Aucun ministre impliqué dans la réalisation du mégaprojet du port de Cherchell n’a daigné effectuer une visite sur le site choisi pour découvrir l’espace sur lequel sera érigé ce projet stratégique pour le pays. Désormais, les hautes autorités du pays confirment, à travers la signature du décret exécutif 17-122 du 22 mars 2017, la construction du port commercial centre d’El Hamdania (Cherchell) d’utilité publique, en dépit des arguments approximatifs fournis lors de la présentation du projet au chef de l’Etat. On se souvient des déclarations de l’ex-Premier ministre, Abdelmalek Sellal, à l’occasion de ses diverses sorties médiatiques, qui affirmait que «le grand port commercial centre sera implanté à l’ouest de la commune de Cherchell». Etrangement, aucun ministre impliqué dans la réalisation de ce mégaprojet n’a daigné effectuer une visite sur le site choisi pour découvrir l’espace sur lequel sera érigé ce projet stratégique pour le pays. Il s’agit d’un port commercial composé de 24 postes à quai et appelé à traiter annuellement un volume de 6,5 millions de conteneurs et une quantité de 25,7 millions de tonnes de marchandises. Depuis son bureau au ministère des Transports, le directeur des ports contredisait les dires de l’ex-Premier ministre Sellal, en déclarant à son tour que le futur port centre sera construit à El Hamdania, qui se situe à l’est de la commune de Cherchell. Ainsi, les responsables annonçaient en grande pompe que le coût du projet s’élevait à 3,5 milliards de dollars. Son délai de réalisation a été fixé à 7 années. Les travaux devaient être lancés à la fin de l’année 2016, soit une année après la décision prise par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, lors du Conseil des ministres en date du 30 décembre 2015. Première fausse alerte Le dossier «ficelé» du port d’El Hamdania présenté par le ministère des Travaux publics et des Transports avait donc fait l’objet d’une présentation qui n’était fondée sur aucun élément rigoureusement étudié avant que le Conseil des ministres ne l’adopte. Les Chinois, qui flairent les affaires juteuses, débarquent à Alger sans perdre de temps. Le 17 janvier 2016, les responsables chinois signent une convention de partenariat avec les autorités algériennes, en présence des caméras et des journalistes, pour annoncer «la chute du projet du port El Hamdania dans l’escarcelle chinoise». Le mégaprojet El Hamdania sera financé grâce à un partenariat algéro-chinois, mais son exploitation après sa mise en service sera confiée aux Chinois pour une durée de 35 ans. Une précision de taille passée sous silence. Malheureusement, le Conseil des ministres avait balayé toutes les lois relatives à la stratégie de préservation et la protection des zones littorales, la protection et la valorisation du littoral, la protection de l’environnement dans le cadre du développement durable, les conséquences de la littoralisation, la gestion intégrée des zones côtières, le schéma directeur des zones archéologiques et historiques, les aménagements des Zones d’expansion et sites touristiques (ZEST), les différents schémas nationaux d’orientation et de planification, qui s’inscrivent d’une manière cohérente avec le Schéma national de l’aménagement du territoire (SNAT). Le site El Hamdania est une aire protégée Le 16 février 2016, les directions de la wilaya de Tipasa avaient été consultées pour donner de plus amples informations sur toutes les superficies incluses dans le site du port afin de présenter l’étude chiffrée et les impacts de ce mégaprojet. Le ministère des Transports avait confié au départ l’étude de ce projet au bureau d’études sud-coréen, en l’occurrence Yuill Engeneering Co Ld. Celui-ci est vite débarqué après l’accaparement du projet par les Chinois, pour être remplacé par le bureau d’études chinois CHEC (China Harbour Engineering Company). Celui-ci avait signé avec le gouvernement de Sao Tomé-et-Principe un contrat pour l’étude et la construction d’un port de transbordement en eaux profondes dans ce pays africain pour un montant de 800 millions de dollars. Ce projet sera opérationnel en 2019. Il n’en demeure pas moins que l’absence d’une étude sérieuse du mégaprojet d’El Hamdania se confirmait de plus en plus. En effet, en septembre 2016, un immense navire chinois, de couleur rouge, équipé de moyens technologiques sophistiqués, effectuait durant des semaines des mouvements au large du site d’El Hamdania pour effectuer la bathymétrie. Mais comment a-t-on alors présenté l’étude de la faisabilité du mégaprojet El Hamdania au président de la République ? Pourquoi a-t-on avancé des chiffres et le coût du mégaprojet au chef de l’Etat, sachant qu’aucune étude sérieuse n’avait été faite ? Dans la précipitation, les officiels annonçaient à nouveau le lancement