Journalistes, membres du staff technique et administratifs vont et viennent autour de la grande table de réunion de rédaction sans savoir comment réagir. Ils viennent tout juste d’être bouleversés par cette annonce : leur journal ne paraîtra plus ! Brusque et inattendue, la nouvelle jette un froid sans pareil dans la salle de rédaction de La Tribune, connue pour être un vivier de la presse nationale depuis plus de 22 ans d’existence. Deux actionnaires de la Sarl Omnium Maghreb Presse, éditrice du journal, Chérif Tifaoui et Djamel Djerrad, ont introduit, en référé, une demande auprès de la justice pour la cessation des activités de la Sarl, et par conséquent du journal. Les dettes faramineuses du quotidien ont été invoquées pour justifier cette mise en faillite. C’était mercredi dernier. Pour Hassan Gherab, directeur de publication et de rédaction du journal qui refuse d’adopter «une posture de victimisation», c’est le flou total : «Le sort du journal n’est pas entre nos mains, il y a beaucoup de paramètres qui entrent en jeu, les plus déterminants sont d’ordre financier… Nous n’avons pas d’autre choix que d’attendre !» Suite à l’annonce, les employés de l’entreprise se sont constitués en collectif et ont refusé la mise à mort du journal : «Si les règles économiques prévoient effectivement cette solution extrême pour toute entreprise en difficulté, on ne peut cependant considérer un journal comme n’importe quel autre produit commercial, sans dénigrer la valeur des autres entreprises ou produits. Aussi, le collectif de La Tribune refuse-t-il une telle mise à mort du journal et appelle tous les responsables, à tous les niveaux et ayant la moindre once de pouvoir décisionnel, à réagir pour trouver une ou des solution(s) — un échéancier pour le paiement des dettes par exemple — qui permettraient au journal de continuer à jouer son rôle de média et de vecteur d’information.» Depuis, la salle de rédaction s’est vidée, le journal n’est plus sur les étals et le désarroi est resté intact chez les employés, les lecteurs et toute la corporation. Les héritiers des membres fondateurs contestent Les héritiers de Kheireddine Ameyar, membre fondateur du journal décédé en l’an 2000, ont eux aussi refusé cette décision. Dans une déclaration publique, la famille a vite exprimé son incompréhension de n’avoir pas été associée à une telle décision, qualifiée d’illégale. «En tant qu’actionnaires majoritaires, nous vous informons que nous devions saisir la présidente du tribunal de Sidi M’hamed début septembre pour qu’elle puisse nommer un mandataire afin de tenir une AGE pour statuer sur l’avenir rédactionnel, mais aussi pour lancer un audit de la Sarl Omnium Maghreb Presse (OMP), éditrice du journal La Tribune fondée par Kheiredine Ameyar.» La famille considère que «ce licenciement abusif de l’ensemble du personnel du journal La Tribune en l’absence des actionnaires majoritaires à l’AGE constitue un abus de pouvoir avéré. (…) Après 16 ans de procédures judiciaires, la Cour suprême a statué en 2012, notifiant de manière irrévocable notre qualité d’associés», assure-t-elle. De leur côté, les héritiers de Hassan Bachir Cherif, membre fondateur décédé il y a à peine deux mois, s’opposent également à la mise à mort du journal mais restent mesurés quant «aux actions qui peuvent être entreprises dans le cadre de la loi». «Nous ferons tout ce que nous pourrons pour que le journal survive, mais nous sommes limités par les statuts de l’entreprise qui ôtent tout pouvoir décisionnaire aux héritiers», confie Lotfi, fils de Hassan Bachir Cherif. «Les actionnaires sont souverains, mais nous n’écartons aucune piste pour riposter à cette décision qui met des familles entières en difficulté.» Le quotidien La Tribune a été créé le 5 octobre 1995, — période charnière qui a vu naître la presse privée en Algérie —, par Kheireddine Ameyar, Hassan Bachir Cherif, Cherif Tifaoui, Djamel Djerrad, Baya Gacemi et Akram Belkaïd. En 22 ans d’existence, le journal a porté de nombreuses plumes et a été traversé par différents courants.
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