mercredi 13 juillet 2016

Balise : Le tout-répressif et le sens d’une libération

Pendant que le général à la retraite Hocine Benhadid et le directeur d’El Watan TV, Djaafar Chelli, retrouvaient leur liberté, le premier après dix mois de prison, de souffrances, et le second après trois de détention, d’autres Algériens croupissent toujours pour des motifs, selon leur défense, montés de toutes pièces. Des militants de la cause des chômeurs dans le sud du pays, de Laghouat et de Tamanrasset, les responsables de KBC, Mehdi Benaïssa, et le producteur de l’émission satirique «Ness stah», Ryad Hartouf, ainsi que la directrice au ministère de la Culture, Nora Nedjaï, sont jetés en prison pour certains depuis des mois, pour d’autres quelques semaines seulement. En effet, les premiers ont été déjà condamnés, et les seconds sont mis en mandat de dépôt. Au même moment de la libération du général à la retraite Hocine Benhadid, dont les chefs d’inculpation ont été requalifiés par la justice, et du directeur d’El Watan TV, un autre journaliste, Mohamed Talmat, est condamné à deux années de prison ferme. Le pouvoir souffle le chaud et le froid. La libération de Hocine Benhadid et de Djaafar Chelli est-elle un signe d’apaisement ou juste un moyen d’atténuer un tant soit peu la pression de l’opinion nationale et internationale qui s’est amplifiée ces derniers jours ? Fallait-il qu’il fasse accompagner l’élargissement du général à la retraite, sa détention devenant encombrante à cause de son état de santé, par celui du directeur de la chaîne de télévision privée, pour que son geste soit compris comme une bonne intention aux yeux de l’opinion que par un aveu de faute grave qu’il fallait réparer ? Toujours opaques, les pratiques du pouvoir sont incompréhensibles. Et lui trouver des vertus est sans aucun doute un exercice périlleux. La situation des libertés dans le pays en est la preuve. En plus de l’emprisonnement, d’autres formes de répression frappent les militants des droits de l’homme dans le pays. Des cabales judiciaires, des licenciements, de la répression policière dans sa plus simple expression sont le lot quotidien de ceux qui osent adresser des critiques, manifester contre le gouvernement, ou contester le pouvoir. Ce dernier s’est attelé, surtout depuis l’entame du quatrième mandat de Abdelaziz Bouteflika, à fermer tous les espaces publics devant la libre expression. Les médias publics sont hermétiquement cadenassés. Ni l’opposition politique ni toute autre forme de contre-pouvoir n’y sont tolérées. Seules les voix officielles, les soutiens de l’équipe au pouvoir et les autres «applaudisseurs» ont droit de cité. Les marches pacifiques sont toujours interdites à Alger, que le gouvernement garde comme une forteresse infranchissable par des moyens policiers. Trois citoyens, qui avaient osé allumer des bougies à la Grande-Poste pour commémorer l’anniversaire de l’assassinat de Matoub Lounès, ont été conduits au commissariat. Aucune permissivité n’est concédée à la société. Les médias qui manifestent encore de la résistance au rouleau compresseur d’un régime politique aux abois qui étouffe le pays sont soumis à rude épreuve. Non satisfait de les priver de la manne publicitaire publique, le gouvernement a ouvertement fait pression sur les annonceurs privés pour asphyxier financièrement les quelques titres de la presse qui sortent de son giron. Le pouvoir, qui ne s’accommode d’aucune critique ni mise en cause, n’a pas manqué en effet d’échafauder un terrible arsenal législatif pour interdire de parole les officiers supérieurs retraités de l’Armée. Le projet de loi a été adopté à l’Assemblée populaire nationale (APN) en attendant d’être définitivement validé par le Conseil de la nation. Bien qu’il ait fini par concéder la libération du général à la retraite Hocine Benhadid après 10 mois de détention, les visées du pouvoir de verrouiller les espaces d’expression et d’étouffer le pays sous une chape de plomb sont claires. L’affaire El Khabar, l’emprisonnement des cadres de KBC, l’incarcération de la directrice du ministère de la Culture, la condamnation de militants associatifs et de militants des droits de l’homme sont autant de manifestations qui ne trompent pas sur la tentation totalitaire d’un pouvoir qui pense sa survie dans la répression.  

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