mardi 30 janvier 2018

Une ressortissante française devant la justice à Boumerdès

L’information paraît à première vue invraisemblable, mais on est bel est bien devant une affaire assez particulière. Une ressortissante de nationalité française établie illégalement en Algérie a été présentée, hier, devant le tribunal criminel près la cour de Boumerdès dans le cadre d’une affaire en lien avec les groupes djihadistes sévissant en Syrie et en Irak sous la bannière de l’Etat islamique. Une première en Algérie. Il s’agit de la dénommée Siko Catherine Jeanne (47 ans) dont le mari Nouad Samir (en fuite), natif d’El Harrach, avait rejoint les groupes de Daech il y a quelques années via la France et la Turquie. Poursuivie pour «apologie du terrorisme» et «résidence illégale», l’accusée a été arrêtée par les services de sécurité en février 2017 dans une villa à l’entrée de Boumerdès. Elle était en compagnie de C. Fatima (42 ans) mariée à un Algérien originaire de Tizi Ouzou qui, lui aussi, est parti faire le djihad au Proche-Orient avant d’être abattu il y a une année. Selon des sources proches du dossier, les services de sécurité auraient trouvé en leur possession des documents et des traces sur leurs micro-ordinateurs prouvant qu’elles avaient entretenu des liens avec leurs maris alors qu’ils combattaient dans les rangs de l’EI. «Une adepte inconditionnelle de la charia» La ressortissante française a été depuis placée sous mandat de dépôt à la prison d’El Harrach tandis que «sa complice» est mise sous contrôle judiciaire. Le procès de cette affaire devait avoir lieu hier, mais il a été reporté sur la demande de l’avocat de Siko Catherine Jeanne, inscrit au barreau d’Alger. Portant un voile de couleur noire et des lunettes, la prévenue était accompagnée au box des accusés par une femme agent de l’administration pénitentiaire. Dans la salle, personne n’aurait deviné qu’une Française pouvait s’habiller ainsi ou être citée dans une affaire en lien avec les groupes islamistes radicaux. Sa coaccusée, elle, portait un nikab, le voile intégral. Cette dernière est accusée d’«apologie du terrorisme». Appelée à la barre, le juge demande à Mme Siko si elle approuve la demande de report du procès exprimée par son avocat. L’interprète désigné par le tribunal pour la circonstance, Chentit Ahmed, se charge de la traduction. L’accusée répond, avec une voix à peine audible, qu’elle s’en tient à la décision de son avocat. Le juge annonce l’ajournement du procès pour la prochaine session criminelle, prévue dans 2 mois. Sitôt la séance levée, C. Fatima quitte subrepticement la salle. Selon des sources au fait du dossier, la ressortissante française serait établie en Algérie depuis 2006 après avoir vécu avec son mari durant plusieurs années en France et en Angleterre. «Elle s’est convertie à l’islam et elle est une adepte inconditionnelle de la charia. Son mari est revenu en France il y a deux ou trois ans où il s’est remarié avec une autre fidèle avant de rallier les acolytes de Abu Bakr El Baghdadi», précisent nos sources. Et d’ajouter : «Sa relation avec C. Fatima est plutôt due à mon sens au fait qu’elles partagent les mêmes idées. Autrement dit, elles seraient unies par la cause. Leur arrestation dans la même villa prouve qu’elles entretenaient des liens assez forts.» Une affaire qui en cache d’autres Cependant, lors de l’instruction, les accusées ont nié tout contact avec les fanatiques de Daech et autres fraction extrémistes. Cette affaire nous rappelle celle jugée en mars 2017 par la même juridiction, impliquant 36 individus présumés candidats au djihad en Syrie, parmi lesquels se trouvaient 7 femmes, dont l’épouse du mufti de Daech, Abu Maram El Djazaïri, natif de Boudouaou, dans la wilaya de Boumerdès. Ce dernier serait le premier Algérien à avoir rallié les rangs de l’EI depuis sa création en 2013. Il a été rejoint par la suite par une trentaine d’islamistes radicaux de sa localité, dont la plupart ont été éliminés. Les investigations menées depuis par les services de sécurité ont permis le démantèlement de plusieurs réseaux dormants, dont certains de leurs éléments étaient sur le point de partir pour la Syrie via la Turquie. L’organisation et le mode de recrutement de ces groupes de soutien et de propagande seront révélés dans les prochains mois lors du jugement au pôle de justice d’Alger des affaires des personnes impliquées. S’agissant du cas de Siko Catherine, d’aucuns savent qu’elle n’est pas la seule Française à être poursuivie en justice pour ses liens présumés avec les groupes djihadistes. Il y a deux mois, des médias étrangers ont fait état de 960 combattants de l’EI d’origine française qui sont toujours en vie, dont 295 femmes et 28 mineurs. Depuis 2013, au moins 265 Français, dont 8 femmes, sont morts dans des combats en Irak et en Syrie.

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