Un message laconique du ministre des moudjahidine, Tayeb Zitouni, puis plus rien. A peine une trentaine de personnes avait assisté, hier, aux funérailles de Fatima Ouzegane, veuve du chahid Abderrahmane Rebaine, décédée jeudi dernier, à l’âge de 90 ans. Dans la petite foule clairsemée, il y avait le wali d’Alger, Abdelkader Zoukh, le président de l’APC d’Alger-Centre, Abderrahmane Bettache, des proches mais aucun haut responsable de l’Etat. « Les gens ont peur de s’afficher vu que la défunte était connu pour son opposition au régime de Bouteflika. La dame, militante sincère, a tout donné pour ce pays, pendant et après la guerre. Mais elle n’a pas eu le grand hommage qu’elle mérite », regrette un citoyen qui se rappelle sa rencontre « inoubliable » avec « cette forte personnalité » à la maison de la moudjahida, Djamila Bouhired, que la défunte a défendu contre le mépris des décideurs. Née le 24 janvier 1928 à Alger, Fatima Ouzegane a vécu au sein d’une famille de militants nationalistes. « La famille Ouzegane, originaire de la même région que moi, Azzazga, est irréprochable. L’oncle de Fettouma, le grand Amar Ouzegane, militant du Parti communiste algérien (PCA), qu’il n’a pas hésité à quitter, était l’un des rédacteurs de la plateforme de la Soummam (aout 1956). Avec ses 4 sœurs, la défunte a rejoint le combat libérateur, et payé cher cette engagement», se rappelle l’ancien membre de l’ALN, Saâda Messous, qui signale qu’il devait la rencontrer aujourd’hui chez elle en compagnie de sa sœur, mais le destin en décidé autrement. Arrêtée le 31 janvier 1958, Fatima qui connaitra les affres des geôles coloniales, est libérée en décembre 1959. Aussitôt sortie de prison, elle reprend contact avec les réseaux de l’ALN dans la Zone autonome d’Alger (ZAA). Au lendemain de l’indépendance, « Fettouma » pour ses proches, crée une association, la première, pour venir en aide aux enfants de chouhada. « C’est une femme qui a toujours été aux côtés des enfants de chouhada. C’est la mère de tous les fils de chouhada. C’était son combat », soutient Ahmed Osmani, lui-même fils de chahid. Ses mémoires en préparation Fatima Ouzegane a été de tous les combats justes. La fierté chevillée au corps, elle a soutenu sans rechigner les causes des sans-voix, et n’a pas craint de critiquer le régime, avec sa fougue habituelle. Elle a été membre de la première Ligue algérienne des droits de l’homme dont la réunion de constitution s’est tenue en 1985 à son domicile, au 25 rue Didouche Mourad (Alger). « C’était une moudjahida, une battante. C’est elle qui nous a appris le militantisme. Après l’indépendance, elle s’était occupée des fils de chouhada et des veuves. On lui a proposé un poste de ministre, mais elle a refusé. Après le coup d’Etat de juin 1965, elle a subi beaucoup de pressions. C’est chez elle que la ligue des droits de l’homme a été créée. Son domicile a été le refuge des opposants et des hommes politiques. D’ailleurs, elle a fait de la prison dans l’affaire de la Ligue, du temps de Chadli. Elle n’a jamais cessé le combat, jusqu’à il y a une année ou deux, à cause de sa maladie », signale, la voix nouée par l’émotion, Djamel Amaouche, militant de Ahd 54, dont le président, Ali Fawzi Rebaine, est le fils de la défunte. Avec Louisa Haoune après l’indépendance c’est la seule femme qui a fait de la prison pour des raisons politiques, comme nous le rappelle à raison un observateur perspicace de la scène politique nationale. Des mémoires de la grande militante devront paraître prochainement. « Elle n’a pas écrit ses mémoires. Mais elle a laissé des documents et des archives », précise à El Watan son fils, Ali Fawzi Rebaine. Une autre femme, Fatima Guemar, veuve du grand moudjahid Krim Belkacem, est décédée, hier, et a été enterrée au cimetière d’El Alia.
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