mercredi 27 décembre 2017

Abane, un martyr sans sépulture 

Le 27 décembre 1957, un escadron de la mort, appartenant au MALG, étrangle Ramdane Abane, dans une ferme située près de Tétouane, au Maroc. Soixante ans après, jour pour jour, la vérité n’est toujours pas assumée publiquement sur cet acte qui a ouvert la voie à d’autres assassinats politiques, perpétrés durant la Révolution et après l’indépendance du pays. De cette histoire sordide, restée taboue 60 ans après son avènement, les Algériens ne connaissent pas grand-chose. Des témoignages dithyrambiques des accompagnateurs de l’architecte du Congrès de la Soummam, aux critiques les plus invraisemblables de ses adversaires, Ramdane Abane hante encore des générations entières de ceux qui ont participé à la lutte contre la colonisation. L’histoire officielle, enseignée aux générations d’Algériens depuis l’indépendance, a tenté d’ignorer ce monument de la lutte pour la libération du pays. Au mieux, les concepteurs des manuels d’histoire ont repris un mensonge savamment orchestré par les responsables du FLN au moment des faits : Abane Ramdane est tombé au champ d’honneur. Mais contrairement à l’édition du journal El moudjahid de mai 1957, les falsificateurs de l’histoire donnent le 27 décembre comme date de son «martyre». Il a fallu des témoignages de Français, puis des rares historiens algériens indépendants — Harbi, puis Djerbal notamment — pour savoir que Abane Ramdane, qui fut de 1955 au Congrès de Caire à août 1957, le véritable chef de la Guerre de Libération, a été assassiné par ses compagnons d’armes. La version la plus connue de cet assassinat est celle qui fait des trois B — Belkacem Krim, Lakhdar Bentobbal et Abdelhafid Boussouf — ses trois assassins. D’autres sources ajoutent le nom du colonel Mahmoud Cherif à ce trio. Mais les révélations les plus récentes précisent que la majorité des chefs des Wilayas de l’époque étaient au courant de la «condamnation» sans jugement du dirigeant de la Révolution. Beaucoup, parmi les moudjahidine et les chercheurs, soutiennent en revanche que sans l’aval de Krim Belkacem, l’enfant de Larbaâ Nath Irathen n’aurait jamais été assassiné. Dans un rare témoignage, livré au lendemain de l’indépendance, le signataire des Accords d’Evian affirme qu’il ne s’agissait pas, pour lui, de liquider physiquement Abane. «Pour moi, il était juste question de l’emprisonner», avait-il indiqué. Dans son récent livre, le neveu de Abane et écrivain, Belaïd Abane, met la responsabilité de l’assassinat de son oncle sur le dos de Krim Belkacem. L’écrivain n’omet bien sûr pas de rappeler le rôle déterminant de Abdelhafid Boussouf et des autres colonels. Sur le plan politique, les autorités ont réhabilité Abane. Son nom figure sur les frontons d’institutions et rues un peu partout dans le pays. Mais la tombe qui porte son nom, située dans le carré des martyrs d’El Alia, reste toujours vide. Ses ossements sont toujours introuvables !  

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