des travaux de ce port à la fin du 1er semestre 2017, avant de se raviser pour l’annoncer vers la fin de l’année 2017. Deuxième, puis troisième fausse alerte Entre-temps, les ministres en charge du projet sont remplacés. En 2009, la compagnie maritime chinoise Cosco (China Ocean Shipping Company) avait décroché la concession d’une durée de 35 ans en Grèce, à l’est de la Méditerranée, en exploitant 2 terminaux à conteneurs au niveau du port du Pirée. Le port d’El Hamdania (Cherchell), lui, se trouve à l’ouest de la Méditerranée. Les Chinois veulent dominer le transport maritime en Méditerranée. En ce mois de décembre 2017, les responsables de la wilaya de Tipasa annoncent : «Nous pouvons dire que le dossier est maintenant ficelé en matière d’enquête parcellaire et de libération des emprises, nous disent-ils, nous disposons d’une enveloppe financière de 1,5 milliard de dinars pour le règlement des expropriations, ajoutent-ils, maintenant il faut vérifier la situation juridique des occupants des superficies qui sont concernées par la réalisation du projet.» Les indus-occupants sont très nombreux. Le cours d’eau de Oued El Hachem qui traverse le site principal devra être dévié vers Oued Bellah. Les plages de la commune de Cherchell, en l’occurrence celles d’El Hamdania, Trois îlots, Rocher blanc, Oued Bellah et la zone est de Tizirine vont disparaître. Les deux ZET (Zone d’expansion touristique) de Oued Bellah et d’El Hamdania vont se dissoudre dans le béton du port commercial. Les plages mythiques fréquentées par des millions de familles n’existeront plus. L’étendue des plages s’élève à 142 000 m2. Cette disparition des plages s’ajoutera à celle des terres agricoles qui avoisinera 3000 hectares. Le patrimoine forestier ne sera pas épargné. La disparition de ces milliers de mètres carrés de plage et celle des milliers d’hectares de terre agricole ne poseront pas de problèmes pour les décideurs. L’actuel ministre des Travaux publics et des Transports, Abdelghani Zaâlane, avait effectué deux visites en off sur le site afin de mieux s’enquérir de ce projet, après avoir consulté le dossier, vraisemblablement pour découvrir le temps perdu à cause des mensonges de ses prédécesseurs. Après l’accord du président de la République, une décision politique irréversible, aucun responsable ne daignera déclarer que le site d’El Hamdania n’est pas objectivement le mieux indiqué pour abriter un mégaprojet stratégique pour l’économie nationale. La destruction des sites naturels paradisiaques aurait pu être évitée. Il existe d’autres sites dans la wilaya. Une économie d’argent aurait pu être réalisée également si les concepteurs avaient bien réfléchi et n’avaient pas menti au chef de l’Etat. Actuellement, le problème du relogement d’un millier de familles, qui vivent à proximité du site, posera un problème pour la wilaya. Les sites sur lesquels seront construits les logements ne sont pas encore choisis. Les terrassements et la réalisation des accès pour entamer les travaux constituent un autre obstacle. Il faut libérer les assiettes de terrain pour ne pas entraver le mouvement des engins et des véhicules affectés à ce mégaprojet. Le volet relatif à la préservation des sites archéologiques, monuments historiques et celui de la préservation de la faune et la flore marines font partie, hélas, d’un autre chapitre qui n’a pas encore fait l’objet d’un intérêt particulier, en dépit d’une visite protocolaire du ministre de la Culture en septembre dernier. Le mégaprojet comprendra 4 zones industrielles qui seront construites sur les territoires de 4 daïras : Cherchell, Sidi Amar, Hadjout et Ahmeur El Aïn ; la zone logistique et la zone maritime. Le wali a son idée pour éviter les dégâts, tout en affirmant que le coût du projet ne changera pas. Les Chinois sont présents L’ETHRB de Ali Haddad installera bientôt son chantier sur le site d’El Hamdania ; après avoir été choisi pour le projet du transfert du barrage de Kef Eddir (Damous), à l’ouest de la wilaya, d’un montant de 23 milliards de dinars. L’entreprise publique Cosider, qui avait construit magnifiquement le barrage de Kef Eddir après la défection des Italiens, était-elle incapable de s’engager dans la mise en place du réseau des transferts des eaux de ce barrage ? Aujourd’hui, les responsables annoncent pour la 4e fois le lancement des travaux du mégaprojet d’El Hamdania vers la fin du 1er trimestre 2018. Quatrième fausse alerte ? Selon certaines confidences, la cérémonie du lancement des travaux aura bien lieu. Mais l’incertitude interviendra juste après la fête. Le coût du projet et le délai de sa construction constitueront deux énigmes qu’il faut résoudre, car l’un et l’autre seront naturellement revus à la hausse.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire