La secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, a porté de graves accusations contre l’ancien ministre Abdelhamid Temmar, qui a conduit les opérations de privatisation des entreprises publiques économiques. Temmar s’est pour l’instant muré dans un silence pour le moins inexpliqué sur sa gestion des privatisations fortement décriée et dont l’opinion publique, sinon la justice, gagnerait à en connaître les détails. Hanoune vs Temmar. Entre la pasionaria de la gauche et le chantre d’une privatisation tous azimuts, c’est une guerre permanente. La patronne du Parti des travailleurs ne laisse passer aucune intervention publique de l’ancien ministre de la Parti-cipation et de la Coordination des réformes sans — au mieux — lui apporter la contradiction. La récente sortie médiatique de l’ancien protégé de Bouteflika louant les «vertus» économiques des privatisations lui a valu une violente charge de la part de la secrétaire générale du PT. Il faut dire que les hostilités remontent au temps où Abdelhamid Temmar était ministre — influent — chargé de mener au pas de charge les privatisations des entreprises publiques. Mais les critiques qu’a formulées Mme Hanoune cette semaine, lors d’une conférence de presse, à l’encontre de M. Temmar sont lourdes. Plus que des reproches, des accusations. L’ancien ministre a reçu un paquet de réquisitoires sur la tête avec injonction de se taire, mais pour mieux le pousser à parler. «Taisez-vous à jamais M. Temmar ! Viendra le jour où le bilan des privatisations sera connu et dévoilé, et là, vous répondrez de vos actes, car les crimes économiques sont imprescriptibles», pilonne-t-elle. Elle l’accuse d’avoir conduit le pays à la catastrophe. Fougueuse, Louisa Hanoune rappelle à l’ancien ministre ce qu’a été son bilan quand il était chargé de mener tambour battant les privatisations sous couvert de réformes. Un bilan sombre et désastreux. «Les privatisations ont fait exploser la corruption et les pots-de-vin», accuse-t-elle, affirmant qu’elle détient des preuves de cette dérive économique. La sortie médiatique de Abdelhamid Temmar aussitôt suivie par la forte réplique de Louisa Hanoune intervient au moment même où le gouvernement de Bouteflika tente dans un cafouillage total de relancer les privatisations. Un chantier qui divise au sein-même du gouvernement et de ses alliés. C’est dans ce contexte que l’ancien ministre de la Participation a voulu se poser en avocat des partisans des «dénationalisations». Pas forcément un bon avocat, lui qui traîne un bilan «indéfendable». A son époque, il était déjà accusé par nombre d’acteurs économiques et politiques de ne pas avoir engagé la vente des sociétés publiques dans des conditions transparentes. De l’avis de beaucoup d’observateurs, l’opération de cession des actifs de l’Etat était réalisée dans «l’opacité». Quels étaient les heureux bénéficiaires des entreprises économiques rachetées parfois à bas prix ? Louisa Hanoune semble connaître un bout de réponse quand elle assure que l’ancien ministre avait «tiré profit lui et son entourage des privatisations». Il est ainsi envoyé au box des accusés du désastre économique. Aujourd’hui, Abdelhamid Temmar, pour éviter un débat national sur son action lorsqu’il était aux commandes, se défend en opposant à ses adversaires l’argument de l’«idéologie». Même si, en effet, la dirigeante du Parti des travailleurs est une partisane de l’étatisation, sans être opposée à l’initiative privée. Elle ne s’en cache pas. Or, ce n’est pas sur ce terrain qu’elle pose le débat. Mais elle interpelle franchement M. Temmar sur des actes de gestion. De sa gestion à lui. Il n’est pas question d’affrontement entre deux dogmes, deux orientations économiques opposées. Il s’agit de reddition des comptes dès lors qu’il s’agit du trésor de la collectivité nationale. Un débat national est plus que nécessaire pour éclairer l’opinion sur la manière avec laquelle ont été conduites les affaires du pays. Il permettrait de situer les responsabilités mais surtout de mieux identifier les erreurs commises, si réellement il existe une volonté politique de «corriger». D’évidence, l’administration de l’économie a de tout temps été frappée du sceau de l’opacité. Avant, pendant et après l’ère Temmar. L’ouverture libérale n’a pas été accompagnée des instruments de bonne gouvernance, de la transparence et des règles équitables appliquées à tous. Le pouvoir politique garde encore, et dans une large mesure, le monopole sur le secteur économique non étatique. Il ne permet pas l’émergence autonome de l’entreprise privée. L’interpellation vive de Abdelhamid Temmar peut servir au moins à engager un vrai débat sur cette problématique. Mais pour l’heure, celui que Abdelaziz Bouteflika avait accusé de «mensonge» lors d’une visite d’inspection et de travail à Alger en 2006 ne répond pas aux accusations publiques dont il fait l’objet. Son silence est gênant. S’il ne dit rien, il devient troublant et laisse s’installer un sérieux soupçon. Va-t-il croiser le fer avec son adversaire et répondre aux accusations ? Ou bien Louisa Hanoune, rompue à l’art de la polémique, lui a-t-elle fait apprendre les vertus du silence ?
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