroute Est-ouest, l’avait saisi, à travers une plainte déposée en 2013. Tout en constatant la violation par l’Algérie des articles 7 et 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, il a «souhaité» que, dans un délai de 180 jours, «une enquête soit ouverte» sur ces faits et que ses conclusions «soient rendues publiques». Tombée le 27 avril dernier, la décision est incluse dans un rapport de 14 pages qui comporte aussi bien les arguments de la plainte de Medjdoub Chani que les réponses de l’Algérie, Etat membre du Comité, devant lequel, l’affaire de «torture et traitements inhumains ou dégradants», «détention arbitraire» et «soustraction à la protection de la loi» a été portée. Pour le Comité, «il ressort implicitement du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif que l’Etat partie est tenu d’enquêter de bonne foi sur toutes les allégations de violations du Pacte portées contre lui et ses représentants et de transmettre au Comité les renseignements qu’il détient. Dans les cas où l’auteur a communiqué à l’Etat partie des allégations corroborées par des témoignages sérieux et où tout éclaircissement supplémentaire dépend de renseignements que l’Etat partie est seul à détenir, le Comité peut estimer ces allégations fondées si l’Etat partie ne les réfute pas en apportant des preuves et des explications satisfaisantes». Le comité a par ailleurs «pris note» des griefs liés à «la détention arbitraire» soulevés par Medjdoub Chani et «reconnaît le degré de souffrance qu’implique une détention pour une durée indéfinie, sans contact avec le monde extérieur», tout en rappelant l’observation générale, qu’il avait faite en 1992, «sur l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» et dans laquelle il «recommande aux Etats parties de prendre des dispositions interdisant la détention au secret». Le Comité «observe» que Chani «a été détenu au secret durant 20 jours, période durant laquelle il a été maintenu à l’isolement et privé de tout contact avec sa famille, un médecin ou un avocat». Il «relève» en outre, «les allégations de Chani, selon lesquelles il a subi des tortures durant sa détention au secret du 17 septembre au 6 octobre 2009» et «note les allégations selon lesquelles ce dernier a été soumis, par les agents du Département de la sécurité et du renseignement (DRS), à cinq à six interrogatoires par jour, au cours desquels il était systématiquement victime de gifles, coups de pied, coups de poing, d’étranglement et de crachats ; forcé de se déshabiller à plusieurs reprises par les agents du DRS qui lui ont uriné dessus au moment où il demandait à prendre une douche». Le comité onusien relève une absence d’enquête De ce fait, le Comité onusien «note» que l’Etat partie «s’est contenté de nier ces allégations prétextant qu’elles n’auraient été revendiquées par l’auteur lorsque le procès-verbal de l’audition par le juge d’instruction d’un coaccusé, le 18 novembre 2009, fait état d’allégations similaires». Il «relève en outre que l’auteur a dénoncé les actes de torture auxquels il a été exposés à de nombreuses reprises au cours de la procédure. En l’absence d’enquête sur ces allégations ou d’élément concluant, autre qu’une fiche médicale qui ne permet pas d’indiquer qu’un examen médical approfondi de l’auteur ait été effectué à l’issue de sa garde à vue, et dont la valeur probante a été remise en question par l’auteur, le Comité conclut à une violation de l’article 7 par l’Etat partie». En ce qui concerne l’article 9 de ce même Pacte, le Comité onusien «prend note des allégations de l’auteur selon lesquelles, il aurait été arrêté le 17 septembre 2009 et détenu au secret sans contact avec l’extérieur et notamment avec un avocat ou sa famille, et que sa détention dans un lieu inconnu aurait échappé au contrôle du parquet tel que l’atteste l’absence de tout acte du procureur de la République avant le 6 octobre 2009, date de la fin de sa garde à vue». Le Comité «note» aussi que «selon l’auteur, ni le rapport sur les motifs de la garde à vue, ni celui d’une autorisation de la détention par le procureur de la République ni encore celui sur l’autorisation du procureur de la République de prolonger la garde à vue ne figurent au dossier ; ce qui témoigne de l’arbitraire de l’arrestation et la détention de l’auteur». Par ailleurs, le Comité «note» également «l’absence d’enquête par l’Etat partie sur la présumée arrestation arbitraire et la détention au secret de l’auteur, malgré les plaintes déposées par celui-ci». Il «considère qu’en l’absence d’une quelconque explication de l’Etat partie sur l’absence de pièces au dossier judiciaire permettant de renseigner sur la date exacte de l’arrestation de l’auteur, les motifs de son arrestation et la légalité de sa détention, ainsi que l’absence de toute enquête sur ces allégations, l’Etat partie a violé l’article 9 du Pacte international des droits civils et politiques». Le Comité des droits de l’homme fait le constat d’une violation des articles 7 et 9 du pacte et rappelle qu’«en vertu» de l’article 2 de ce Pacte, «l’Etat partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Ceci exige que les Etats parties accordent réparation aux personnes dont les droits reconnus par le Pacte ont été violés». De ce fait, et dans le cas de Chani, l’Etat partie, qui est l’Algérie, «est tenu, notamment, de conduire une enquête complète et effective sur les faits, en poursuivant et en punissant les responsables et en accordant à l’auteur des mesures de satisfaction appropriées. Il est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas». A ce titre, le Comité «souhaite recevoir de l’Etat partie, dans un délai de 180 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’Etat partie est invité en outre à rendre publiques les constatations du Comité, à les faire traduire dans la langue officielle de l’Etat partie et à les diffuser largement». Ainsi, l’Algérie se retrouve dans l’obligation de mener une enquête sur les «allégations de mauvais traitements et de détention arbitraire» et d’en publier les conclusions. Elle est encore une fois épinglée pour n’avoir pas respecté ses propres engagements.  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire